Florent Pagny – N’importe quoi

Dans le cadre de la parution en février dernier de l’ouvrage Florent Pagny – L’intégrale aux éditions E/P/A, Clément Lagrange, son auteur, nous en offre un extrait et revient sur le premier tube de Florent Pagny en 1988, N’importe quoi.

« Florent m’a été présenté par des amis communs. On m’avait dit : ‘C’est un comédien qui veut faire un disque’. Il m’a fait écouter une maquette : c’était quasiment inaudible ! On a sympathisé et puis finalement, on a fait ce disque. »1

En 1994, Jean-Yves d’Angelo évoque ce souvenir de sa rencontre avec Florent Pagny. Retour en décembre 1987 : le premier est un musicien de studio réputé, le second a l’envie de donner un nouveau souffle à sa vie en se lançant dans la chanson. Il comprend en effet que sa carrière d’acteur est compromise, comme il l’analysera rétrospectivement : « À un moment, la télé se privatise et le cinéma se casse la gueule. Je réalise que ce que je n’avais pas au cinéma, je ne l’aurai toujours pas ; par contre ce que j’avais à la télé, je ne vais peut-être plus l’avoir parce que ceux du cinéma vont venir nous le prendre ! Je me suis dit : c’est le moment où il faut chanter. »2

Animé de cet état d’esprit, Florent Pagny planche sur son premier titre, à commencer par la musique : « Je me suis mis sur un piano une heure ou deux par jour et j’ai essayé de composer ma première mélodie. Avec le peu d’accords que je connaissais, j’ai fait ma première chanson. »3

Vient alors le moment de l’écriture du texte. Pagny s’entoure d’auteurs, mais après avoir rejeté toutes leurs suggestions au motif qu’il ne se reconnait pas dans leurs mots, l’évidence de signer lui-même les paroles s’impose à lui. Il choisit le thème de la drogue, dont il observe les ravages dans son entourage. Dans un style direct, il s’adresse à un tiers qu’il tente de faire réagir non sans le soutenir : « Et là, tu crois / Que je vais rester là sans rien dire ? / Ah oui, tu crois / Que je vais rester planté là / À te voir partir dans tes délires / Et te laisser faire n’importe quoi ? »

Pagny nomme initialement son titre Dis-moi mais a conscience que le texte a besoin d’être affiné : « J’ai été le faire corriger par une copine qui avait une grande facilité d’écriture. Elle a changé trois mots et elle m’a donné un peu de courage »4 Cette amie, c’est la future réalisatrice Marion Vernoux, qui sera créditée co-auteure du texte.

L’enregistrement est supervisé par Jean-Yves d’Angelo au studio Musika, à Paris : « On avait fait la base rythmique avant qu’il arrive et je lui dis : ‘Maintenant vas-y, c’est à toi, il faut que tu chantes’. Il va derrière le micro, on enregistre et là… c’est monstrueux. La première prise, c’était le disque ! »5

Si la promotion en télévision commence dès janvier 1988, il faut patienter jusqu’au début du mois de mars pour que le 45-tours ne sorte. La photo de Corinne Bertelot qui l’illustre cristallise l’image de Pagny à ses débuts : cigarette à la main et blouson de cuir sur le dos, le chanteur fixe l’objectif d’un regard frondeur, la tête légèrement tournée pour montrer la boucle qu’il porte à l’oreille.

Accompagné par un maxi 45-tours qui contient une version longue de N’importe quoi, le 45-tours entre d’abord timidement au Top 50 avant de progresser jusqu’à atteindre la première place, qu’il conservera huit semaines de suite et sera certifié disque d’or pour des ventes estimées à plus de 700 000 exemplaires.

Florent Pagny avait vu juste : c’est bien une carrière de chanteur qui l’attend désormais : « Je ne m’attendais pas à ce qui s’est passé et qui a bouleversé ma vie. Mais je ne regrette rien, ça n’a fait que me faire avancer. »6 Malgré son succès, N’importe quoi, pas plus que sa face B Je resterai là, ne sera incluse au premier album de Florent Pagny, Merci en 1990. Il faudra attendre la compilation Bienvenue chez moi en 1995 pour que la chanson retrouve sa place dans la discographie du chanteur.

Clément Lagrange

Florent Pagny – L’intégrale retrace avec passion 35 ans de création, disque par disque et de vinyles en CD. Après 20 albums studio et plus de quinze millions de disques vendus, l’artiste qui revendique sa qualité de “messager” a durablement marqué la chanson française et n’a pas fini de nous étonner.
Parcourant l’intégralité de sa discographie, l’ouvrage immerge le lecteur au cœur des moments clés de sa carrière musicale.

Passionné de chanson française, Clément Lagrange a participé depuis près de vingt ans à de nombreuses publications sur la carrière de Mylène Farmer en tant que documentaliste, iconographe ou auteur. Il a en outre participé à la création du premier podcast consacré à la chanteuse, Histoires de… Mylène Farmer, qu’il co-anime depuis 2019 et qui compte plus de vingt épisodes.
Après Céline Dion et la France en 2020, Florent Pagny, l’intégrale est le deuxième livre qu’il publie aux éditions E/P/A. Un troisième ouvrage est d’ores et déjà en projet.


  1. Pollen (France Inter) 06/12/1994 ↩︎
  2. Le temps d’une chanson (France Inter) 20/12/1995 ↩︎
  3. Ibid. ↩︎
  4. Ibid. ↩︎
  5. Pollen (France Inter) 06/12/1994 ↩︎
  6. Entrée des artistes (Radio France Bretagne Ouest) 17/12/1995 ↩︎

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