En juin 1987, Christine Roques grimpe jusqu’à la 10e place du Top 50 avec son premier 45 tours, le tube Premiers frissons d’amour, qui sera certifié disque d’argent pour plus de 250 000 ventes.
Ecrite et composée par Corinne Sinclair (chanteuse et autrice) et produite par René Joly (le tube Chimène en 1969, interprète de Starmania en 1978 et 1979), la chanson évoque avec fraîcheur et sensualité les premiers émois adolescents…
A l’occasion de la sortie de Premiers frissons…, l’intégral de ses enregistrements réunis pour la première fois sur CD (incluant deux inédits, des versions longues et instrumentales), Christine Roques, aujourd’hui directrice de son école de danse en Île-de-France, évoque pour nous ses années chansons.
Vous avez commencé par la danse mais pouvez-vous nous raconter comment vous êtes arrivée à la chanson ?
C’était tout à fait naturel parce que je chantais depuis toute petite. J’ai chanté en même temps que j’ai appris à parler en fait, je pense que mes parents pourraient vous dire que je chantais toute la journée (rires). Comme j’avais une fibre artistique assez prononcée paraît-il, ma maman m’a amenée à un cours de danse classique et ça a été la révélation. Mais ils n’ont pas pensé du tout à m’inscrire à des cours de chant, j’étais dans une chorale, je chantais, ça me suffisait. Je chantais tous les titres qui me passaient sous la main, je ne faisais que ça toute la journée, je faisais des chorégraphies… Ma vie c’était ça. Après j’ai passé mon bac et ensuite j’ai fait une école de danse pour devenir prof. Mais comme je voulais vraiment chanter je suis allée au Petit Conservatoire de Mireille – vous voyez ça date ! (rires) – , elle allait s’en aller peu de temps après en fait. J’y suis restée deux mois peut-être et il s’est avéré que monsieur René Joly est passé par là le jour où j’ai chanté une chanson et il est venu me voir et m’a demandé si je voulais faire une maquette.
Lui à ce moment-là cherchait une interprète c’est ça ?
Voilà, et en fait il avait déjà fait 50 auditions, j’étais la 51e.
Et vous le connaissiez ? Vous connaissiez un peu son travail ?
Pas du tout, je ne connaissais rien. Moi j’étais vraiment la petite provinciale, j’étais à Paris pour faire mes études de danse, je suis allée au Petit Conservatoire de Mireille parce que j’avais vu dans un journal qu’il y avait une audition mais j’y suis vraiment allée sur un coup de tête, pour m’amuser, je n’avais même pas prévenu mes parents. Et il s’est avéré que Mireille m’a dit : « C’est bien mademoiselle, vous pouvez rester ». Je n’y croyais même pas ! J’y suis allée comme ça, pour voir comment ça se passait, par curiosité, mais je ne pensais vraiment pas être prise. C’était un coup de chance, la personne qui est passée par là… Ensuite je suis allée chez René Joly, j’ai fait la maquette…
La première chanson qu’il vous a proposée c’était Premiers frissons d’amour ?
Oui, tout à fait.
Et elle vous plaisait ?
Ah oui, je la trouvais très sympa, j’ai adoré cette chanson tout de suite. Il se trouve que René Joly avait un ami, Alain Marouani, qui a validé la maquette et on est entrés en studio deux mois après. Au mois de juin j’étais encore au Petit Conservatoire et en août j’enregistrais.
Il y a tout d’abord une première version qui sort en 1986…
Oui, elle était affreuse. Elle a été enlevée tout de suite. Je ne sais pas ce qui leur est passé par la tête, ils ont voulu faire une orchestration « moderne » avec synthés etc., et ça dénaturait complètement la chanson, c’était affreux. CBS n’était pas d’accord non plus donc je suis retournée en studio en novembre. Et en fait la nouvelle version c’était la version de la maquette, tout simplement. Elle était parfaite comme ça. Heureusement qu’on ne trouve plus la première version ! (rires)
Avec cette nouvelle version et une nouvelle pochette Premiers frissons d’amour marche quasiment tout de suite et vous vous retrouvez à la 10e place du Top 50. Comment vivez-vous cette notoriété soudaine ?
Je n’ai pas réalisé. Tout est arrivé tellement vite. Je n’étais absolument pas préparée à ça. En même temps je vivais mon rêve parce que, vraiment, être sur scène et chanter c’était mon rêve de petite fille et c’était ce que je voulais faire de ma vie, mais tous les à-côtés étaient insupportables, c’était très compliqué. Je n’étais pas très bien entourée, je n’avais pas de parents dans le métier et eux aussi étaient complètement dépassés par la situation qui arrivait vraiment brutalement. J’ai été un peu submergée, ravie mais submergée, que ce soit par les gentillesses et les méchancetés, c’était un vrai mélange, et puis ma vie a complètement changé. En fait, comme je n’y connaissais rien, je me suis laissée porter… J’étais jeune, et je me suis laissée enfermer par mon producteur qui était au demeurant un gentil garçon, c’était vraiment quelqu’un de gentil, mais qui ne me permettait rien, je n’avais pas de contacts avec les autres chanteurs… c’était assez compliqué. Tout ce que je faisais était très très contrôlé.
Vous vous sentiez un peu isolée ?
Oui complètement. Et comme je ne connaissais pas grand-chose de ce métier c’était assez difficile. René Joly était très gentil mais avec Corinne Sinclair c’était un peu plus tendu.
Et justement, les textes que vous écrivait Corinne Sinclair qui étaient un peu osés, un peu coquins, vous étiez à l’aise avec ?
Oui, mais je le prenais en rigolant. Ça a posé plus de problèmes à ma maman qu’à moi (rires). C’était mignon. Je ne me suis pas posée la question au départ, je me suis dit « c’est une chanson bien écrite », et d’ailleurs je ne trouve pas qu’elle ait vraiment vieilli, elle était bien faite. Corinne Sinclair écrivait très bien. Oui elle était un peu coquine mais juste ce qu’il fallait, ça ne m’a pas perturbée.
Sur la pochette du deuxième 45 tours, Rêves impudiques, Roques retrouve son « s », pourquoi ?
Parce que c’est mon vrai nom. Au départ ils n’ont pas voulu mettre le « s » parce qu’ils ont eu peur que les gens disent « Roquesse ». Je n’aimais pas Roque sans « s » alors je l’ai subi au départ et puis j’ai dit non s’il vous plaît maintenant tout le monde sait que je m’appelle Roques donc on remet le « s ».
Vous enregistrez trois 45 tours chez CBS et puis ensuite en 1988 vous changez de maison de disques…
Encore une fois c’est mon producteur qui a choisi parce que CBS voulait que je devienne artiste maison. CBS était en désaccord avec René Joly, ils avaient des projets pour moi et ils ne s’entendaient pas du tout avec René Joly et Corinne Sinclair. Moi je n’étais pas contre parce que je ne m’entendais pas avec Corinne Sinclair, c’était assez difficile. René Joly n’a pas voulu que CBS rachète mon contrat donc il m’a annoncé qu’on partait chez WEA.
Chez WEA il y a un 45 tours qui sort, Sale menteur, et je crois que vous avez enregistré un album à cette époque ?
Non parce que WEA a fait la même chose, ils voulaient que je devienne artiste maison. Il y avait un projet d’album mais qui ne s’est pas fait parce qu’ils se sont fâchés avec René Joly et que du coup moi, à cette époque, je n’en pouvais plus. J’ai fini par casser mon contrat parce que ce n’était plus possible.
Vous n’avez pas été contactée par une autre équipe par la suite ?
Non. J’ai été tellement dégoûtée par tout ce qui s’est passé, ça a été tellement compliqué, et c’est sans doute aussi un peu de ma faute, mais j’ai lâché. Je suis revenue à la danse, j’ai fait ma vie. C’était une belle parenthèse, c’est quelque chose que je voulais absolument faire. J’ai très mal vécu quand ça s’est fini, ça a été très dur et je me suis un peu éloignée de tout ça parce que c’était trop difficile pour moi. Je pense qu’il faut de la chance dans ces métiers-là, j’en ai eu, il y en a tellement qui veulent faire quelque chose et qui ne font jamais rien, qui ont autant de talent que d’autres… J’ai eu beaucoup de chance mais je n’ai pas par la suite rencontré les bonnes personnes et du coup ça s’est terminé comme ça.
Vous êtes retournée vers votre autre passion, celle de la danse, mais est-ce que ça vous manque parfois la chanson ?
J’adore chanter, c’est pour ça que j’ai monté une section comédie musicale avec mes élèves. On a d’ailleurs fait les années 80 il n’y a pas très longtemps (rires).
Et est-ce que ça leur parle ces chansons-là ?
Ah oui, tout à fait, elles adorent ! Tout le monde connait toutes les chansons de ces années-là. Mais je n’avais même pas dit à mes élèves que j’avais fait cette chanson, ce sont elles qui ont trouvé finalement (rires). Pendant des années ça a été quelque chose qui a été douloureux, je n’en parlais pas, je n’ai pas évoqué cette partie de ma vie pendant plusieurs années.
Aujourd’hui vous êtes sereine quant à ça, est-ce que ça vous fait plaisir que ces chansons ressortent sur CD ?
Oui c’est vraiment un plaisir que ces chansons ressortent. Autant j’ai souffert quand ça s’est terminé mais maintenant je n’en garde plus que des bons souvenirs, le bonheur que j’ai eu à chanter ces chansons sur scène, le rapport avec le public, vraiment je suis contente d’avoir vécu ça. Je garde le fait que René Joly et Corinne Sinclair m’ont offert quelque chose de précieux même si ça a été compliqué, moi j’étais très jeune, inexpérimentée, et qu’ils avaient une vision très différente de ce que moi je pouvais avoir sur le métier, et qu’il y a eu quelques petites choses difficiles… en fait ils m’ont fait un beau cadeau. Donc je veux en garder cet aspect-là et je les en remercie. J’adore ma petite chanson (rires). Il arrive que je la chante pour des amis, pour un anniversaire, un jour de l’an… et je prends toujours autant de plaisir.
Et si on vous demande de venir chanter Premiers frissons d’amour sur un plateau télé aujourd’hui, vous dites quoi ?
Alors maintenant je réponds oui, il y a vingt ans je ne vous aurais pas répondu ça. Oh oui, ça m’amuserait follement ! (rires)
Propos recueillis le 11 mars 2019.
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