Depeche Mode – Shake the Disease

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Lorsque Depeche Mode enregistre son quatrième album Some Great Reward en 1984, la synthpop du groupe anglais a déjà tendance à se teinter d’expérimentations industrielles sous l’influence de Martin Gore, l’auteur-compositeur de toutes les chansons. Le musicien tient en effet à nouveau à enregistrer au studio Hansa à Berlin où l’ambiance particulière est très profitable à la créativité du groupe et où il côtoie notamment les Allemands de Einstürzende Neubauten, l’une de ses nombreuses références musicales. Le disque se fait plus personnel mais aussi plus sombre, et la volonté de rompre avec une certaine image pop adolescente est sans équivoque, notamment par le choix des titres des chansons qui, plus que leur message intrinsèque, jouent sur la provocation. La critique est mitigée, ayant toujours du mal à prendre au sérieux Depeche Mode. Si certains louent la qualité des arrangements, d’autres se plaignent de la naïveté des paroles, accordant au groupe une efficacité qui fonctionne sur des singles mais qui pêche sur tout un album. Si les extraits People Are People et Master and Servant font des scores honorables, les médias britanniques jouent la carte du puritanisme et la nouvelle image du groupe arborant harnais et tenues de cuir a du mal à passer. Le nouveau disque sera toutefois l’occasion d’une percée sur le marché américain.

Après une tournée européenne en fin d’année 1984, le groupe se retrouve à Berlin en mars 1985 pour enregistrer un nouveau single. A ce moment de sa carrière, Depeche Mode, qui s’apprête à partir aux États-Unis pour la deuxième partie de sa tournée, ne veut pas disparaître du marché (le dernier extrait de Some Great Reward est sorti il y a déjà quatre mois) mais n’est pas encore prêt à enregistrer un nouvel album. Martin Gore a en stock cette chanson, Shake the Disease, qui aurait dû figurer sur un album si le timing avait été propice.

Selon son auteur, le texte évoque une rupture sentimentale dans un contexte où l’un des deux partenaires est incapable de communiquer avec son conjoint. La composition, calme et inquiétante à la fois, évoque clairement ce sentiment de malaise et d’incertitude, entre une rythmique hypnotique et l’interprétation caverneuse de Dave Gahan imprégnée de l’atmosphère quelque peu habitée du studio berlinois, installé dans une cave obscure. Le titre du morceau ne sera pas facile à trouver et, après avoir essayé en vain d’extraire plusieurs phrases des paroles, les garçons s’arrêtent sur l’expression Shake the Disease qui semble bien refléter l’esprit de la chanson.

Quelques mois plus tard, trois des musiciens invités à commenter le morceau regrettèrent de n’avoir pas eu suffisamment le temps de travailler Shake the Disease en studio. « C’est le premier single sur lequel nous n’avons pas été impliqués dans le mixage, se rappelle Dave Gahan, ça méritait un très grand refrain ». « Quand nous sommes rentrés des États-Unis, il y a plein de choses qui ne nous plaisaient pas sur ce morceau », dira Andrew Fletcher.

Et en effet Shake the Disease paraît en single le 29 avril peu de temps après le retour de Depeche Mode de ses concerts américains et japonais. La face B, Flexible, est elle aussi un inédit. Un texte ironique à propos de la versatilité de certains groupes de musiciens et des effets de la célébrité et de l’argent sur leurs idéaux artistiques, le tout sur une composition légère. Les deux faces seront remixées pour un premier maxi 45 tours, puis un deuxième, en édition spéciale, offrira quatre titres (un nouvel edit du remix de Shake the Disease, un live de Master and Servant, un nouveau remix de Flexible et un remix de Something to Do).

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Le clip, quant à lui, sera réalisé par Peter Care, dont c’est la première collaboration avec le groupe, après avoir travaillé avec ABC, Scritti Politti ou Cabaret Voltaire. Tournée dans les Docklands de Londres, la vidéo a pour particularité ses effets visuels aussi étranges que réussis, où les membres du groupe ont l’air de tomber au ralenti ou de flotter la tête en bas.

Cette fois la critique anglaise est plutôt enthousiaste et l’on qualifie Shake the Disease de « totalement contagieux », on valide le passage d’une électro-pop irritante à un morceau mélancolique et envoûtant bien troussé, même si l’on regrette que le groupe ne semble pas encore disposé à livrer un vrai hit populaire et que le choix du titre paraisse des plus bizarre. Mais si Martin Gore s’attendait à un tube américain avec cette chanson plus délicate que leurs précédents singles dance passés à la trappe, il n’en sera finalement rien et il faudra attendre encore un peu. Au Royaume-Uni, Shake the Disease se contente d’une décevante 18e place et c’est en Europe continentale qu’il faut aller chercher le succès. Les Allemands, qui aiment beaucoup le son Depeche Mode, en font un n°4 et les Suédois un n°5. Quant à la France, qui avait jusqu’à présent réservée au groupe des succès principalement en discothèques avec Just Can’t Get Enough en 1982, Get the Balance Right en 1983 et Master and Servant en 1985 (qui est aussi leur première entrée au Top 50 avec une 34e place), Shake the Disease est le single qui installe réellement Depeche Mode en tant que groupe populaire avec une 13e place durant l’été 1985 et surtout 25 semaines de classement pour plus de 250 000 ventes.

Shake the Disease sera incluse à la toute première compilation de Depeche Mode, The Singles 81→85, qui paraît en octobre 1985 et sur laquelle le groupe s’amuse de sa relation contrariée avec la presse anglaise en publiant, à propos de chacun des singles inclus, une bonne et une mauvaise critique.

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