Sensation de l’année 1974 avec l’album Kimono My House et le tube This Town Ain’t Big Enough for Both of Us, les Sparks mènent depuis une carrière en dent de scie, refusant les compromis mais flirtant rarement avec le succès commercial. En 1980, les frères Ron et Russell Mael décrochent pourtant un énorme tube en France avec When I’m with You, produit par Giorgio Moroder et Harold Faltermeyer, qui s’écoule chez nous à plus de 500 000 copies. Mais les albums suivants sont des flops et à la fin des années 80 la presse française n’a aucun scrupule à qualifier le duo de has been. Il y a pourtant chez nous un groupe au succès récent qui revendique l’influence Sparks, et ce depuis ses débuts et ses premières interviews en 1982 : les Rita Mitsouko. Le duo Catherine Ringer et Fred Chichin fait impression en Europe et au-delà et entame une tournée aux États-Unis (où plusieurs de leurs singles se sont classés au Billboard des discothèques) en janvier 1988. Une vingtaine de concerts sont donnés devant un public branché et, lors de leur passage à Los Angeles, les Rita ont la surprise de voir débarquer les Sparks dans leur loge. « L’atmosphère était tendue au début, parce qu’ils étaient fans de nous et vice versa. Et puis, on s’est fait la bise, ce qui a brisé la glace. Ils nous ont dit qu’ils aimeraient bien nous faire une ou deux chansons sur mesure, et en revanche, ils duettent avec nous sur notre Hip Kit. Ils nous ont écrit Singing in the Shower au sujet d’un couple qui est accro à faire l’amour sous la douche ; ils ne peuvent plus s’en passer », commente Catherine Ringer à Keyboards en novembre 1988.

Les Rita planchent en effet sur leur troisième disque et les Sparks, qui viennent de terminer leur quinzième album Interior Design, dont la sortie en prévue pour le mois d’août aux États-Unis, viennent rejoindre les deux Français avec pas moins de six compositions dans leurs bagages. Deux seulement figureront sur l’album Marc & Robert : Singing in the Shower et Live in Las Vegas qu’ils enregistrent ensemble à Paris en avril, un événement qui est très rapidement relayé par les médias français, notamment dans Les Enfants du rock où les deux groupes sont invités. « Pour ces chansons, nous avons fait les arrangements rythmiques et ils se sont occupés des claviers », précise Fred Chichin à Keyboards.

À Paris, les Sparks retrouvent une vieille connaissance, Tony Visconti, qui avait réalisé leur album Indiscreet en 1975 et qui travaille désormais avec les Rita. Tous ensemble, ils passent trois jours au studio Davout à travailler les chansons, les deux déjà citées, mais également Hip Kit, signée Chichin/Ringer, sur laquelle Russell est également vocaliste.

L’enregistrement du LP va s’étaler sur huit semaines dont cinq à Londres pour le mixage et, entre-temps, Rita et Sparks apparaissent ensemble, notamment chez Childéric le 25 mai où lors de la promo des Sparks pour leur single So Important, Fred et Catherine s’amusent en s’improvisant batteur et guitariste sur le playback.

Le 7 novembre sort enfin l’album Marc & Robert dont le premier extrait, Mandolino City, est loin de faire l’unanimité et ne permet pas à l’opus de réellement décoller. Pour ça, il faudra attendre le deuxième extrait, Singing in the Shower, lancé début 1989. Petite pépite sparksienne, Catherine donne la réplique en anglais à Russell sur cette chanson où se mêle la douce dinguerie des deux duos réunis sous la douche. Le mixage en est assuré par Jesse Johnson et les Rita, remixage devrait-on plutôt dire puisque l’album fut retravaillé en vue d’une sortie américaine pour qu’en fin de compte seulement trois titres soient conservés de ces sessions, Singing in the Shower en faisant partie.

Commercialisé en Europe en tant que premier extrait de l’album en novembre 1988 avec un portrait des Rita, Singing in the Shower sort en France en janvier 1989 avec cette fois une pochette signée Mondino mettant fièrement en avant les quatre protagonistes. Le clip, lui, est signé Tim Pope, qui a clippé entre autres David Bowie, The Cure ou Talk Talk. Si les médias ont du mal à reconnaître nos deux Frenchies sur cette chanson, Fred Chichin répond à Paroles et Musiques : « Ils nous ont laissé libres avec leur morceau, mais on n’a pas touché à une mesure. Si tu demandes une chanson à Ferré par exemple, tu ne la changes pas. Nous voulions les Sparks, les gens trouvent que ça sonne Sparks, mais c’est évident, parce que les Sparks, c’est pas de la merde : ils ont une forte personnalité, ils écrivent comme ça et tu fais avec. »

La réponse du public, elle, sera nettement plus enthousiaste, et le single fait son entrée au Top 50 le 6 mai pour y rester classé 13 semaines avec une 37e place comme meilleure position. Mais ce n’est pas le seul pays ou le titre se fait remarquer puisque, inséré dans la BO du film Black Rain de Ridley Scott (dans les salles américaines le 22 septembre), Singing in the Shower est l’objet d’un maxi 45 tours américain avec une version longue et un dub signés William Orbit. Ce sera la troisième apparition des Rita dans le classement des clubs US avec une 24e place atteinte le 10 février 1990. L’amitié et le respect mutuel entre les deux groupes se confirmera par la suite et ils rejoueront leur tube ensemble à plusieurs reprises (Taratata en 1994, les 30 ans des Rita à la Cigale…).