Formé par des musiciens de studios ayant contribué à un nombre incalculable de disques devenus cultes (de Paul McCartney à Joni Mitchell en passant par Michael Jackson), le groupe Toto explose aux Etats-Unis dès son premier album en 1978 porté par le tube Hold the Line. Le début de la décennie 80 s’avèrera moins fructueuse avant qu’un quatrième album, le bien nommé Toto IV, n’inverse la tendance. Lancé sous les meilleurs auspices par le mégatube Rosanna en 1982, Toto IV est loin d’avoir terminé sa trajectoire en haut des charts lorsque sort son troisième single, Africa, un morceau qui a pourtant bien failli ne pas faire partie de l’album.
Touché par le visionnage d’un documentaire qui met en exergue la souffrance des peuples d’Afrique, David Paich (vocaliste et claviériste du groupe) s’inspire des émotions qu’il ressent alors pour écrire Africa, une ode à ce continent sur lequel il n’a pourtant jamais mis les pieds. Composée au piano dans son salon, la mélodie qu’il a en tête prend forme en seulement dix minutes, tout comme le refrain qui a tout d’un hymne et qui lui vient, selon ses propres dires, comme quelque chose de divin. Ce sera par contre une autre paire de manches pour l’écriture des paroles dont le travail s’étalera sur une période de six mois. Jeff Porcaro, le batteur du groupe, est ensuite réquisitionné pour mettre en place les percussions sur le morceau. Inspiré par la prestation d’un groupe africain qu’il a vu joué lorsqu’il était enfant et qu’il a vécu comme une vraie révélation, Porcaro souhaite donner à Africa une certaine authenticité. On s’en apercevra d’ailleurs sur la rythmique de l’introduction du morceau, jouée au piano par David Paich et ins-pirée (consciemment ou non) par le Didadi, un rythme joué principalement au Mali.
Les musiciens de Toto ont pour habitude de se partager les parties vocales sur les différents morceaux de leurs albums et, pour Africa, c’est Bobby Kimball qui fait une première tentative mais n’arrive pas à caler le texte de Paich sur la musique. Après une deuxième tentative manquée par Steve Lukather, c’est finalement David Paich lui-même qui se retrouve à enregistrer le lead d’Africa tandis que Lukather et Kimball prennent en charge le refrain. L’enregistrement et le mixage du morceau s’avèrent un travail plutôt complexe, et si David Paich croyait beaucoup en sa composition, la chanson apparaît aux autres membres du groupe comme très différente de la couleur générale de l’album. Steve Lukather avouera même qu’il trouvait qu’Africa était la pire chanson de l’album et que les paroles n’avaient aucun sens. Il est vrai que le texte de Paich, bien que poétique, reste encore aujourd’hui opaque et sujet à de nombreuses interprétations. C’est finalement la maison de disque CBS qui saura convaincre Toto du potentiel de la chanson qui sera intégrée à l’album mais reléguée en dernière position.
Et, contre toute attente, lorsqu’Africa est sélectionné pour être le troisième extrait de Toto IV en octobre 1982, c’est un vrai raz-de-marée. Le 45t (couplé à Good for You en face B pour l’Amérique et We Made It en Europe) est n°1 aux Etats-Unis, n°3 au Royaume-Uni, n°6 en Suisse, n°7 en Autriche, n°14 en Allemagne et s’écoule à plus de 200 000 copies en France. Différentes pochettes du disque sont commercialisées selon les pays, parmi lesquelles une illustration du continent africain, le logo de l’album ou bien tout simplement un portrait du groupe (option retenue pour la France).
Un clip est également réalisé par Steve Barron (Michael Jackson, Madonna, OMD…) et met en scène David Paich qui cherche (sous la surveillance d’une mystérieuse bibliothécaire) d’où peut bien provenir le morceau de page arrachée qu’il tient entre ses mains… tandis que son groupe joue le morceau, perché sur une pile d’énormes livres.
Africa devient sans conteste l’un des titres les plus iconiques de Toto qui rafle aux Grammy Awards de 1983 pas moins de six trophées dont celui de l’album de l’année. Toto IV est soutenu par une tournée mondiale qui passe par la France (où l’album dépassera les 300 000 ventes) le 24 septembre 1982.
Reprise et samplée à de nombreuses reprises, Africa sera à nouveau commercialisée en single en Europe en 1991 (avec une version live enregistrée à Paris) puis en France en 1993 dans une autre version live qui sert à promouvoir l’album Absolutely Live. Une version remix avait été commandée par Sony France en 1991 mais, alors que tout est prêt pour la commercialiser, le groupe s’y oppose et le remix restera finalement dans les cartons.