
« J’ai toujours voulu chanter. Depuis toute petite, quatre ou cinq ans. Ma grand-mère m’a poussée sur une scène, la première fois, à cinq ans (…), et depuis, je n’ai jamais arrêté de chanter », raconte Sandra Ballantyne (alias Sandy Stevenson, ou encore Sandy Stevens, ou tout simplement Sandy) au moment où elle est n°1 du Top 50. La petite Écossaise, qui a tout d’abord étudié la psychologie, se retrouve à Paris au début des années 80 sans parler un mot de français, et chante dans la rue, puis dans un cabaret. Elle finit par se faire repérer et, en 1983, elle se voit propulser à l’affiche d’un film musical de Michel Nerval où elle tient le rôle-titre de Sandy, un pseudo qui va lui coller à la peau. Dans ce nanar oublié qui décrit l’ascension d’une jeune chanteuse, Sandy côtoie Michel Galabru, mais surtout interprète la bande originale (où l’on trouve notamment une composition originale de Bashung) dont elle écrit les paroles de quatre morceaux. Commercialisée en 33 tours chez Barclay, la BO a même droit à un extrait en 45 tours, So Goes My Day, qui permet à Sandy de faire quelques apparitions télévisées, notamment dans L’Académie des 9.
Quelques 45 tours plus tard (Everyman’s The Same en 1984, Love is Danger en 1986, Marguerite en 1987, adaptation d’un titre de Richard Cocciante), Sandy Stevenson devenu Sandy Stevens, est désormais produite par Yves Dessca sur son propre label et pose sa voix sur les compositions de Pierre Bachelet pour Emmanuelle 5 en 1987, une BO restée inédite sur disque.
Le succès, c’est un jingle pub qui va le lui apporter, un air que les Français entendent déjà depuis 1984 dans la publicité pour les yaourts Yoco de la Roche aux fées. À l’origine de cette petite mélodie, on trouve Marc Miller, ex-musicien du groupe The Dice reconverti dans la production d’habillages de spots publicitaires, et son acolyte Pascal Stive (ex The Dice lui aussi). La Roche aux fées fusionne quelques années plus tard avec Chambourcy, et le thème original est conservé pour une publicité qui vante les mérites de ces produits laitiers. Le thème en 1988 est à la « nature » et la mélodie se pare d’un nouveau texte signé Anne Moustrou, et d’une nouvelle interprète. « Il ne manquait qu’une voix inédite canon, raconte Marc Miller à Paroles et musique en octobre 1988. J’ai pensé à Sandy, jeune Écossaise que j’avais rencontrée dans un studio. Elle avait, alors, interprété des pubs pour moi en anglais. Le hic : les publicitaires n’aiment pas trop les accents, sauf exception. J’ai donc essayé de le gommer au maximum et personne n’a protesté ».
Dans la foulée, l’agence de pub lui commande une version allongée du thème pour en faire un 45 tours. Après tout, un gimmick matraqué en télé pourrait bien, pourquoi pas, faire un succès. « On a faim de musique, de nature et de fruits, On dirait qu’cette année, c’est tous les jours l’été… Chambourcy, oh oui ! » chantait Sandy pour séduire les acheteurs de yaourts et, pour en faire une chanson commercialisable, Anne Moustrou va revoir son texte (en gardant la métaphore alimentaire) et Pascale Stive rajouter un refrain, en ne conservant intelligemment le thème déjà connu que sur les couplets.

Début 1988, c’est Carrere qui va distribuer le disque, tout d’abord sous une pochette illustrée de l’image d’un couple, et avec la version instrumentale de J’ai faim de toi en face B. Dessca France y est remercié, puisque le producteur a consenti à prêter la voix de sa chanteuse, sans pour autant pouvoir prétendre à des droits sur l’enregistrement. « Certains programmateurs ont un peu freiné l’élan, flairant le coup de pub déguisé. Les barrières sont tombées quand ils se sont aperçus que Sandy était une vraie artiste », explique Marc Miller. Le premier pressage est vite écoulé et Carrere, qui mise désormais sur la chanteuse, envoie en bacs une nouvelle édition avec cette fois un portrait de Sandy sur la pochette du single, et un maxi 45 tours avec une version longue. Parallèlement un clip réalisé par Jean-Paul Seaulieu est diffusé et J’ai faim de toi démarre son ascension du Top 50 en mai avant d’atteindre la première place pendant deux semaines début juillet. Avec douze semaines passées dans le top 10, le disque d’or pour 400 000 ventes est assuré et le 45 tours sort au Royaume-Uni, en Scandinavie et dans toute l’Europe, une version anglaise, I Want More of You, est même enregistrée. « Dire à un garçon : « J’ai faim de toi », c’est plus original que « Je t’aime », et c’est tellement plus mignon. Je précise que je n’ai aucun instinct cannibale ! », commentera malicieusement la jeune chanteuse ravie de son succès.
La même année, Yves Dessca, tentant de capitaliser sur l’exposition de sa chanteuse, sortira deux 45 tours qu’elle avait enregistrés pour lui en anglais (notamment Lies, reprise de l’unique single d’Amanda Scott, la sœur de Bonnie Tyler, paru quelques mois plus tôt) et même un album sur la pochette duquel on pouvait lire très opportunément « après J’ai faim de toi, l’album ! », alors que celui-ci ne contient pas le fameux tube. Sandy, quant à elle, va poursuivre de son côté la collaboration avec Miller, Stive et Moustrou, mais ni les singles Comme je respire et T’aurais dû, ni l’album Histoires d’amour en 1989 ne connaîtront le succès.
Pour le coup, un vrai coup de coeur pour cette chanson , mais incompréhensible que pas incluse sur l’album de 1989 à la qualité assez moyenne.
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