Les chanteuses de Gainsbourg

Les chanteuses de Gainsbourg Pop Music Deluxe

Serge Gainsbourg et les femmes… une longue histoire qui démarre dès la fin des années 50 et dont on peut retenir, subjectivement, les chansons de France Gall et sa victoire à l’Eurovision en 1965, des morceaux pour Petula Clark, Brigitte Bardot, Marianne Faithfull ou Françoise Hardy… ou bien évidemment le duo fusionnel qu’il forme avec sa compagne Jane Birkin. Les années 80 sont l’occasion de rencontres surprenantes, non exemptes de provocation, dont nous tentons de donner un aperçu.

Catherine Deneuve

La collaboration Gainsbourg/Deneuve est initiée sur le tournage d’un film de Claude Berri dans lequel ils apparaissent tous les deux au générique, Je vous aime, sur les écrans en 1980. Egalement compositeur de la musique original du film, Gainsbourg doit écrire un duo qu’ils enregistrent ensemble pour les besoins d’une séquence. La chanson Dieu fumeur de havanes sort en 45t fin 1980 et connaît un petit succès en février 1981. Leur amitié leur donne l’envie de poursuivre l’aventure musicale ensemble sur un album qui paraît la même année, Souviens-toi de m’oublier. Mais Gainsbourg, qui vit mal sa séparation encore récente de Jane Birkin, a du mal à se plonger dans le travail et le disque manque de préparation, d’autant plus que l’actrice est pressée par un tournage. Une chanson est enlevée en dernière minute à Alain Chamfort qui s’apprêtait à l’enregistrer (Souviens-toi de m’oublier), Ces petits riens est un recyclage d’une chanson écrite pour Gréco en 1964, Digital Delay reprend le titre Haine pour aime créé quelques mois plus tôt… le disque enregistré à Londres ne restera pas gravé dans les mémoires et Deneuve regrettera même de l’avoir enregistré dans ces conditions.

Pour son album Turbulences en 1982, Diane Dufresne, outre les textes de son pygmalion Luc Plamondon, fait appel à quelques auteurs français. Ce sera le cas de Michel Jonasz mais également de Gainsbourg qui lui écrit deux textes que Claude Engel mettra en musique. Suicide tout d’abord, où l’on devine le malin plaisir qu’a dû prendre son auteur à y décliner les diverses façons de faire mourir son interprète, y compris le lynchage final de la star « assassinée par la critique » et « huée par son public ». L’autre titre, Mon père un catholique, ne sera pas exploité par la chanteuse qui n’est pas satisfaite du texte entièrement construit de rimes en « ique » et en « oque ». En 1986, Claude Engel confiera la chanson à sa protégée Elisabeth Anaïs qui l’enregistrera pour la face B de son 45t Balance ascendant capricieuse.

Isabelle Adjani

En 1983, c’est à nouveau à une actrice que Gainsbourg va consacrer un album : Isabelle Adjani. Cette dernière n’a jamais caché son admiration pour le musicien et reprenait déjà l’un de ses textes (Rocking Chair) pour les besoins d’une émission des Carpentier en 1974. A cette époque, Gainsbourg écrit deux albums en même temps, celui d’Adjani mais aussi celui de Jane Birkin sans que les compositions ne soient encore vraiment attribuées à l’une ou à l’autre. Si l’on sait que Birkin a pu choisir les musiques de son disque, Pull marine en revanche était réservé par Gainsbourg à Adjani. L’actrice s’implique personnellement dans l’écriture de ses textes en signant ou co-signant la moitié de l’opus. Beau oui comme Bowie, Ohio et Pull marine paraîtront en 45t, et ce dernier sera même classé 39e en fin d’exploitation au tout premier Top 50 début novembre 1984. L’album éponyme sera quant à lui récompensé d’un disque d’or (tout comme celui de Jane Birkin).

Charlotte Gainsbourg

Sur son album Love On the Beat en 1984, Gainsbourg invite sa fille Charlotte pour un duo qui va faire couler de l’encre, Lemon Incest. L’artiste ne résiste pas au parfum de scandale que véhicule sa chanson père/fille mais Charlotte affirme que, loin d’avoir été prise en traître, elle savait très bien ce qu’il en était, et enregistra la chanson en pleine conscience : « … il y avait de la pureté derrière tout ça. La chanson parle vraiment de l’amour entre un père et sa fille. C’est ce que disent les paroles – l’amour que nous ne ferons jamais ensemble. Et vous savez, je pense que même à l’époque, j’étais habituée à son goût de la provocation. C’était son point fort. » confiera-t-elle à The Observer en 2011. Lemon Incest sort en 45t en 1985 et reste 2e du Top 50 pendant quatre semaines, dépassant les 400 000 ventes. Charlotte For Ever, l’album qui suit en 1986 et que Gainsbourg écrit pour sa fille, sera loin de connaître le même engouement. Il faut dire qu’à nouveau, et sur seulement huit titres, certains morceaux sont des reprises (de la B.O. de Tenue de soirée, de celle de Sex Shop…), d’autres sont inspirés d’airs traditionnels, quant à Don’t Forget to Forget Me, il s’agit tout bonnement de l’adaptation du Souviens-toi de m’oublier de Catherine Deneuve.

Autre collaboration en 1989 : la participation de Gainsbourg à l’écriture d’un texte pour Viktor Lazlo, Amour puissance six. La même année il écrit et compose l’album de sa compagne Bambou, Made in China. Un disque qui ne restera pas dans les annales et qui ne connaîtra aucun succès malgré les trois singles extraits par la maison de disques.

Au rayon des reprises, la décennie 80 prouve que de son vivant Gainsbourg est déjà un auteur majeur dont on célèbre le talent : Claire d’Asta reprend La Chanson de Prévert, Sheila et Jo Lemaire Je suis venue te dire que je m’en vais, Françoise Hardy Ces petits riens (pour l’album Quelqu’un qui s’en va dont Gainsbourg signe aussi la pochette), Lio chante Baby Lou, Gina X Harley Davidson, Mikado Attends ou va-t’en, Diane Dufresne Les Dessous chics, Isabelle Antena Ce mortel ennui

On note également la participation amicale de Gainsbourg à l’album I Love You Lulu de Buzy en 1985 : il mixe, sifflote et ponctue le titre Gainsbarre d’un « eh ouais » bien balancé, et réalise également les clichés qui servent à illustrer la pochette du disque.

Un commentaire

  1. Bon, hormis, quelques purs joyaux que Serge a façonnés pour Jane (notamment sur l’album « Baby alone in Babylone » et 2 ans après, le sublime « Quoi »), mon MUST absolu de Gainsbourg dans les 80′ est sans hésitation son premier duo avec Deneuve. Je trouve ce « fumeur de havanes » toujours aussi envoutant 40 après. Dommage que le maître ait bâclé la suite de leur collaboration en ne soignant pas davantage la production de l’album, notamment les carences vocales de la star qui auraient pu être mieux  » maquillées » (comme elles ont dû l’être chez les consoeurs…). Il y avait pourtant de quoi rajouter quelques classiques au glorieux palmarès du compositeur (« Souviens-toi de m’oublier », « Dépression au dessus du jardin », « Ces petits riens..), j’avoue même avoir une petite faiblesse pour « Monna Vanna et Miss Duncan » ou Deneuve se contente de « rapper » ? 😉 ).
    Côté Adjani, j’ai toujours accroché sur « Pull marine » et plus encore sur « Ohio » , classieux et efficace, rien à redire ! J’aime aussi beaucoup le plus méconnu « Entre autres, pas en traître ». Mais c’est un album qui me parait assez inégal contrairement à celui de Birkin paru la même année.
    « L’inceste de citron » qui a tant été pressé dans les discussions et les médias m’avait bien plu mais ne m’a pas donné envie pour autant de découvrir davantage la suite de l’oeuvre de Papa pour sa Charlotte, même si la récréation sur « Elastique » était plutôt agréable.

    Merci PMD.

    Aimé par 1 personne

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s