Karen Cheryl – À l’envers à l’endroit

« Je reviens avec un terrible appétit, une vraie gourmandise, avec une impatience, une excitation réelle à l’idée de retrouver le public, les gens que j’aime, cet univers, la musique et puis la créativité, l’univers de l’audiovisuel… », déclare Karen Cheryl à Radio France Normandie en novembre 1987. En effet, la chanteuse avait disparu des radars depuis plus d’un an, après avoir annoncé le 25 juin 1986 qu’elle arrêtait la présentation de l’émission jeunesse Vitamine sur TF1. Une pause volontaire et nécessaire pour celle qui, depuis 1975, était continuellement présente sur disque et à la télévision. Une année de bilan et de voyages où elle découvre le Brésil, l’Uruguay… « J’ai traversé cette année de silence sans concessions, sans compromis, c’était une vraie année entre parenthèses que j’ai passée à voyager, à rencontrer des gens, à rêver, à écrire, et puis à préparer le retour aussi, ce n’était pas une année paresseuse. Mais en fait quand tout à coup on se met à l’écart du système pour la première fois, là on prend conscience de tout le chemin parcouru, de toutes ces années, de toutes ces aventures, de toutes les péripéties… »

En 1984, Karen Cheryl avait claqué la porte de chez Ibach, sa maison de disques historique, puis sorti trois 45 tours chez Warner sans toutefois réitérer le succès des années passées. Des opportunités à la télévision l’avaient quelque peu tenue éloignée de la musique, mais au printemps 1987, alors qu’elle signe chez Polydor, l’envie est bien réelle. « Avant cette pause, j’étais plutôt axée sur la télé. À présent, je sais que je veux me consacrer uniquement à mes premières amours, c’est-à-dire la musique, » dit-elle à Podium. L’absence a été longue, Karen Cheryl, a 32 ans, est déjà une vétérante de la chanson, il lui faut donc opérer un retour percutant et dans l’air du temps, sans pour autant déconcerter son public.

Pour cela, elle va faire appel à un duo d’auteurs-compositeurs nouveau venu dans son entourage, Sara Mandiano et son compagnon, l’arrangeur et compositeur Jean-Claude Chachaty. Sophia Morizet, la sœur de Karen Cheryl, est ingénieur du son et travaille régulièrement avec eux. Jean-Claude Chachaty est en partie responsable du récent succès de Philippe Russo avec Magie noire. Sara, quant à elle, a connu un succès d’estime avec Ombre chinoise, son premier 45 tours en 1985, et vient de signer chez Phonogram pour son quatrième, Vénus et l’aquarium, sur la pochette duquel Sophia est remerciée. On imagine que Karen a eu vent de cette collaboration et a sans doute été séduite par ce qu’elle a entendu, puisque c’est elle-même qui prend contact avec Sara Mandiano, comme celle-ci se le rappelle en octobre 1992 sur France Inter, alors qu’elle vient de décrocher deux succès coup sur coup avec J’ai des doutes puis Défense d’y voir : « C’était à l’époque où j’avais sorti un 45 qui s’appelait Vénus et l’aquarium, et Karen Cheryl m’a appelée pour me demander d’écrire un 45 tours pour elle. Et donc ça a duré trois mois parce que moi je n’avais pas du tout l’habitude d’écrire, c’était la première fois que j’écrivais, donc c’était très délicat et en fait ça m’a fait très plaisir parce qu’en fait on apprend plein de choses comme ça en écrivant pour d’autres gens et d’autres interprètes. »

Sara livre alors à Karen le titre À l’envers à l’endroit, sur une composition sautillante et joyeuse de Jean-Claude Chachaty qui signe aussi les arrangements. Un titre dont se gausseront certains journalistes et animateurs à l’esprit plutôt mal placé… Car pour peu que l’on connaisse les textes que Sara Mandiano écrira pour elle-même par la suite, on a du mal à imaginer que ce qu’elle décrit ici comme le manque de l’être aimé puisse avoir un sens aussi ouvertement graveleux. « Je suis très heureuse de travailler avec une équipe jeune, créative, très porteuse. Et j’avoue que j’ai été folle de joie de retrouver l’ambiance du studio d’enregistrement », dira Karen. Le disque est enregistré aux studios Ferber, dans le XXe arrondissement, récemment acquis par Sophia, où l’ambiance est familiale, l’occasion de prendre le temps de développer sa créativité et d’expérimenter. Sophia prend en charge les sessions d’enregistrement ainsi que les programmations, Marc Chantereau est invité à jouer des percussions et Patrick Bourgoin du saxo, tandis que Sara Mandiano assure les chœurs.

Le 45 tours sera dans les bacs à la rentrée 1987, avec en face B le très joli Via Addis-Abeba, dont Sophia signe paroles et musique. Karen va en assurer une très longue promotion qui démarre le 16 octobre dans Lahaye d’honneur et se termine en août 1988. La chanteuse aura interprété sa chanson plus d’une trentaine de fois sur les plateaux télé. « Pour À l’envers à l’endroit j’ai voulu une chorégraphie très remuante, quelque chose de très élaboré, avec des danseurs. » Une chorégraphie réglée par François Aramburu, qui avait été l’un de ses danseurs au début des années 80, et qu’elle a retrouvé sur le tournage de La Lucarne d’Amilcar, une émission jeunesse produite pour RTL Télévision qu’elle enregistre en 1987 et dont la diffusion démarre en France sur M6 le 27 décembre, alors qu’elle est en pleine promotion de son nouveau single.

Malgré ces efforts, À l’envers à l’endroit n’entrera pas au Top 50, et si Karen annonce le tournage d’un clip, celui-ci ne verra pas le jour, tout comme la version longue de la chanson prévue en maxi (on la découvrira en 2009 sur un CD huit titres édité par CD rare). Un album est également prévu mais ne sort pas et il faudra attendre 1989 pour retrouver Karen sur disque, cette fois chez Flarenasch, avec le 45 tours Où sont les anges qu’elle écrit avec sa sœur Sophia. Un album entier est enregistré au même moment mais sera finalement détruit par la chanteuse. Quant à Sara Mandiano, elle rendra en 2000 un hommage amusant à Karen Cheryl en enregistrant Oh chéri chéri, l’un de ses grands succès, avec Joseph Racaille sur l’album Signé : Racaille.

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