Petite fille Corynne Charby rêvait déjà de chanter en écoutant les disques de France Gall et Véronique Sanson. Mais c’est d’abord sur les pages glacées des magazines que vont apparaître son visage et son nom pour la première fois, à la fin des années 70. Durant cinq ans elle se consacre avec succès au mannequinat, tout en enregistrant des maquettes dès ses 16 ans. Puis c’est le cinéma qui lui ouvre ses portes avec un rôle dans La Chèvre de Francis Veber en 1981 où elle joue aux côtés de Pierre Richard et Gérard Depardieu. Le film est un gros succès du box-office mais ne permet pas à Corynne de rebondir sur des rôles plus conséquents. Elle poursuit sa carrière dans le mannequinat et apparaît dévêtue dans le magazine Lui en décembre 1982. Elle fera même la couverture de l’édition allemande en 1983 et on l’apercevra furtivement sur les écrans, toujours dénudée, dans Plus beau que moi, tu meurs avec Aldo Maccione.
Pressentie pour intégrer la troupe des Coco-Girls de Stéphane Collaro à la télévision, la jeune femme se désiste en dernière minute, au profit de Sophie Favier, car elle a d’autres projets en tête. Sa rencontre avec Didier Barbelivien est décisive. L’auteur d’Elle m’oublie pour Johnny Hallyday ou des Sunlights des tropiques pour Gilbert Montagné est contacté par le producteur de la jeune artiste et va accepter de composer pour elle un premier mini-album de six chansons intitulé Ma Génération. Un premier extrait, A cause de toi, sort chez RCA en 1984 et, si elle est plutôt bien diffusée, la ballade ne se vendra que moyennement. La même année on la voit dans Un été d’enfer avec Thierry Lhermitte et Véronique Jannot, son dernier rôle au cinéma. Deux autres 45t sortent en 84 et 85 (dont l’inédit J’t’oublie pas) mais sans succès. Les ballades gentillettes composées par Barbelivien ne correspondent pas vraiment à l’image plutôt sexy véhiculée par la chanteuse mais lui permettent cependant de faire de nombreux de galas. Une aubaine puisque c’est à cette occasion qu’elle fait la connaissance du chanteur Christophe qui va lui composer son tout premier tube.
Automne 1986 : Corynne Charby caracole au Top 50 avec Boule de flipper. Christophe a su capter la modernité de la jeune femme et mettre en avant son côté magnétique. La même année on l’entend susurrer à la toute fin du duo Serge Gainsbourg / Eddy Mitchell Vieille canaille. Désormais signée chez Polydor, Corynne se voit assigner le duo Franck Ivy / Jean-Louis d’Onorio à l’écriture de ses nouvelles chansons et le 45t suivant est à nouveau un tube. Pile ou face se glisse dans le top 10, monte jusqu’à la 5e place en juillet 1987 et Corynne reçoit un disque d’argent pour 250 000 ventes du single. Entre temps la chanteuse a épousé Luigi Calabrese, le directeur de sa maison de disque, et son deuxième album Toi sort dans la foulée, porté par un nouveau 45t : Pas vu pas pris.
Introduit par des sirènes de voitures de police, la chanson légère parle d’un « cambrioleur de l’amour », une thématique un peu moins personnelle que celles qu’évoquaient Boule de flipper et Pile ou Face. Le morceau pop est pourtant efficace et soigné malgré une introduction moins évidente que sur les tubes précédents. Si aucune version maxi n’est pressée, le 45t a la particularité de présenter une version très légèrement différente de celle de l’album : le saxophone présent sur le pont musical est supprimé ainsi que quelques bruits de klaxons à la fin du morceau. Corynne en fait la promotion sur de nombreux plateaux télé et, sans réitérer l’exploit de Pile ou Face, Pas vu pas pris fait tout de même son entrée au Top 50 fin 1987. Il y restera huit semaines en tout et décrochera une 39e place, signant ainsi le dernier succès de la chanteuse avec plus de 75 000 ventes.
Malgré la sortie de deux autres 45t remixés par Julian O’Neil (Elle sortait tard le soir et Même), l’album Toi ne rencontre pas le succès et la carrière de chanteuse de Corynne prend fin en 1988. En 1991 sort une première compilation incluant un mégamix et un titre inédit (trois autres suivront, en 2001, 2003 et 2011). Silence radio depuis. On dit que Corynne Charby s’est remariée, qu’elle a mis fin à sa carrière lassée de la jalousie de ses concurrentes chanteuses, qu’elle s’est lancée dans l’écriture de chansons, de scénarios, qu’elle est partie vivre à Los Angeles pour élever ses enfants… Le mystère de celle qu’on n’a jamais revue sur les plateaux des émissions ou des tournées nostalgiques entérine son côté culte… Jusqu’à un retour discret sur internet et les réseaux sociaux il y a quelques années : « J’ai quitté la scène publique afin de me consacrer pleinement à ma famille. Je vis à Los Angeles avec mon mari et nos trois enfants. Je me suis mise à peindre depuis quelques années, et maintenant je pense que c’est le moment de partager avec vous mes tableaux ! », écrivait-elle alors sur son site internet.
Figure emblématique de la variété des années 80 grâce à son sex appeal et ses tubes imparables, Corynne Charby est remise à l’honneur en 2002 grâce à François Ozon et son film Huit femmes dans lequel chaque actrice a droit à un numéro musical. Le réalisateur demande à Emmanuelle Béart d’interpréter Pile ou face qui côtoie alors le répertoire de Françoise Hardy, Dalida ou Marie Laforêt…