Lorsque paraît Ainsi soit je…, le deuxième album de Mylène Farmer, le 14 mars 1988, la jeune chanteuse vient d’enchaîner trois tubes, tous classés dans le top 10 : Libertine, Tristana et Sans contrefaçon. Ce dernier annonce d’ailleurs ce second opus, pierre angulaire et affirmation décisive d’une carrière amorcée il y a déjà quatre ans. Lancé en radio à la sortie du 33 tours, l’éponyme Ainsi soit je… est commercialisé en 45 tours et maxi 45 tours à peine quelques semaines plus tard, le 4 avril, avec la lourde tâche de soutenir ce nouvel LP.
La chanteuse s’y est impliquée comme jamais encore, en signant la quasi-totalité des textes, en travaillant les arrangements vocaux, mais surtout en l’enrichissant des thématiques et influences littéraires et artistiques qui lui sont chères. Ainsi soit je… (dont les points de suspension ont leur importance selon elle) est une présentation de la personnalité de Mylène Farmer, un « portrait » comme elle le résume, ou plutôt un autoportrait. Si le disque est en gestation depuis l’été précédent, c’est vraisemblablement à l’automne 1987, après la sortie de Sans contrefaçon, que le texte d’Ainsi soit je voit le jour, écrit en une demi-heure selon la photographe Elsa Trillat, alors très proche de la chanteuse, à qui Mylène va lire le texte de sa chanson au téléphone. Exil, solitude, peur, abandon… la noirceur des paroles est troublante (ainsi soit la vie de Mylène Farmer), qu’elle s’adresse à l’autre ou bien tout simplement à elle-même, ce double « satanique » ou « angélique » qu’elle se plaît à évoquer dans Sans logique. Mais, on le sait, la libertine écrit souvent ses textes sous l’influence d’autres auteurs, n’hésitant pas à emprunter directement vers et formules aux poètes et artistes qu’elle admire. Dans le cas d’Ainsi soit je…, une interview que Bertrand Le Page, son manager de l’époque, donnait à Platine en 1994 nous éclaire sur deux autres chanteurs qui sont peut-être à l’origine d’une partie de ce texte. Alix Morgen, dont Le Page a déjà produit le premier 45 tours en 1985, sort en 1988 le titre Quelqu’un pour ce soir qui contient les paroles suivantes : « Tu cherches quelqu’un pour ce soir, sur les écrans et dans les gares, la proie facile et docile, ainsi soit-elle, ainsi soit-il… », une chanson que le manager aurait fait écouter à la chanteuse avant sa sortie. Plus troublant, la chanteuse Marie (qui a connu quelques jolis succès dans les années 70 comme Soleil ou Souviens-toi de moi), opère un retour en 1988 sous la houlette de Le Page avec la chanson Bulles de chagrin, formule qui ouvrira Ainsi soit je…
Mais quelles qu’en soient les influences, Ainsi soit je… reste un texte emblématique de Mylène Farmer, collant à merveille à la composition mélancolique de Laurent Boutonnat.
Ainsi soit je… est donc la première ballade de Mylène Farmer à être exploitée en single, « une chanson plus difficile après Sans contrefaçon », explique-t-elle, « Mais c’était fondamental pour moi de la sortir à ce moment-là ». Et si la version album dépasse les six minutes, la version single sera quant à elle éditée à 4 minutes 30 et assortie d’une somptueuse version instrumentales baptisée Lamentations en face B. Deux versions longues sont concoctées par Laurent Boutonnat qui prend énormément de plaisir à réaliser des remixes soignés avec l’ingénieur du son Thierry Rogen, parfois même plus que de travailler sur les versions destinées à l’album.
La promotion réservée à Ainsi soit je… à la télévision dès fin avril et jusqu’à fin août sera énorme et le clip, sobre pour la première fois, fera sa première apparition sur les écrans le 22 mai. Tourné en deux jours dans les studios Sets à Stains (qui avaient déjà accueilli le tournage de Plus grandir), le petit film aux couleurs sépia distille son parfum de neige sur l’été 1988. Même s’il reste très honorable, le parcours du single dans le Top 50 se fait plus discret que les tubes précédents, ratant cette fois de peu le top 10 et pointant à la 12e position début juin pour 14 semaines de classement. Ce sera le 45 tours le moins vendu de l’album (qui en parallèle fait son entrée à la 8e place) mais la chanson, paradoxalement, prendra une place importante dans le répertoire de la chanteuse au fil des années.
On le comprendra, Ainsi soit je…, Mylène Farmer y tient beaucoup et va en faire un titre de scène incontournable, à l’instar de Rêver, autre ballade larmoyante. Évidemment au programme de sa première tournée en 1989, la chanson est à nouveau interprétée lors de le seconde partie de sa deuxième tournée et sera à nouveau commercialisée en single à l’été 1997 sans dépasser cette fois la 27e place du Top. Elle fait en 2006 une brève apparition au programme des concerts de Bercy (seulement trois fois avant d’être remplacée par L’Autre), est encore là au Stade de France et en tournée en 2009 et dix ans plus tard à Paris la Défense Arena. Son interprétation en télévision en 1997 pour la promotion de l’album Live à Bercy puis en 2010 pour la sortie du film de son concert au Stade de France, ainsi que ses passages réguliers sur les radios gold, entérinent son statut de chanson culte.
Bel article ! mais attention, elle n’a jamais changé la tonalité du morceau ! juste parfois, quand les notes très hautes arrivent, elle chante cette note une harmonie plus basse.
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Merci de cette précision technique ! 😉
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Fan depuis le début, mais moins avec ses derniers albums
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Tout à fait d’accord avec vous
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Le clip était joli, mais détonnait des habituels courts métrages sortis alors… Et puis est venu « Pourvu qu’elles soient douces »…
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