Luna Parker – Tes états d’âme… Eric

C’est très jeune que Rachel Ortas fait la connaissance d’Éric Tabuchi, au milieu des années 1970. À treize ou quatorze ans, le destin du couple se dessine déjà. Attirés tous les deux par les disciplines artistiques, ils arrêtent l’école en troisième. D’origines espagnole et corse, Rachel, éprise d’aventure, s’envole pour New York à 15 ans car elle n’a qu’une envie, faire de la musique, ce qui lui semble beaucoup plus simple là-bas. De retour à Paris, elle se forme à l’art dramatique et intègre une école de cirque. Éric, qui lui a des racines japonaises et danoises, retape de son côté une maison dans l’Essonne pour en faire un studio de répétition, car lui aussi veut se lancer en musique.

Ensemble, avec le frère de Rachel, ils commencent à enregistrer des maquettes à la maison. Mais c’est à cinq, une fille et quatre garçons, qu’ils forment les Tokow Boys, les cowboys de Tokyo, et commencent à se faire repérer dans le milieu du rock parisien. Ils signent chez Virgin chez qui ils sortent deux 45 tours en 1980 puis un album, Cobra ! cobra !, l’année suivante, dont Éric signe la quasi-totalité des textes et des musiques à lui seul tandis que Rachel s’illustre au chant. Si quelques radios et la presse spécialisée réservent un bon accueil au groupe qui tourne dans les clubs, où il côtoie souvent Étienne Daho, Elli Medeiros et toute cette nouvelle vague d’artistes français dans laquelle ils se reconnaissent, les Tokow Boys se séparent.

Rachel et Éric poursuivent toutefois leur aventure à deux et, dès 1983, on peut voir Rachel en vedette du film Faux-fuyants d’Alain Bergala et Jean-Pierre Limosin présenté au festival de Cannes et dont Éric signe la musique. L’année suivante, ils signent chez Phillips et c’est la chanteuse seule qu’on met à l’avant cette fois-ci, sous le nom de Rachel-Rachel. Deux 45 tours sortent, Muchacho et Méli-mélodie, mais c’est surtout le Japon qui s’intéresse à Rachel, et c’est un album entier qui sort là-bas, composé des titres des deux 45 tours ainsi que d’autres des Tokow Boys. Mais le projet Rachel-Rachel ne correspond pas vraiment à ce qu’Éric et Rachel ont envie de présenter, eux qui se voient plus comme un duo, comme un groupe. Ils veulent se démarquer de Tokow Boys : « On n’a jamais été vraiment rock, on était plutôt new wave, on avait envie de faire quelque chose de plus dansant », dira Rachel.

Ils deviennent alors Luna Parker, « Parce que c’est la lune, le luna park, Parker le cœur et Bonnie Parker de Bonnie and Clyde », explique Rachel avec espièglerie. Luna Parker signe chez Barclay début 1986 avec une chanson au jeu de mot annonciateur d’un humour qui ravit Éric : Tes états d’âme… Éric. « On se réveille un matin et on trouve un titre Tes états d’âme Eric, et on attend deux ans quand même rien qu’avec le titre. Et puis après, un autre matin, on se dit : « Je vais la faire celle-là » ! On fait la musique, quand même assez vite, deux semaines là. Et puis une fois qu’on a la musique on fait les paroles. Alors là encore deux semaines, et puis là on enregistre et voilà », raconte Éric lorsqu’on le questionne sur la genèse du titre dont il signe paroles et musique.

Petite merveille de pop, la chanson a tout du tube, aidée par le savoir-faire de Dominique Blanc-Francard à la production. Le texte d’Éric, s’il joue avec les mots, n’est pas pour autant vide de sens, ce dont il se réjouit : « J’étais tellement nul en français à l’école. Ça me fait plaisir de faire émerger l’émotion des mots, sans que le texte soit creux, avec un minimum d’humour ». Rachel renchérit : « On est comme des enfants de Gainsbourg. On est accros à la musique des mots ». Elle n’a pas de mal à interpréter ce texte qu’elle sent comme si elle l’avait fait, selon ses mots. En attendant, c’est elle la narratrice de cette histoire de couple, celle qui subit les vicissitudes de son compagnon. Le clip de la chanson est réalisé par Jean-Pierre Limosin avant la sortie du disque, sur un scenario d’Éric qui s’occupe également de la pochette du 45 tours.

La promotion de Tes états d’âme… Éric démarre en juillet 1986 et le single est dans les bacs avec en face B Le Musée des araignées : « Une chanson intimiste sur les affres de la création. C’est une facette de ce qu’on voudrait faire », commente Éric. Avec la promotion télé qui s’intensifie à la rentrée, et surtout en fin d’année, Tes états d’âme… Éric fait enfin son entrée au Top 50 fin décembre et atteindra la 10e place fin février 1987. Le disque est également un succès radio qui se classe 3e des diffusions FM et 8e des radios périphériques. En tout, se sont plus de 200 000 disques qui trouvent preneurs en France.

Luna Parker poursuivra avec trois singles (Le Challenge des espoirs, Fric frac et Tic-taquatique) ainsi qu’un album en 1988 (Félin pour l’autre) mais sans jamais retrouver le même succès car ils se refusent à essayer de répéter la formule de leur tube. Le duo finira par se séparer à la ville comme à la scène. Éric, notamment, n’aime pas tellement se montrer à la télévision. Ensemble depuis très longtemps, ils ont naturellement envie de vivre d’autres choses.

Si aujourd’hui Rachel participe encore ponctuellement à des projets musicaux ou quelques concerts 80 durant lesquels elle dit toujours prendre un grand plaisir, elle est surtout devenue illustratrice et travaille en Angleterre. Éric, de son côté, est devenu photographe.

Un commentaire

  1. Et sur leur album se trouve la chanson « La tour de Londres » qui sera adaptée par Jean-François COEN en 1993 sous le titre « La tour de Pise ». Le clip sera réalisé par Michel GONDRY

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