Originaire de Californie, Claudia Phillips débarque en France en 1977, à peine âgée de 18 ans, afin de rendre visite à son père qui en a fait sa résidence principale depuis quelques années. Barre Phillips est un contrebassiste de jazz renommé qui va très vite embarquer sa fille dans ses aventures musicales. Si le chant fait partie du quotidien de Claudia lors de son enfance américaine, elle n’a pour autant pas de réelle ambition en tant qu’interprète. Elle accompagne pourtant son père sur scène avec son sextet de free jazz et se retrouve invitée dans de nombreux festivals européens. Ensemble, ils enregistrent même un album en 1981 pour lequel elle participe également à l’écriture des textes. Une expérience formatrice qui lui permet de poursuivre en tant que choriste et de travailler pour Kassav’, René Aubry, Dominique Panol ou Jacob Desvarieux tout en se retrouvant sur scène dans les spectacles de danse de Carolyn Carlson qu’accompagne son père.
Mais en 1987, c’est la rencontre avec l’auteur et producteur Michel Eli, qui dirige également le label Mondio Music, qui va donner un coup de pouce à cette carrière de chanteuse qu’elle n’espérait pas. Eli a notamment lancé Axel Bauer et son tube Cargo en 1983 (mais aussi Le Club avec Un fait divers et rien de plus ou Zaak avec Mouvement perpétuel) et propose à Claudia de chanter Quel souci La Boétie !.., un titre loufoque et déjanté qu’il a écrit avec Patrick Roffé.
Munie d’une rythmique lorgnant du côté de la dance qui va s’imposer au début des années 90, la chanson est un concentré d’humour et de folie ponctué d’un rap au parfum d’hélium, de bruitages, d’un refrain aux airs de comptine et d’une guitare funky sur lesquels Claudia Phillips pose son délicieux accent américain. Et même si elle avoue n’avoir lu ni Montaigne ni La Boétie, la jeune chanteuse se déclare séduite par l’esprit de ces grands épicuriens. Avec Quel souci La Boétie !, Claudia Phillips impose un ton burlesque renforcé par une personnalité naturellement joyeuse et un stylisme coloré et volontiers excentrique. Le clip, réalisé par le photographe Olivier Poivre (qui a fait poser, entre autres, Valérie Lagrange, Catherine Ribeiro, Lizzie Mercier Descloux ou Amélie Morin), marque par ses tons bariolés et sa galerie de « freaks ». Une bouffée de fraîcheur qui s’impose au Top 50 où le 45 tours fait son entrée en juin 1988 pour culminer à la 14e place le 16 juillet et atteindre les 200 000 ventes selon la principale intéressée. Plusieurs remixes permettent à la chanson de s’imposer parmi les cinq meilleures diffusions en discothèques pendant l’été et Claudia signe l’adaptation du texte en anglais (Up to You) pour une sortie internationale (Allemagne, Canada, Australie…).
Un succès qui ne grise pas la jeune femme qui parle de se lancer dans la production, d’aider les jeunes artistes à se lancer, tout en enregistrant son deuxième 45 tours et en s’amusant des galas en playback grassement payés qui contrastent avec les petits contrats dans des clubs où elle a l’habitude de chanter en live toute la soirée.
Un premier album est mis en chantier sur lequel elle signe la composition de deux titres ainsi que les arrangements vocaux, tandis que son père Barre Phillips lui offre un très joli morceau sur lequel il joue de la basse et qu’Axel Bauer est présent à la guitare sur quatre chansons. Et même si elle confie préférer chanter en français, elle adapte elle-même toutes les chansons en anglais pour une sortie internationale. Intitulé Blackjack!, l’album paraît en 1989, mais aucun des quatre autres singles qui vont suivre La Boétie n’entreront au Top 50 (Souvenez-vous de nous, Cache ta joie, Danny, Juste un peu sauvage) malgré une pléiade de remixes et deux clips réalisés par Jean-Pierre Jeunet.
En 1990, elle est invitée à faire des chœurs sur le Toi et moi de Michel Polnareff puis deux autres albums suivent (Rendez-vous en 1992 avec le single Donne-moi du feu, et Personal Legends en 1998) avant que Claudia Phillips ne bifurque vers la formation professionnelle. Aujourd’hui encore, elle se consacre à la pédagogie et a monté un cursus universitaire consacré aux musiciens et a été présidente de l’association française des professeurs de chant. Sa carrière de star du Top 50 désormais derrière elle, elle ne s’imagine plus reprendre aujourd’hui son répertoire de l’époque même si elle donne volontiers de la voix sur les projets d’autres artistes.
En 2019, l’album Blackjack! ressort dans une édition remasterisée double CD, incluant toutes les versions françaises et anglaises, les remixes et versions longues, ainsi que de nouveaux megamixes et remix signés Michel Rorive, Frédéric Adet et Christophe Budin. En commande sur CD rare !