RoBERT – Elle se promène

Débarquée sur les ondes en 1990, RoBERT se fait remarquer par son univers minimaliste et poétique, élégant et électronique, soufflant un vent de fraîcheur avec un premier single détonnant, Elle se promène. Son curieux pseudonyme masculin, elle le doit à son compagnon et compositeur de l’époque, Mathieu Saladin, qui le lui a attribué par facétie. Les deux jeunes gens, qui se connaissent depuis le collège, se retrouvent quelques années plus tard en 1985 lorsque RoBERT se met en recherche de musiciens pour l’accompagner. Loin des formats commerciaux qui sont à mille lieues de sa culture musicale, Saladin (qui officie alors dans un groupe instrumental) lui concocte plusieurs maquettes de chansons qu’elle va distribuer aux maisons de disques. Au milieu d’une indifférence polie, la maison Barclay porte au duo une oreille attentive mais attend quelque chose de plus grand public. Entre-temps, le couple a investi dans du matériel électronique (ordinateur et boîte à rythmes) pour une plus grande indépendance et un contrat leur est enfin proposé par Barclay en 1989. Mais une tentative infructueuse de mise en concurrence avec CBS, également intéressé, leur fait finalement manquer cette opportunité. Qu’importe puisque Virgin, Polydor et CBS paraissent à leur tour sensibles à leur travail, sans pour autant que les nouvelles maquettes ne les décident à franchir le pas.

Dépité, Mathieu Saladin se met un beau jour au piano et compose ce qui va devenir Elle se promène. Dans la foulée, et inspirée par la confession d’une âme solitaire qu’elle entend un soir à la radio, RoBERT pose ses mots sur la musique de son compagnon. Mais la route est encore longue et la chanteuse, enceinte, remet son démarchage obstiné à plus tard.

Début 1990, RoBERT et Mathieu reçoivent les vœux de Frédéric Rebet de chez CBS, une attention qu’ils interprètent comme un signe : c’est à lui seul qu’ils feront entendre leur dernière chanson. Cette fois la machine se met en route pour de bon, même si la direction de CBS suggère quelques changements à la maquette (le refrain ainsi qu’un violoncelle seront ajoutés) avant la signature du fameux contrat. Il faut désormais s’occuper de la production du morceau et c’est à grands frais que RoBERT et Mathieu partent pour Londres où ils seront pris en charge par Neil Stainton qui a déjà travaillé pour Roy Hamilton (et plus tard pour East 17) et qui s’illustre plutôt dans la soul et la house. Si l’entente est bonne, nos deux Français se décomposent au fur et à mesure qu’ils voient leur création leur échapper et leur chanson se vider de son sens et de sa sensibilité initiale. Catastrophée par le résultat, la maison de disques, qui a dépassé son budget pour le titre, confie en désespoir de cause la réalisation à Mathieu et RoBERT qui s’enferment dans un petit studio. Cette fois le mixage est délégué à Christophe Dupouy, collaborateur régulier de Jean-Louis Murat, est c’est une réussite. Elle se promène, plutôt que de surfer sur la mode du moment, retrouve ses teintes de ritournelle minimaliste aux thèmes répétitifs. Une vraie curiosité.

Pas de succès sans clip et là encore la chanteuse n’a pas l’intention de faire l’impasse sur ses ambitions artistiques et se met en tête de contacter Fernando Arrabal, rien que ça. Ce dernier finira par donner son accord, mais trop tard hélas, et c’est John Lvoff (nommé aux César en 1990 pour son premier film) qui réalisera le petit film clair-obscur et sensuel dans lequel la chanteuse esquisse quelques pas de danse (elle a aussi été danseuse). Là aussi l’œuvre tranche par sa singularité et M6 joue le jeu en diffusant Elle se promène. Les médias sont d’ailleurs majoritairement bienveillants envers cet ovni et RoBERT sera même l’invitée de Sacrée soirée.

Au printemps 1991, c’est une artiste majeure de la variété française qui opère son retour avec son troisième album et un mégatube : Désenchantée. Mylène Farmer est elle aussi séduite par RoBERT et en profite pour l’inviter lors d’une émission qui lui est consacrée sur RTL : « Je crois que je ne sais rien de cette jeune fille si ce n’est que j’ai beaucoup aimé son disque, cette chanson, et que j’aime sa façon de bouger », dira-t-elle. Une reconnaissance et une certaine filiation qui marqueront pendant longtemps la carrière de RoBERT.

Commercialisé fin 1990, Elle se promène paraît en 45 tours et mini CD single avec un remix en second titre. Un maxi 45 tours est également réalisé avec quatre remixes : deux sont signés Aston T. et deux autres Neil Stainton (probablement les versions refusées enregistrées en Angleterre).

En 1993, RoBERT enregistrera son premier album Sine, chez CBS, avant de continuer sa route en indépendante. Si elle tourne des clips sous la direction de Michel Gondry, Philippe Gautier ou Gabriel Aghion, elle se produit également à la Cigale, à l’Olympia… Amélie Nothomb lui écrira des textes et romancera sa vie dans Robert des noms propres en 2002 et en 2009 RoBERT interprète le thème de la publicité du parfum de Givenchy Ange ou Démon, le secret, sur une adaptation de sa propre chanson, Personne.

En 2004, sur sa première compilation Unutma, Robert réenregistre Elle se promène dans une version plus proche de la maquette originale et un nouveau remix est édité par la même occasion.

En 2021, RoBERT est de retour avec un septième album original, Le Chant des égarés, composé par George Pappas.

2 commentaires

  1. Une de mes chansons phares (que j’ai d’ailleurs en mini-single CD), un titre entêtant et obsédant, qui me fera également découvrir l’album Sine (dont j’adore la majorité des titres, ce qui ne sera plus le cas hélas au fur et à mesure des albums suivants…). Votre récit est très intéressant parce qu’il nous fait découvrir le parcours parfois difficile d’un artiste, ou d’une chanson, à travers les méandres du système de production et distribution. J’aimerais maintenant connaître les différentes versions de ce titre. Je connais la version single et la version 2004 (Compile UNUTMA)

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  2. Ah on ne parle pas de Princesse de rien, ni de ce qu’elle a enregistré après 2004 ! Dommage car l’article est très bien écrit et présente bien le début de carrière de l’artiste.
    Elle se promène est pour moi un p’tit chef d’oeuvre.
    Il est vrai que les remixes du vinyle ne sont pas du tout dans la veine de son univers. Je comprends la déroute lol.
    Mais ils ne sont pas si mal non plus.

    J’espère que Robert nous réserve encore de belles surprises après ces longues années de pause !

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