
Après quatre albums studio à tendance hard rock et tous certifiés platine aux États-Unis entre 1979 et 1982, Pat Benatar amorce dès 1983 un tournant plus mainstream avec l’un de ses plus gros tubes. Love is a Battlefield, un inédit inséré dans son premier 33 tours live, Live from Earth, est en effet son premier top 5 au Billboard ainsi qu’un très beau succès en Europe et en Océanie. Encouragée par cet engouement général, la jeune chanteuse va donc adoucir quelque peu le ton, la découverte de sa première grossesse en étant peut-être également, consciemment ou non, l’un des facteurs. « J’ai voulu commencer à faire des chansons qui ont un peu plus d’impact émotionnel. Quand on prend de l’âge, je ne dis pas qu’on se balance dans nos rocking-chairs, mais j’avais envie d’insuffler quelque chose de plus mature. Je voulais m’assurer de pouvoir assumer ces chansons avec le temps qui passe, explique-t-elle en octobre 1984 au moment de la sortie du premier single We Belong. En termes de rythmique et de mélodie, les chansons ont plus de profondeur que d’habitude. Ce n’est plus vraiment le même rock qu’on faisait au début ». L’album Tropico est confectionné en huit mois avec son groupe de musiciens habituel (dont son mari, compositeur et accessoirement directeur artistique, Neil Giraldo), seul le bassiste Roger Capps est remplacé par Donnie Nossov. Quasiment toutes les nouvelles chansons sont écrites et composées par le groupe à l’exception notable de We Belong, contribution extérieure d’un tandem d’auteur-compositeur, Eric Lowen et Dan Navarro.
À l’époque Dan et Eric ont un groupe mais les choses ne se passent pas comme prévues. Dan, qui donne un coup de main à l’entreprise familiale, n’est pas aussi dévoué au groupe que le souhaiterait Eric qui lui demande alors de partir. Comme le raconte Dan en 2014 à Tennessean : « C’était mon meilleur ami. Il m’a viré. On ne s’est pas parlé pendant six semaines. Il n’avait écrit que quatre chansons dans sa vie et j’étais l’un des principaux auteurs du groupe. Il m’a finalement rappelé en me disant : « Allez viens, on écrit une chanson ensemble, juste pour le plaisir. » Je l’ai fait, parce que c’était mon ami. J’ai essayé de mettre ma colère et ma peine de côté et en une heure trente on a écrit We Belong. Quasiment pile un an après c’était un top 5 partout. Le genre de chose qui n’arrive presque jamais ». Inspiré par une déception amoureuse, il a dans l’idée d’écrire sur le sentiment d’appartenance réciproque au sein d’un couple, et plus généralement sur le sentiment d’appartenir à un grand « tout » : la lumière, le tonnerre… (« We belong to the light, we belong to the thunder »).
Le texte a une portée éminemment universelle et la composition (qui s’ouvre par une boucle qui n’est pas sans rappeler le Lucy Jordan de Marianne Faithfull) frappe notamment par les harmonies vocales de la chanteuse et les percussions qui font décoller les refrains, transformant la ballade en véritable hymne. La version présente sur le 45 tours est légèrement différente de celle de l’album, quelques paroles étant en effet ajoutées sur l’introduction. Première chanson enregistrée pour l’album, c’est dans une boîte de six-cents maquettes envoyées par sa maison de disques que Benatar déniche We Belong. « Même si la maquette était très différente, j’ai senti le potentiel. J’adorais les paroles. Enceinte et sur mon petit nuage, je m’identifiais vraiment à ce que disait le texte. Neil était réticent au départ, mais en tant que talentueux producteur et affectueux mari, il a fait un essai pour moi, se rappelle la chanteuse en 1999. Il a emmené la chanson au niveau supérieur, ce qui m’a inspiré pour expérimenter sur les voix, d’où la chorale d’enfants ».
Si on trouve sur la face B du 45 tours le court morceau Suburban King, le maxi 45 tours est augmenté d’un nouveau remix de We Live for Love extrait du premier album. Classé 5e au Billboard, We Belong est 9e en Allemagne et 22e au Royaume-Uni.
En France, après quatre disques d’or, le revirement vers un registre plus pop sera moins apprécié, l’album Tropico n’atteint pas les 100 000 exemplaires et la critique est partagée. « Le hard est presque absent, remplacé par une musique plus subtile aux arrangements davantage diversifiés, aux couleurs sonores variées. En fait, par un amusant revers des choses, Tropico aurait pu être signé Blondie sans qu’on eût rien trouvé là d’étonnant », souligne Best, alors que pour Rock & Folk : « Si ce disque est bien arrangé, jusqu’à la subtilité, les chansons ne valent pas tripette – on se surprend souvent à chercher où est la mélodie (…) Si Pat est l’heureuse détentrice d’une voix typée, acide et un brin nasillarde, et d’une justesse irréprochable, elle n’est pas une grande interprète. »
Quant au clip de We Belong, réalisé par Marty Callner, il pêche par sa réalisation précipitée, jusqu’à son décor de carton-pâte. Il faut dire que, grossesse oblige, il a fallu choisir d’avance les trois premiers singles et tourner des clips dans la foulée pour pouvoir assurer la promotion de l’album sans la présence de la chanteuse. Aux États-Unis, Tropico sera son dernier album certifié platine.
En 1990, Dan Navarro et Eric Lowen reprennent We Belong sur leur premier album en tant que duo.
Une de mes artistes fétiches ! Mais je n’aurais pas dit (même si je ne suis pas un spécialiste des styles musicaux) que ce qu’elle interprète s’apparente à du hard rock. Il y a beaucoup de chansons douces dans son premier album (In the heat of the night, My clone sleeps alone, Don’t let it show) et dans son 2e (Never wanna leave you, I’m gonna follow you) ou un peu vives mais toujours mélodieuses (Hell is for children, une de mes préférées, We live for love, Hit me with your best shot). Ce n’est pas quelque chose d’inécoutable, le hard ? 😉
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