Stephan Eicher a grandi près de Berne en Suisse entouré d’une famille de musiciens. Il s’intéresse aux arts, à la littérature, à la musique et se forme à la composition, notamment à la programmation sur ordinateur. Dès l’adolescence, il fait partie de groupes avec lesquels il expérimente la scène et même le succès puisqu’avec Grauzone, formation aux influences new wave et punk dont fait également partie son frère Martin, il se classe 6e en Autriche et 12e en Allemagne avec le tube Eisbär en 1981.
Mais c’est en solo qu’il va poursuivre sa carrière et un premier album voit le jour en 1983. Intitulé Les Chansons bleues, il y chante en français et en anglais, et connaît un petit succès en Suisse. Dès lors il commence à tourner un peu partout et fait une rencontre décisive aux Bains douches à Paris où Philippe Constantin, éditeur de musique qui vient de prendre la direction de Barclay, lui propose de le rejoindre pour un deuxième album, I Tell This Night, qui paraît en 1985. Le musicien fait tout lui-même, joue de tous les instruments, et un premier succès émerge du disque : Two People in a Room qui pointe en 27e position du Top 50 en juin 1986. C’est l’occasion de tourner un premier clip afin de soutenir la promotion du disque et c’est Martin Hess, manager du chanteur, qui se charge de la réalisation étant donné qu’aucun des réalisateurs contactés ne fait l’affaire. Sur un scenario co-signé par Stephan Eicher et son manager, le vidéo-clip est tourné en région parisienne, en gare d’Ivry-sur-Seine, avec Carlo Varini, le directeur de la photo de Luc Besson. Mais le tournage est également l’occasion d’une rencontre avec Corinne Dacla, fille du producteur François Dacla mais surtout comédienne, qui donne la réplique à Stephan dans le petit film. Celle qui a débuté sur le grand écran dans le Diabolo menthe de Diane Kurys en 1977, qu’on a vu chez Robert Hossein, Olivier Assayas, Jacques Doillon, et qui sera au milieu des années 90 l’héroïne de la série L’Avocate, est donc le visage féminin de ce Two People in a Room. Une collaboration qui se poursuivra hors caméra puisque la comédienne posera sa plume l’année suivante sur Combien de temps, chanson extraite de Silence, troisième album de Stephan Eicher.
« Une des premières chansons qui casse mon image d’artiste underground. »
Le texte est écrit dans une voiture lancée à toute vitesse alors que Stephan et Corinne s’apprêtent à rejoindre leur hôtel comme le chanteur le relate dans sa compilation Hôtels en 2001 : « Après avoir enfin décroché le nuage de poussière qui nous suivait obstinément, ainsi que notre ange gardien exténué, le texte était fini. Je pensais bien qu’une popsong s’y nichait et qu’il suffirait de la réveiller avec le baiser d’une jolie mélodie ». Une bien jolie mélodie en effet qui démarre par une introduction instrumentale aux violons pizzicato avant d’enchaîner sur la mélodie du refrain aux accents synthpop/dance. « Une des premières chansons qui casse mon image d’artiste underground », dira l’artiste à L’Express en 2019. A nouveau réalisé, arrangé, programmé et joué par Eicher, le nouvel album est enregistré aux studios ICP à Bruxelles et mixé à Londres. Silence contient des titres en anglais, français et allemand et le premier single à en être extrait sera Combien de temps, qui cible notamment la France qui a si bien accueilli Two People in a Room.
Tube évident, la chanson va pourtant prendre son temps avant de s’imposer, comme l’explique son auteur : « Attention, ça va marcher !, me prévient avant sa sortie Dave Allen, le producteur de The Cure. Je rigole. Il a fallu neuf mois pour que ce titre devienne un succès. Un processus impensable aujourd’hui : si le public n’accroche pas au bout d’une semaine, les maisons de disques ou les radios laissent tomber. »
Commercialisé en 1987, Combien de temps va faire son entrée au Top en janvier 1988 simultanément à son succès en clubs où les trois remixes de Flood (producteur anglais qui a déjà remixé Depeche Mode, Erasure, Soft Cell…) sont de gros succès en janvier et février. Sur 14 semaines de classement, le single pointera à la 14e place de nos charts et à la 19e des classements helvètes, appuyé par un clip aux images aussi poétiques et élégantes que le sont le texte et la mélodie de la chanson.
Fin 1988, l’album Silence sera nommé aux Victoires de la musique catégorie album de la communauté francophone. « Combien de temps est devenue une chanson plus grande que moi. Elle m’a fait devenir un truc pop. J’en suis très heureux. Ce n’est pas simple de vieillir et de rester élégant avec cette attitude. J’ai toujours adoré la pop, les choses un peu faciles. A l’époque, j’aime Etienne Daho, Jean-Louis Murat et ses collaborations avec Mylène Farmer », confiait Stephan Eicher à L’Express alors qu’il reprend Combien de temps sur son album Hüh! où il revisite ses morceaux avec une fanfare suisse.
Corinne Dacla, quant à elle, se lance brièvement dans la chanson en 1987 avec un 45 tours, Je suis pour (ce que tu me fais…), dont elle signe le texte sur une musique de Reno Isaac pour qui elle écrira également.