Bonnie Tyler – Faster Than the Speed of Night

Bonnie Tyler Faster Than the Speed of Night Pop Music Deluxe

En 1982, la carrière musicale de Bonnie Tyler est en berne. Le succès phénoménal de son cinquième single, It’s a Heartache, en 1978, l’a confinée à une musique soft rock/country qu’elle n’apprécie guère, elle qui rêve de pouvoir s’exprimer librement à travers des chansons rock puissantes.

La fin de son contrat discographique avec RCA (après Goodbye to the Island, un album qui ne se vend pas) est l’occasion rêvée de reprendre les rênes de son destin. Heureusement, un nouveau contrat se profile avec CBS et la chanteuse de 31 ans enregistre quelques démos pour essayer de convaincre de potentiels nouveaux producteurs.

C’est à cette occasion qu’elle se met à l’écriture pour la première fois, avec l’aide de son frère Paul Hopkins, et de ces sessions naîtront quelques chansons que l’on découvrira en face B des singles à venir (à l’exception de Gonna Get Better, premier titre à voir le jour en 1981 sur la face B du 45t japonais Sayonara Tokyo).

Peu de temps après, elle est enthousiasmée par une performance du chanteur Meat Loaf à la télévision anglaise et son instinct lui dit que c’est vers ce son qu’il lui faut désormais se diriger. Elle cherche alors à contacter le compositeur du chanteur américain. A l’époque c’est Jim Steinman qui écrit intégralement le répertoire de Meat Loaf (et notamment l’album Bat Out of Hell en 1977, l’un des dix albums les plus vendus au monde). Le musicien, qui a commencé sa carrière en composant pour des pièces de théâtre et des comédies musicales, se fait remarquer par ses partitions épiques, son sens aigu du dramatique, sa mise en exergue des chœurs masculins immédiatement identifiables, une musique qu’il nomme lui-même du « rock wagnérien ».

Une musique qui rappelle à Bonnie les compositions de Phil Spector et qu’elle est persuadée que seul Steinman est capable de reproduire. Elle insiste donc auprès de sa nouvelle maison de disques pour qu’on prenne contact avec lui, malgré les réticences de son assistant, persuadé que le compositeur n’acceptera jamais de travailler pour Bonnie Tyler, une chanteuse de country déjà oubliée.

Et en effet, la première réaction de Steinman est de décliner la proposition. Il connaît bien sûr Bonnie et son tube It’s a Heartache, il apprécie son timbre si particulier, mais pas sa musique. Il écoute pourtant les démos qu’on lui fait parvenir, puis décide finalement de relever le challenge, lui qui n’a jamais travaillé qu’avec des rockeurs. Il y a pourtant une condition implicite à sa participation : que la chanteuse partage son enthousiasme pour les chansons qu’il a choisies pour elle.

La rencontre a lieu en avril 1982, dans l’appartement new-yorkais du compositeur, où il fait écouter à Bonnie deux chansons : Have You Ever Seen the Rain? Du groupe Creedence Clearwater Revival et Goin’ Through the Motions de Blue Oyster Cult, et lui demande ce qu’elle en pense. La réponse on la devine puisque les deux morceaux se retrouveront au programme de l’album à venir…

La collaboration se met en place rapidement et Steinman choisit de faire enregistrer à Bonnie des reprises de chansons rock, à l’exception de deux morceaux qu’il écrit lui-même : Faster Than the Speed of Night et Total Eclipse of the Heart.

Il choisit également des musiciens rock, notamment des habitués de David Bowie, Bruce Springsteen et bien sûr de Meat Loaf, tandis qu’il se charge des arrangements et de la réalisation, insufflant à l’ensemble son goût des grandes envolées mélodramatiques. En cela, certaines des compositions n’ont plus grand-chose à voir avec leurs modèles, il suffit d’écouter la version originale soft rock/country de Have You Ever Seen the Rain? pour s’en rendre compte.

Total Eclipse of the Heart

Bonnie Tyler Total Eclipse of the Heart

Très vite, le choix du premier single s’impose : il s’agira de l’original Total Eclipse of the Heart. Jim Steinman déclarera quelques années plus tard (alors qu’il travaille à l’adaptation musicale du Bal des vampire de Polanski), qu’il avait écrit cette chanson pour la comédie musicale Nosferatu sur laquelle il était en train de travailler. Le morceau s’appelait alors Vampires in Love et était destiné à une histoire d’amour entre vampire. Il fera d’ailleurs remarquer que les paroles conservent encore ce côté obscur et mystérieux. Mais il dira aussi avoir composé la chanson uniquement pour Bonnie, pour l’impressionner. Peut-être avait-il déjà une ébauche du morceau avant de rencontrer la chanteuse… Il lui joue en tout cas l’intégralité de la pièce sur son grand piano et la réaction de la chanteuse est immédiate : le morceau lui donne des frissons et elle est impatiente d’entrer en studio pour l’enregistrer. C’est la chanson qu’il lui faut pour mettre en valeur sa voix, elle saura y insuffler l’énergie nécessaire, et c’est également un challenge car c’est un morceau difficile dans lequel elle doit faire passer du caractère à travers une interprétation habitée.

Avec son goût de la mise en scène, Steinman délivre un morceau narratif qui démarre par une longue introduction, se poursuit par un développement qui va crescendo et se termine par un dénouement apaisé, le tout agrémenté de chœurs qui répondent à la chanteuse, d’un personnage masculin qui lui donne la réplique (Rory Dodd), et d’une instrumentation très imagée évocatrice des troubles qui assaillent une jeune femme dévastée par un amour perdu.

Il est évident que Total Eclipse of the Heart doit être le premier single de l’album, même si Steinman n’y croit pas un instant. Mais la chanson dure 7 minutes et il faut l’écourter pour qu’elle puisse passer à la radio. Une version de 4 mn 29 est éditée en 45t et commercialisée au début de l’année 1983 au Royaume-Uni. Un clip est également tourné dans un sanatorium du sud-est de l’Angleterre, réalisé par Russell Mulcahy (futur réalisateur des films Highlander, L’Affaire Karen McCoy, La Malédiction de la momie ou encore Resident Evil : Extinction). Le scenario est écrit par Jim Steinman et, même si l’on n’y comprend pas grand-chose, son esthétique fantastique fonctionne et reste, encore aujourd’hui, indissociable de la chanson. Pourtant Bonnie Tyler détestera tourner ce clip, les conditions du tournage sont difficiles, et elle ne se sent pas à l’aise devant la caméra, ce qui se ressentira de plus en plus au fur et à mesure que des vidéos seront tournées pour promouvoir l’album.

Quoiqu’il en soit la magie opère et Total Eclipse of the Heart fait son entrée dans les charts anglais le 19 février 1983 à la 42e place avant de décrocher la 1ère position seulement deux semaines plus tard. En Europe, il faut attendre début avril pour voir le titre poindre dans les classements, et le mois de juin en France où plus de 600 000 exemplaires seront vendus. Aux États-Unis, le titre entre au Billboard à la mi-juillet et atteint la première place début octobre pour y rester quatre semaines.

Le succès est phénoménal et l’album Faster Than the Speed of Night sort dans la foulée, il entre directement n°1 au Royaume-Uni le 16 avril.

Bonnie Tyler Faster than the Speed of Night single

Sur les neuf titres que comporte l’album, huit seront exploités en single. Alors que Total Eclipse of the Heart est toujours dans les classements, le Royaume-Uni enchaîne avec Faster Than the Speed of Night, le titre éponyme de Jim Steinman qui reprend la recette du morceau long et épique, mais plus enjoué cette fois. À nouveau, une version courte est éditée en single tandis qu’on place en face B le morceau de Bonnie et son frère Paul, Gonna Get Better, un rock plus conventionnel mais pas déplaisant. Le second single ne réitère pas la performance du premier et n’atteint que la 43e place au Royaume-Uni malgré un clip dans lequel Bonnie et un danseur en slip (qui se trémousse avec une guitare rouge !) se bécotent dans une fête foraine.

Have You Ever Seen the Rain?

Bonnie Tyler Have You Ever Seen the Rain

Have You Ever Seen the Rain? est le single suivant, le troisième donc, et sort au mois de juin. La reprise de Creedence Clearwater Revival, qui ouvre l’album, fait oublier l’ambiance country de l’original et se transforme en hymne de stade, solo de guitare électrique en avant, sur lequel la chanteuse s’époumone avec ferveur. Mais la version Tyler, aussi bonne soit elle, n’égalera pas le succès de l’original de 1971, et se contentera d’une 47e place au Royaume-Uni et d’une 63e en Allemagne, tandis qu’en France les 80 000 exemplaires sont dépassés. En face B du 45t on trouve Time, titre inédit issu des sessions de Bonnie et son frère et réalisé par Nicky Graham.

Bonnie Tyler Straight From the Heart

En août est commercialisé un quatrième extrait : Straight from the Heart, l’un des premiers morceaux composés par Bryan Adams quand il avait 18 ans. Il est d’abord enregistré par Ian Lloyd en 1980, puis par Jon English en 1981, par Rosetta Stone en 1982 et enfin par Bryan Adams lui-même en 1983, devenant ainsi son premier tube américain, quelques mois avant que ne sorte la version de Bonnie Tyler. Prenant le contrepied de la ballade rock originale, la version arrangée par Steinman pour Bonnie prend une dimension plus emphatique et sert de morceau de clôture à l’album. Mais cette fois-ci, le single n’entre même pas dans les charts, malgré la face B inédite, First Love, sans doute le morceau le plus réussi du tandem fraternel Tyler/Hopkins.

Bonnie Tyler Take me Back

En novembre, les États-Unis optent pour Take Me Back en tant que deuxième extrait de l’album. Le morceau écrit par Billy Cross, ancien guitariste de Bob Dylan, est d’abord enregistré par son groupe Delta Cross Band en 1981. La version enregistrée par Bonnie est finalement assez similaire, jusque dans les chœurs, à cette différence près que le tempo est plus rapide et les guitares plus agressives. Entré au Billboard le 3 décembre, il ne dépassera cependant pas la 46e place, le public préférant peut-être se reporter sur l’achat de l’album qui est arrivé jusqu’à la 4e place en novembre.

Au début de l’année 1984 Bonnie Tyler est de retour avec un nouveau tube, A Rockin’ Good Way, qu’elle enregistre en duo avec son compatriote gallois Shakin’ Stevens, chanteur de rockabilly, sur l’album de ce dernier. Le single se classe dans le top 10 au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Norvège, en Belgique, en Suisse, en Autriche.

Bonnie Tyler Getting so Excited

Puis, la promo de Faster Than the Speed of Night reprend et Getting So Excited est choisi comme cinquième et dernier extrait au Royaume-Uni. Il s’agit d’une reprise d’un morceau écrit par le bassiste Alan Gruner et enregistré par le chanteur anglais Lee Kosmin qui en a fait un single en 1981 sous le titre Getting So Exciting. L’interprétation de Bonnie est, quant à elle, bien gravée sous le titre Getting So Excited. La version concoctée par Steinman est à nouveau assez fidèle à l’originale. Mais ce titre bien rythmé ne dépasse pas la 85e place du classement. On note que la face B du 45t présente Going Through the Motions, seul morceau de l’album non exploité en single. L’original date de 1977 et est une composition du groupe de hard rock Blue Öyster Cult. Steinman en reprend le côté assez innocent et enjoué en y ajoutant en introduction un chœur d’enfants qui scande les paroles de la chanson à la façon d’une comptine de cour de récré. Enfin, on trouve sur le maxi-vinyle un remix de It’s a Jungle Out There réalisé par Jim Steinman.

C’est ce remix qui sort en single au Japon couplé à Getting So Excited (reprenant d’ailleurs le visuel utilisé au Royaume-Uni pour ce dernier). On ne dénombre pas moins de trois versions de It’s a Jungle Out There parues en 1983 : celle du groupe Three Dog Night (un reggae qui fait la part belle aux synthétiseurs et aux harmonies vocales), celle de Bone Symphony (plutôt new wave/synthpop) et celle de Bonnie Tyler (qui reprend la rythmique reggae mais avec une base plus rock). Difficile cependant de savoir qui l’a enregistré en premier. Quant au remix de Jim Steinman, on doit en fait se contenter en tout et pour tout d’une version écourtée d’une trentaine de secondes et d’une phrase prononcée initialement dans Getting So Excited et collée ici au début du morceau.

Bonnie Tyler Tears

En Europe, le dernier single à être extrait de l’album est Tears, une ballade poignante de Frankie Miller sortie en 1980 sur son album Easy Money et qu’il reprend ici en duo avec Bonnie.

L’album Faster Than the Speed of Night signe le grand retour de Bonnie Tyler grâce à la magie du rock épique de Jim Steinman qui lui concocte un véritable écrin pour sa voix, même s’il ancre en même temps définitivement la chanteuse dans les années 80. L’album, qui est selon Steinman « comme un exorcisme sur lequel on peut danser », se vend à plus d’un million d’exemplaires aux États-Unis et plus de 100 000 en France. La chanteuse galloise, qui sait rebondir, signera encore d’autres tubes durant les décennies à venir…

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