Alphaville – Sounds Like a Melody

Suite au succès fulgurant de son premier single Big in Japan, qui prend la tête des ventes en Allemagne trois mois après sa sortie, le trio new wave Alphaville peut travailler avec confiance à l’élaboration de son premier album. Mais il faut avant cela penser à donner une suite à ce premier essai remarqué. Marian Gold, Bernhard Lloyd et Frank Mertens ont enregistré une composition plus que prometteuse intitulée Forever Young, qui est d’ores et déjà promise à une sortie en single. Mais il se trouve que c’est une ballade et que WEA, la maison de disques, a plutôt envie de capitaliser sur l’aspect dansant de Big in Japan et réclame à Alphaville un morceau tout aussi tubesque, dans la veine du premier single. « Toute cette histoire a heurté nos instincts hippies encore naïfs. Ecrire de la musique exclusivement dans un intérêt commercial, c’était pour nous comme trahir nos idéaux. D’un autre côté, n’était-ce pas la possibilité de s’ouvrir à des expérimentations amusantes dans ce merveilleux monde de la pop music ? », se rappelle Marian Gold en 2000.

Selon Bernhard Lloyd, Sounds Like a Melody était déjà en chantier lorsqu’ils reçurent l’appel de leur label leur réclamant un morceau en mode majeur alors qu’ils travaillaient dessus en mineur. L’idée d’écrire un hit à la demande fait pourtant son chemin, et le groupe décide de relever le défi comme une sorte de récréation, si bien qu’en une après-midi la nouvelle chanson est née, et que l’arrangement est prêt dès le lendemain.

Sounds Like a Melody est un titre tout aussi électronique que Big in Japan sur lequel Bernhard Lloyd, le claviériste du groupe particulièrement féru de synthétiseurs et en charge des programmations rythmiques, s’en donne à cœur joie. Une pulsation enivrante, une mélodie dramatique et surtout une partie instrumentale de plus d’une minute qui termine le morceau en apothéose, voilà la recette de ce futur hit.

Sounds Like a Melody est si efficace que les cadres de la maison de disques se mettent à danser sous les yeux des trois musiciens à la première écoute, une amère récompense qui renvoie à Marian Gold cette image mercantile avec laquelle il n’est pas à l’aise et qui le fera détester la chanson pendant des années. Ce n’est qu’en 1995, alors qu’il est en répétition pour une série de concerts, que son claviériste du moment lui répond que, même s’il comprend ses réticences, la chanson est tout de même formidable et qu’il est idiot de ne pas l’interpréter. Il n’en fallait pas plus pour soulager le chanteur qui prend depuis beaucoup de plaisir à jouer Sounds Like a Melody. Des années plus tard, Alphaville baptisera son propre label du nom de la chanson.

Aussi imagé que l’était celui de Big in Japan, le texte de Sounds Like a Melody évoque une histoire d’amour fantasmée sur grand écran, références hollywoodiennes à l’appui.

Au moment de sortir ce deuxième single, Alphaville, pris dans la tempête médiatique de son premier tube, se rend compte qu’il n’a rien de prêt pour la face B du 45 tours. À partir d’un instrumental composé par Bernhard Lloyd en novembre 1983, Marian Gold écrira en studio lors de l’enregistrement les paroles de ce qui va devenir The Nelson Highrise (Sector One: The Elevator). Le texte fait directement référence à la petite coopérative artistique, démocratique et socialiste formée quelques années auparavant par les membres du groupe avec d’autres amis artistes et baptisée Nelson Project. En quelques phrases, Marian décrit l’incroyable et fulgurante ascension d’Alphaville. Un morceau expérimental, comme il est de coutume pour les faces B des groupes de l’époque, qui deviendra un fil rouge dans la carrière d’Alphaville et donnera naissance à trois suites (Sector Two: The Mirror et Sector 3: The Garage en 1986, puis Sector 4: Scum of the Earth en 2000). « Chaque secteur représente une partie de l’immeuble Nelson Highrise. Chaque partie de l’immeuble représente une histoire. Chaque histoire représente une chanson. Ces histoires sont racontées de façon aléatoire », commentera le groupe en 1988.

Dans l’urgence, on n’a pas vraiment le temps de tourner un vrai clip et c’est une prestation du groupe dans l’émission Bananas que va récupérer la maison de disques pour promouvoir la chanson. Commercialisée en Allemagne le 14 mai 1984, Sounds Like a Melody est bien entendu accompagnée de sa version longue de près de 8 minutes en maxi 45 tours et, fait plus rare, la face B à elle aussi droit à sa version rallongée. La version album de Sounds Like a Melody, qui paraîtra sur le premier 33 tours du groupe en septembre de la même année, sera quant à elle retravaillée grâce à un mixage beaucoup plus subtil et soigné. En plus d’offrir une dizaine de secondes supplémentaires, on y trouve de nouvelles percussions, quelques effets ajoutés ou retirés, et surtout de vraies cordes enregistrées par l’orchestre de l’Opéra allemand de Berlin, arrangées par Wolfgang Loos, et qui se mêlent habilement aux synthétiseurs. Le final en devient symphonique, cordes et boîtes à rythmes se superposent en une envolée lyrique de toute beauté, et le morceau se dévoile désormais dans toute son ampleur.

Entré dans les charts allemands le 4 juin alors que Big in Japan est encore 12e, Sounds Like a Melody grimpe jusqu’à la 3e place le 23 juillet et devient disque d’or. En France, le single est commercialisé quelques mois plus tard et le succès est également au rendez-vous avec une 10e place au Top 50 début février 1985 et plus de 300 000 ventes.

Le thème de Sounds Like a Melody inspirera d’autres musiciens, et notamment le groupe Cappella qui l’utilise en 1993 sur son morceau U Got 2 Let the Music qui devient un très gros succès.

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