Sylvie Vartan – Made in USA

Sylvie Vartan Made in USA Pop Music Deluxe

Le 2 juin 1984, Sylvie Vartan épouse à Los Angeles le producteur américain Tony Scotti. Unissant vie privée et vie professionnelle, ce dernier va naturellement faire beaucoup pour redynamiser la carrière de sa nouvelle compagne, et notamment en tentant de l’exporter vers un marché qu’il connaît bien : celui des États-Unis. C’est tout d’abord lui qui va permettre à Sylvie de se produire à Las Vegas en 1982 pour une série de concerts salués par la presse et qui donneront lieu à un album live publié en 1983. En 1985, après l’échec de l’album Des heures de désir réalisé par son frère Eddie Vartan, la chanteuse qui réside désormais à Beverly Hills s’apprête à changer radicalement de style musical et d’équipe en enregistrant son troisième album en anglais. Après Gift Wrapped From Paris en 1965 et I Don’t Want the Night to End en 1979, Sylvie s’installe dans les studios Santa Monica Sound en Californie pour une nouvelle aventure produite par son mari. Tony Scotti possède en effet depuis 1974 son propre label, Scotti Brothers Records, fondé avec son frère Ben et sur lequel il a produit notamment Survivor, Petula Clark et Frank Stallone. Si une collaboration avec Jacques Morali et Henri Belolo avait été envisagée au début des années 80, c’est finalement au producteur Richie Wise que Tony fait appel pour réaliser ce nouvel album. Guitariste et vocaliste du groupe de hard rock Dust dans les années 70, Wise a produit par la suite le groupe Kiss et Gladys Knight & The Pips ; le cru Vartan 85 sera donc dans l’air du temps : rock et dance.

A ses côtés, Richie Wise s’adjoint les services du Canadien Claude Gaudette avec qui il signe les arrangements du nouveau disque. Ce dernier, qu’on retrouve également aux claviers et à la programmation des boîtes à rythme, est un multi-instrumentiste qui vient d’emménager à Los Angeles en 1983, et si Made in USA est l’un des premiers disques sur lesquels il apparaît, il s’apprête à travailler avec les plus grands, de Bette Midler à Barry Manilow en passant par Céline Dion et Kylie Minogue, et continuera sa collaboration avec Sylvie tout au long des années 90. Parmi les autres intervenants, on peut noter que Kenny Aaronson de Dust est présent à la basse, Tom Walsh du groupe America est à la batterie, Tony Papa, habitué des disques de Sylvie depuis le début de la décennie, est au mixage, et enfin un jeune invité joue de la guitare sur trois titres (Double Exposure, Running Scared et Shooting Star) : David Hallyday. « Je suis très fière de lui. Il est non seulement batteur, pianiste et guitariste, mais aussi chanteur. Il va d’ailleurs enregistrer prochainement un 33 tours de rock en anglais, lui aussi », commente la chanteuse à Télé Magazine en novembre 1985.

Sylvie Vartan Beauty Book Pop Music DeluxeAvec Made in USA, le projet était donc de lancer une nouvelle Sylvie Vartan, une dance-rock queen, avec l’imagerie très 80 qui allait avec. « Je l’ai enregistré en anglais, car je trouve que cette langue se prête beaucoup mieux à ce rythme », dira la chanteuse de son nouveau disque dont on parlera finalement peu à sa sortie en 1985, la presse préférant consacrer ses unes à un autre projet vartanesque, la sortie de son Beauty Book. Recueil de conseils beauté et forme, la mode est à l’aérobic et le livre est un succès, éclipsant totalement le nouvel album qui aurait pourtant pu en être la bande-son tant il est énergique. Les fans auront droit à une écoute en avant-première de quatre chansons extraites du LP en mai, probablement celles pressées sur un sampler quatre titres (Double Exposure, Out of Control, Running Scared et Let Me Show You How). Mais malgré sa grande présence télévisuelle, à l’automne 1985, les Français préfèrent le son de l’italo-disco qui envahit le Top 50 et le rock américain de Made in USA est injustement boudé, que ce soit en Europe ou aux États-Unis où la chanteuse avait pourtant percé dans les clubs avec I Don’t Want the Night To End en 1979, ou encore l’année précédente avec Love Again, son duo avec John Denver, qui était apparu en 85e place du Billboard. Peut-être aussi une question d’image ou de timing, puisque l’association Richie Wise / Tony Scotti fonctionnera pour David Hallyday deux ans plus tard avec He’s My Girl.

Commentaire titre par titre afin de se replonger dans ce Made in USA sous-estimé :

Sylvie Vartan Double Exposure Pop Music DeluxeAvec Double Exposure, on s’immerge immédiatement dans l’atmosphère de cet album percutant dont ce morceau est l’un des meilleurs moments et dont il sera d’ailleurs le premier 45 tours extrait. Ecrit par Gloria Sklerov (récipiendaire de nombreuses récompenses et auteure pour Cher, Frank Sinatra, Kim Carnes…), Lenny Macaluso (Tina Turner, Demis Roussos, Commodores…) et Susan Pomerantz, le texte de Double Exposure décrit les sentiments d’une personne qui découvre le double visage de sa partenaire infidèle ainsi que les conséquences dévastatrices que cela provoque en elle. Musicalement, entre les synthés, boîtes à rythme, percussions, la guitare électrique, la voix de Sylvie très mise en avant et rehaussée de chœurs sur les refrains, cette composition dance-rock efficace a quelque chose d’épique dans sa progression et l’on pense aux recettes des tubes de Bonnie Tyler de la même époque, un genre que s’approprie Sylvie avec aisance et qui lui va étonnamment bien. Le 45 tours sort en France en octobre 1985 et reprend la pochette de l’album. Un 45 tours bleu est édité pour la promotion et un rouge pour la sortie commerciale allemande, tandis que le Japon opte pour un maxi 45 tours reprenant la version album. Comme à son habitude, la chanteuse ne va pas ménager sa peine pour promouvoir son nouveau disque et elle enchaîne une dizaine d’émissions télé en France (principalement sur TF1) mais aussi à l’étranger (Allemagne et Pays-Bas). Pourtant, la Sylvie rock de 85 ne semble pas convaincre le grand public et, malgré ces efforts, le disque ne se classe dans aucun hit-parade, ni en France ni à l’étranger.

Sylvie Vartan One Shot Lover Pop Music Deluxe

One Shot Lover est le deuxième grand moment du LP. La composition est une reprise, déjà enregistrée par le groupe féminin belge Venus en 1984 qui en fait un petit succès avec une 34e place au classement local en janvier 1985. Ecrit par Marc Malyster, collaborateur régulier du groupe, et le chanteur André Remien Van der Vekenc (alias Andy Free), One Shot Lover est dans sa forme originelle un titre de dance, entre la synthpop et la Hi-NRG, qui ne décolle pas vraiment. La version arrangée pour Sylvie sied nettement mieux à la composition qui se pare évidemment d’arrangements beaucoup plus rock. La voix de la chanteuse est agrémentée d’une légère réverb sur les couplets tandis que les refrains font la part belle aux chœurs même si la voix de Sylvie se détache nettement. Le tout a ce côté épique et urgent qu’avait déjà le morceau précédent. Pour l’occasion, le texte assez indigent de la version Venus est complètement remanié, ne gardant finalement quasiment que le titre qui fait également office de refrain. La version Sylvie dépeint un amant collectionneur de conquêtes sans lendemains qui se fait finalement prendre à son propre piège… L’interprétation vibrante de la chanteuse n’est pas pour rien dans la réussite de ce titre agrémenté d’un pont parlé en français. Choisi comme deuxième extrait de l’album, One Shot Lover paraît en simple en mai 1986 mais dans une version remixée. Puisque les ventes de l’album stagnent désespérément, on va gommer le côté rock du morceau pour essayer d’en faire un tube de discothèque avec un arrangement plus rythmique, qui revient vers la Hi-NRG d’origine, mais qui s’avère finalement plus lisse et moins intense que la version album. Une version longue de près de sept minutes arrangée dans la même veine est éditée sur maxi 45 tours et sera quelque peu plébiscitée puisqu’elle se classe 20e du classement RMC des discothèques en juillet 1986. Encore une fois, Sylvie en fait une promotion conséquente, notamment en Allemagne avec des danseurs, mais sans effets sur les ventes. En 1988, Sylvie Vartan, invitée à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Séoul, interprétera One Shot Lover ainsi que La Maritza.

Parce qu’il faut bien un moment d’émotion, If You Walk Away est la « power ballad » de l’album, un incontournable sur un album rock. Pour l’occasion, un orchestre est convoqué, même si les cordes et cuivres arrangés par John D’Andrea (qui sera plus tard récompensé d’un Grammy pour son travail sur Time of My Life, extrait de la BO de Dirty Dancing) se font somme toute assez discrets et que la voix de Sylvie, qui se déploie dans toute sa puissance, repose surtout sur la mélodie du piano. La performance impressionne et Richie Wise amène la chanteuse sur des terrains encore inexplorés. Dans cette chanson, Sylvie suggère à son compagnon d’y réfléchir à deux fois avant de la quitter car il pourrait bien ne plus jamais retrouver l’amour par la suite, on ne quitte pas Sylvie comme ça ! If You Walk Away servira de face B au 45 tours One Shot Lover, et sera interprétée en télévision. Ecrite par Skip Adams et Todd Cerney, la chanson sera par la suite reprise par Lory Bianco (en 1990) et Jim Jamison (en 1991 chez Scotti Bros. Records). Sylvie l’enregistrera en français sous le titre L’Amour ou rien, adapté par Michel Mallory, mais restera inédit jusqu’en 2013.

Déjà enregistrée en français sous le titre Impressionne-moi sur l’album précédent, Let Me Show You How est une composition de Nicky Chinn et Paul Gurvitz qui signèrent en 1983 le single Dancing in the Dark de Kim Wilde. Ici, la version américaine prend davantage de relief avec ses ajouts de guitares électriques et même de cuivres proéminents sur les refrains. Le nouvel écrin de ce titre rythmé n’en est que plus savoureux. Si le texte français de Francis Basset intimait à un beau parleur de prouver sa supériorité en amour, le texte anglais se veut moins psychologique et plus spontané, et raconte a contrario une rencontre en discothèque où c’est cette fois la femme qui déploie ses charmes pour faire succomber son partenaire.

La Mary du morceau suivant n’est pas vraiment une bonne copine puisqu’elle a séduit l’amoureux de Sylvie qui est bien évidemment tombé dans le panneau malgré ses avertissements. I Saw Mary, de Gary Simmons et Lisa Raggio, est à nouveau un morceau redoutablement efficace où l’interprétation de la chanteuse se fait très rock et agressive. La chanson apparaîtra sur la face B du single One Shot Lover en Italie et sera incluse à la BO du film He’s My Girl en 1987, une production Scotti Bros. dans laquelle David Hallyday joue et chante.

Out of Control, de Lenny Macaluso et Skip Adams, a déjà été enregistré l’année précédente par Sam Harris (gagnant d’un télé-crochet américain) pour son premier album paru chez Motown. Une version plus pop sur laquelle la voix du chanteur (qui s’illustrera plus tard dans des comédies musicales) fait merveille et qui nous semble supérieure à celle de Sylvie. Un titre un peu répétitif, à propos d’un amant séduisant et dangereux à qui Sylvie ne semble pas pouvoir résister, et qui manque d’originalité.

Wrap Your Arms Around Me est le slow de l’album. Il s’agit d’une reprise d’Agnetha Fältskog (ABBA) parue sur l’album homonyme en 1983. Ecrite et composée par les auteurs chevronnés Holly Knight et Mike Chapman (on leur doit aussi Love is a Battlefield pour Pat Benatar la même année), la version d’Agnetha paraît en deuxième extrait de son disque et connaît son plus beau succès en Belgique (n°1) et aux Pays-Bas (n°4). Sylvie l’enregistre d’abord en français en 1984 pour son album Des heures de désir sur un texte de Francis Basset et des arrangements d’Hervé Roy. Cette version pourvue d’arrangements très synthétiques paraît bien fade lorsqu’on la compare avec l’enregistrement américain publié ici. Sans égaler la délicatesse de la version originale d’Agnetha, la version Sylvie 1985 reprend l’idée de la rythmique originale mais aussi l’orchestre de cordes et la harpe qui se font ici plus lyriques. Si la présence des guitares est assez discrète, les synthés sont mis nettement plus en avant sur ce slow langoureux dont le texte anglais est bien plus sage que la digression onaniste imaginée par Francis Basset…

Sylvie Vartan Running Scared Pop Music Deluxe

Sur Running Scared, la chanteuse essaye de fuir l’attraction presque irrésistible d’un amour qui l’effraie et devient une obsession. Elle a beau courir et s’échapper, elle revient toujours à lui, quitte à en perdre la raison. Ecrit par George Michael Elian, Janis K. Tunnell et Richard Ash, la composition suit la dynamique des paroles et la rythmique est telle une course effrénée, ponctuée de rugissements de moteur et d’un motif au synthé qui tourne en boucle, illustrant les sentiments contradictoires et obsessionnels des paroles. On note également le choix des chœurs masculins sur les refrains et des guitares musclées (encore une fois) sur le pont. Placé en face B du 45 tours Double Exposure en Europe, Running Scared est choisi au Japon par Coca-Cola pour illustrer une publicité de la marque. On peut y voir la chanteuse exécuter une chorégraphie en body sur le pont d’un navire entourée de danseurs, avant de lancer un « Let’s Shape Up! » canette de Coca à la main. La chanson fait l’objet d’un 45 tours au Japon illustré d’une photo de Sylvie en tenue de sport, la promotion de l’esprit fitness n’ayant pas de frontières ! Pour l’occasion, Running Scared fait l’objet d’un nouveau mixage où les percussions de la version album sont remplacées par d’autres moins marquées, tandis que le morceau est légèrement tronqué sur son début et sa fin, lui faisant perdre dix secondes. La chanson sera également interprétée à la télévision française et japonaise.

Le titre Heard It In A Heartbeat, de Michael Jay et Kathleen Ann Parker, a également été enregistré par Sari Featherstone qui en a fait un 45 tours aux Etats-Unis, mais nous ne savons pas si cet enregistrement est antérieur à celui de Sylvie. Le texte est simple et décrit un coup de foudre sur une rythmique soutenue que soulignent les allitérations du refrain, idéal pour les exercices d’aérobic ! Editée en face B du 45 tours japonais Running Scared, la chanson bénéficie elle aussi d’un nouveau mixage où les percussions sont différentes pour un effet un peu moins rock, des chœurs sont supprimés au niveau des refrains, quelques motifs supplémentaires au synthé apparaissent et une reprise de refrain est ajoutée en fin de morceau pour un total de dix secondes supplémentaires.

Le disque se referme sur une composition des trois auteurs responsables de Double Exposure qui ouvrait l’album. Guitares et percus rock sont la base de ce Shooting Star explosif sur lequel la chanteuse délivre à nouveau une interprétation énergique et convaincante pour un résultat presque aussi réussi que le morceau d’ouverture. Made in USA se clôture donc sur une chanson d’espoir puisque cette étoile filante donne à la chanteuse le courage de poursuivre ses rêves lorsque tout l’accable, afin de s’élever au-dessus de la mêlée, habitée par un feu intérieur.

5 commentaires

  1. L’album en effet est une totale réussite , je l’avais fait écouté à plusieurs personnes très agréablement surprises et assez décontenancées tant on attendait pas Sylvie dans ce registre , qui plus au lead vocal très efficace dans ce style ! Le problème est que Vartan a trop souvent brouillé les cartes musicalement parlant , « touche à tout » (et ce encore aujourd’hui !) ce qui tend à décrédibiliser son oeuvre et l’aura in fine desservie sur la longueur .Il y’avait également un trop gros décalage entre l’écoute simple de cet album punchy , presque subversif et l’image déjà installée de la célèbre chanteuse , qui plus donnée en promo télé par une Sylvie déjà embourgeoisée style version « Dynastie »…Bref le son du disque et les prestations de la chanteuse ne collaient pas même si sa participation au disque était très convaincante …

    J’aime

  2. Pour moi le meilleur album de Sylvie. Sa voix rauque et rock excelle et c’est comme ca que je l’aime. Elle est en fait l’une des seules chanteuses francaise a pouvoir chanter du rock avec authenticite . Cet album avec une meilleure promo surtout aux US, aurait pu faire un carton.

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