Muriel Dacq – Tropique

Muriel Desclée de Maredsous naît à Namur en Belgique. Issue d’une famille de la noblesse, elle préfère le bal du village aux rallyes, et n’a pas particulièrement le désir de se lancer dans une activité artistique professionnelle. Elle pratique pourtant le piano ainsi que le chant, et elle se produit avec l’orchestre de jazz de Ciney, un big band d’une vingtaine de musiciens créé par Pierre Neuville. Ce dernier croit beaucoup en Muriel et la persuade de chanter le fameux New York, New York de Liza Minnelli qui lui demande trois mois de travail et de préparation. « Le jazz m’a permis de grandir au niveau vocal, je crois que ça a été ma meilleure école », dira-t-elle.

Elle poursuit en parallèle ses études et l’idée d’un 45 tours, c’est son petit frère Éric qui va la lui souffler car lui aussi a envie de chanter. Avec Axel de Kirianov, le fils de son professeur de piano, Muriel écrit en une nuit dans son grenier la chanson Tropique. Elle a envie de s’amuser avec sa bande d’amis et de faire de ce projet une aventure collective. Elle va donc économiser pendant un an en s’occupant des enfants d’une famille de son village pour pouvoir se payer cette folie : l’enregistrement d’un 45 tours au studio Pyramide près de Bruxelles. Elle y passe trois nuits avec ses copains musiciens et enregistre Tropique ainsi que sa face B, Pardon, une chanson qu’elle avait écrite et composée lorsqu’elle avait quinze ans. Quinze ans, c’est aussi l’âge de son petit frère Éric qui fait bien sûr partie de l’aventure, et enregistre la voix de basse qu’en entend au début de Tropique : « Sorti de la playa, mamma mia, qué calor en la discoteca », l’un des gimmicks qui feront de la chanson un succès. Au studio Pyramide Muriel rencontre Alec Mansion qui deviendra son mari et qui réalisera ses futurs disques, peu de temps avant qu’il n’explose avec Leopold Nord et vous et le tube C’est l’amour, produit par… Muriel !

Avec ses bandes sous le bras et l’aide de son ami Roland Carette de l’orchestre de Ciney (qui joue de la guitare sur Tropique), Muriel part à la recherche d’une maison de disques. C’est grâce à un coup de main de Pierre Collard Bovy, animateur radio, que Muriel se présente aux bureaux de la division belge de Carrère qui la signe immédiatement. Muriel Desclée devient Muriel Dacq (pour « d’accord ») sur la pochette de son premier disque. « On voulait juste le vendre à Namur, dira la jeune chanteuse, et Namur nous a dit il faut absolument que vous le sortiez en Belgique, on l’a sorti en Belgique et on a été premier en Belgique ». Tout va très vite et démarre très fort, en deux mois la chanson est effectivement un tube en Belgique. Muriel et sa bande partent à Ostende pour tourner un clip avec une caméra qu’ils ont empruntée à un ami qui travaille à la télé. En plein mois d’octobre 1985, il ne fait pas chaud sur les plages de la mer du Nord où il faut pourtant simuler des ambiances caniculaires et tropicales, ce qui vaudra une bonne pneumonie à certains des figurants.

Après cette percée fulgurante dans son pays, il n’est pas interdit de rêver du même succès en France, et Muriel fait route pour la première fois pour Paris où c’est avec Claude Carrère en personne qu’elle signe cette fois. 1985 est l’une des grandes années de l’italo-disco en France et Tropique, avec ses synthés dansants (mais aussi ses cuivres) n’a pas de mal à se faire une place au cœur de l’hiver.

Muriel fait ses débuts en live chez Jacques Martin le 22 décembre avant de reprendre la promotion mi-janvier. « Tropique au compteur, change pas l’moteur », ce n’est pas du Baudelaire comme le dit Muriel, mais la formule fait mouche et le disque fait ses débuts au Top 50 dès le 1er février 1986. Mi-avril, Tropique est 6e du classement mais également n°1 des diffusions sur les radios périphériques et n°7 sur les FM. Plus de 300 000 exemplaires sont vendus et le disque est distribué en Espagne, en Allemagne, au Mexique puis au Japon. Une version anglaise, All Night, est enregistrée avec un texte signé Alec Mansion, mais c’est surtout la version française qui est diffusée à l’étranger. Tropique entre en effet en programmation sur des radios importantes en Allemagne, Suisse, Suède et au Danemark, et c’est un joli tube au Québec.

Un succès inattendu qui offre à Muriel l’opportunité de créer sa propre structure de production, Congas, qui lui permet de produire non seulement ses disques et ceux de son compagnon, mais également de lancer un appel aux jeunes artistes pour qui l’accès aux maisons de disques peut sembler compliqué. Elle souhaite lancer quatre nouveaux artistes dès 1986 et produira notamment le groupe Flash Black et, on l’a dit, Leopold Nord et vous.

La tournée promotionnelle mène évidemment Muriel dans les discothèques où elle n’a pour l’instant que deux titres à défendre. Elle décide alors de proposer en rappel son interprétation de New York, New York qui fait un tabac, tant et si bien qu’elle chantera également sa reprise en télévision. Elle regrettera plus tard de n’en avoir pas fait un single à l’époque, et il faudra attendre 2020 pour qu’elle n’en propose une toute nouvelle version sur les plateformes.

Carrère réclame des titres à Muriel qui manque de temps pour se consacrer à un album. Néanmoins, dès mars 1986 la suite de Tropique est déjà prête et ce sera un morceau dans la même veine, Là où ça ???, qui se classe 42e du Top sans atteindre les 100 000 ventes. Elle investit par la suite dans un home studio et part en tournée au Japon, marché pour lequel elle enregistre un album réalisé en partie aux États-Unis avec notamment une chanson écrite et arrangée par Kim Wilde et son guitariste Steve Byrd. Quant à son petit frère Éric, lui aussi enregistrera un 45 tours, Valentino, sous le pseudo de Valric, qui sort en Belgique en 1986 avec Muriel aux chœurs.

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