New Order – True Faith

New Order True Faith Pop Music Deluxe

Au printemps 1987, New Order vient de passer plusieurs mois sur la route afin de promouvoir son quatrième album Brotherhood lors d’une longue tournée. Mais les finances ne sont à l’époque pas vraiment au beau fixe. En effet le label du groupe, Factory Records, a contracté un certain nombre de dettes suite à une gestion hasardeuse et a du mal à rétribuer ses artistes. Le directeur du label suggère alors au manager de New Order de sortir une compilation des singles du groupe qui ne sont pas encore disponibles sur CD, support qui commence à prendre un essor certain. New Order avait en effet comme principe, en tout cas durant l’exploitation de ses deux premiers LP, de ne jamais inclure de singles sur ses albums. Un certain nombre de tubes, et notamment Blue Monday, ainsi que leurs faces B, ne sont donc trouvables que sur 45 ou maxi 45 tours. L’idée est, d’une part, de réunir ces morceaux sur un même disque afin de capitaliser sur les titres les plus connus du groupe, de lutter contre la copie illégale de ces compositions qui s’échangent sur cassettes, et d’autre part de renflouer le label grâce à un pourcentage en sa faveur qui lui permettra ainsi de payer ce qui est dû à New Order sur les ventes de ses précédents disques.

La compilation s’appellera Substance et proposera sur deux disques les versions longues des premiers singles ainsi que leurs faces B respectives. Si quelques morceaux sont réenregistrés pour l’occasion (afin de les rendre plus proche de leurs arrangements live), il est également décidé que New Order enregistrera un single inédit à intégrer à l’ensemble et, de préférence, il faudrait que ce soit un tube. Signé aux Etats-Unis sur le label de Quincy Jones, Qwest Records, New Order n’a pas encore vraiment percé là-bas et l’on place beaucoup d’espoirs sur le lancement de Substance et de son tube à venir.

Pour ce faire, on fait appel à un jeune réalisateur en vogue qui travaille avec Pet Shop Boys ou OMD, Stephen Hague, chargé de mettre en boîte deux morceaux en dix jours car les musiciens rentrent à peine de tournée et la date de parution de la compilation est déjà programmée pour une sortie simultanée des deux côtés de l’Atlantique. Le timing est serré et Stephen Hague va faire directement connaissance avec les quatre membres de New Order aux studios Advision à Londres où les séances d’enregistrement sont programmées. Peu habitués à travailler avec un réalisateur, Bernard, Peter, Stephen et Gillian arrivent avec quelques idées, un groove, une ligne de basse, un tempo, mais rien de vraiment défini, et s’attendent à ce que Hague les aide à mettre ces embryons de compositions en forme. Au départ, le travail sur les deux morceaux (True Faith et 1963) se fait quasi simultanément et l’on ne sait pas encore bien lequel des deux sera la face A.

New Order True Faith maxi 45 tours Pop Music Deluxe

On passe d’abord plus de temps sur 1963 car on a encore du mal à voir le morceau se révéler, ce qui semble plus évident sur True Faith. Si New Order fonctionne habituellement de façon assez spontanée en enregistrant ses improvisations en studio, le travail avec Hague va se faire, de façon tacite, avec plus de rigueur. Assez rapidement, on arrive à une ébauche d’environ 6 mn 30 de ce que sera True Faith mais la chanson n’a toujours pas de paroles. C’est un problème pour Hague qui estime que le texte influence d’une façon ou d’une autre le morceau et qu’il faudrait qu’il n’arrive pas trop tard sous peine de ne plus pouvoir avancer. Il réclame alors de plus en plus expressément à Bernard Sumner, auteur et chanteur de la formation, de lui livrer un texte. Les premiers essais ne donnent pas grand-chose mais, un matin, resté seul dans l’appartement que le groupe loue à côté du studio, Bernard se rend compte que ses camarades l’ont, intentionnellement ou non, enfermé avec un frigo presque vide et un téléphone en dérangement. Le fait est que, le lendemain, les textes des deux chansons sont bouclés et que le travail peut continuer.

Si les sessions se déroulent relativement sereinement, le bassiste Peter Hook se sentira néanmoins rejeté et regrettera que ses parties de basses soient à peine audibles sur les deux morceaux. « Je ne savais pas à l’époque comment mixer une basse en tant que lead », regrettera Stephen Hague lors d’un entretien avec Sound on Sound en 2005. Au bout de dix jours, les deux titres sont prêts mais l’on ne sait toujours pas lequel des deux mérite le plus de figurer en face A. La décision sera prise par le manager du groupe et True Faith sera commercialisé le 20 juillet 1987. Le morceau de synthpop entêtant au texte désabusé qui évoque la prise de drogues (un passage très explicite a été retiré sur suggestion de Stephen Hague) doit son titre (qui n’apparaît pas dans le texte) à une lecture de Peter Hook inspiré d’un roman de James A. Michener.

Pour le clip, New Order fait appel à Jean-Paul Goude mais celui-ci n’est pas disponible et leur conseille le chorégraphe Philippe Decouflé (une parenté évidente). Ce dernier, s’il veut filmer le groupe, doit le faire durant un concert car les quatre musiciens partent ensuite en vacances. « Tout s’est passé si vite. Un jour j’ai reçu un coup de fil du management du groupe et 48 heures plus tard je tournais les New Order sur la scène du festival de Glastonbury. Comme je baragouine très mal l’anglais, je communiquais par gestes avec mes cadreurs. Ensuite j’ai bossé durant trois jours dans un studio parisien pour mettre en boîte le reste des images. Deux jours de montage et la vidéo s’envolait pour Manchester », expliquait-il à Best en novembre 1987. Le clip remportera un Brit Award l’année sui-vante.

En plus du 45 tours, True Faith bénéficiera de la sortie de deux maxi 45 tours. Si l’on trouve une version longue sur le premier, le deuxième est réservé à un remix de 9 minutes ainsi qu’à une version dub de près de 11 minutes toutes deux signées Shep Pettibone. Le tube attendu ne décevra pas et le single se classe 4e au Royaume-Uni. Aux Etats-Unis, c’est la version Shep Pettibone ramenée à 4 minutes qui est diffusée et atteint la 32e place du Billboard, devenant ainsi le premier top 40 du groupe. La compilation Substance sera, quant à elle, certifiée platine dans les deux pays. En France, True Faith échappera au Top 50 mais connaîtra de bonnes diffusions en discothèques en décembre 1987.

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