Sparks – When I’m With You

Après avoir stupéfié puis séduit et conquis les Anglais en 1974 avec l’époustouflant Kimono My House (chef d’œuvre de glam-rock dont est extrait le tube This Town Ain’t Big Enough for Both of Us), les Américains de Sparks vont rapidement disparaître des radars. Les frères Ron et Russell Mael sont en effet déjà considérés comme des has been lorsqu’ils opèrent en 1979 un retour sous forme de virage à 180 degrés en passant au tout électronique. L’association insolite avec l’un des pères de la disco, le très en vogue producteur Giorgio Moroder, va les remettre sur les rails avec l’album No. 1 in Heaven qui engendre deux tubes au Royaume-Uni. L’idée de cette collaboration partait pourtant d’une simple blague… Lors d’une interview avec une journaliste allemande qui leur demande quel sera leur prochain projet, Ron et Russell répondent avec aplomb qu’ils s’apprêtent à travailler avec Giorgio Moroder, affirmation bien évidemment totalement fausse puisqu’ils n’ont encore jamais été en contact. Surprise, la journaliste, justement très bonne amie de Moroder, s’étonne qu’il ne lui en ait pas parlé… Les deux garçons démasqués avouent qu’il n’en est rien, mais qu’ils en ont très envie, et la journaliste, sans doute amusée, fera le lien entre eux.

On l’a dit, la collaboration est un succès inespéré, et l’année suivante il est dans l’ordre des choses de la prolonger par un autre album, Terminal Jive. Mais les Sparks ont le souci de ne pas se répéter, en tout cas de ne pas faire la même chose, et le nouveau disque, qui réintègre les guitares, sera plus rock que le précédent. Ron, l’aîné moustachu, celui qui écrit et compose toutes les chansons du duo, a déjà une vingtaine de morceaux prêts à proposer pour le disque en devenir. Mais Moroder ne l’entend pas de cette oreille. Le maestro fait la fine bouche et ne retient qu’une seule chanson : When I’m With You. « On a présenté vingt chansons et une seule a été acceptée. Et encore, le pont a été changé. J’ai été blessé », commentera Ron.

Il faudra donc créer de nouveaux morceaux au moment d’enregistrer l’album à Los Angeles, à la fin de l’été 1979. Si Ron et Russell en signent quatre, les trois restants sont des collaborations avec Moroder et ses acolytes, Harold Faltermeyer et Keith Forsey. Sur le papier, Faltermeyer co-produit également le disque avec Moroder, mais ce dernier se fait de plus en plus absent. Comme Ron l’explique à son biographe Daryl Easlea en 2003 : « Ça a été beaucoup moins drôle à enregistrer. Même si Giorgio avait un œil dessus, il ne l’a pas produit. Le plaisir avait disparu ».

Terminal Jive est enregistré tant bien que mal avec des musiciens du clan Moroder comme Richie Zito à la basse, Keith Forsey à la batterie, William Garrett Walden aux guitares et Harold Faltermeyer aux synthés. « C’est le seul album où je n’ai pas eu le droit de jouer des claviers, et comme je me suis toujours considéré comme le claviériste des Sparks, c’était un peu dur », déclare Ron à Mixmag en 1995.

L’album (qui ne contient que huit titres dont une version instrumentale de When I’m With You) est toutefois dans les bacs des disquaires anglais fin janvier 1980 et la critique est contrastée. Certains trouvent le disque sans grand intérêt quand pour d’autres il est de bonne facture. Une seule chanson semble faire l’unanimité : When I’m With You. Ce sera le premier extrait de l’album en janvier 1980 et un bide monumental qui n’intègre aucun palmarès si ce n’est en Australie où il décroche une 14e place.

Le morceau au gimmick entêtant, savant mélange de disco, rock et new wave, va pourtant connaître un destin tout particulier en France. En septembre 1980, il entre dans les classements des radios et par conséquent les Sparks vont se lancer dans une promotion intense du single chez nous, écumant toutes les émissions télé, quand ce n’est pas le clip réalisé par Brian Grant qui est diffusé et qui montre, avec une malice évidente, un Ron ventriloque et dont la marionnette n’est autre que son frère Russell. Grimpant jusqu’à la 4e place des ventes de 45 tours en janvier 1981, When I’m With You est un énorme succès qui se vend à plus de 500 000 exemplaires. Un succès qui reste encore aujourd’hui une énigme pour les Sparks.

« C’est ce genre de mystère qui est arrivé dans notre carrière sans aucune explication. Cette chanson ne sonnait pas particulièrement française, en aucune façon. Je ne pense pas qu’on ait une bonne explication mais on est très heureux parce que ça nous a permis de rester ici à Paris pendant pratiquement un an. Il y avait tellement de promo autour, il fallait faire ces émissions semaines après semaines. C’était une bonne excuse pour rester en France tout ce temps-là », déclare Russel à Brain Magazine en 2021.

Outre que leur nouvelle popularité leur permet d’accéder aux meilleures tables des couscous parisiens, Ron se souvient avec plaisir de ce séjour prolongé et des émissions qui les accueillent : « Certaines étaient des émissions rock mais la plupart étaient des émissions l’après-midi pour la ménagère. On a aimé rester en France pour un an, juste pour faire ces émissions. La seule chose négative c’est que malgré que la chanson soit plutôt énorme en France, on a programmé une tournée qui n’a pas reflété les ventes de la chanson parce que le public qu’on a séduit dans ces émissions n’était pas du genre à aller au concert ».

L’album Terminal Jive va se vendre chez nous à plus de 75 000 exemplaires et les Sparks enchaînent l’année suivante avec un autre petit succès, Funny Face (extrait de l’album Whomp That Sucker enregistré à Munich) qui dépassent les 100 000 ventes. Toujours en 1981, ils écrivent les textes de l’album Sex du groupe belge Telex, puis un peu plus tard les adaptations en anglais des chansons du premier album de Lio qui paraîtront au Canada en 1983 sur le disque Suite sixtine.

Il faudra cependant attendre 1989 pour retrouver les Sparks dans nos palmarès avec Singing in the Shower et les Rita Mitsouko, qui font les beaux jours du Top 50.

Arbre qui cache la forêt, When I’m With You est loin de représenter l’ensemble pléthorique de l’œuvre exubérante des Sparks, qui continuent à produire régulièrement des albums qui connaissent encore une fois un regain d’intérêt du public depuis 2015.

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