
Égérie du Swinging London, muse et maîtresse de Mick Jagger, Marianne Faithfull n’a pas 17 ans lorsque son premier single, As Tears Go By, écrit par les Rolling Stones, devient un tube au Royaume-Uni et aux États-Unis. Mais les années de débauche qui suivent (drogues, alcool et tentatives de suicide) abîment considérablement la jeune femme. 1979 sera l’année de sa résurrection artistique. A présent signée sur le label Island Records, la chanteuse anglaise effectue un retour inespéré avec Broken English, une œuvre punk-rock sombre sur laquelle la voix limpide des débuts fait place à un timbre rauque, altéré par des années d’excès. L’album fait forte impression et se voit rapidement classé culte, décrochant notamment un disque d’or en France. Mais il est difficile de satisfaire les attentes après un tel engouement et l’opus suivant en fera les frais.
Commercialisé en septembre 1981, Dangerous Acquaintances met du temps à prendre forme et connaît des sessions de travail chaotiques. Produit par Mark Miller Mundy, à l’origine du succès de Broken English, c’est pourtant la première fois que Marianne Faithfull s’implique autant dans l’écriture d’un de ses disques. Le titre est d’ailleurs une référence directe aux Liaisons dangereuses, Faithfull étant une grande amatrice de littérature française. En toute logique on attend d’elle qu’elle réitère le succès de Broken English en donnant une suite directe à l’album, ce qu’elle n’a pas du tout l’intention de faire. Ayant suffisamment exploré la colère et la luxure, elle souhaite à présent s’en remettre à des émotions positives, mettre en avant le sentiment amoureux à travers une musique plus lumineuse et plus accessible.
Grâce à son nouveau statut d’artiste bankable, on envoie Marianne et ses musiciens dans un studio à la campagne où tout le monde s’ennuie très vite, et où la principale occupation est de faire venir de la cocaïne de Londres. Dans ces conditions, l’album n’avance pas et le producteur, excédé, finit par remercier les musiciens, réengage ceux du disque précédent, et loue à nouveau le studio Matrix à Londres où le travail sur Dangerous Acquaintances peut enfin débuter.
Après tant d’attente, les critiques ont tôt fait de ranger le disque au rayon des œuvres jugées trop commerciales, Dangerous Acquaintances ayant pour principal défaut de sortir après Broken English. Sans doute mal estimé en son temps, l’album contient pourtant de nombreuses pépites, à commencer par Sweetheart, le titre d’ouverture qui en est extrait en premier ou deuxième single selon les pays. Introduit par des cuivres, le morceau à tendance reggae est rythmé et dansant et marque ainsi la rupture sans concessions avec Broken English. Sur une composition de Barry Reynolds, Marianne Faithfull brode un texte qui entérine une volonté de changement et surtout une affirmation de sa liberté en tant que femme.
Le 45t est commercialisé avec des pochettes très différentes selon les pays. En France on gardera tout simplement le portrait de la chanteuse qui habille aussi l’album et l’on opte pour For Beautie’s Sake en face B, un titre de l’album. Au Royaume-Uni par contre c’est Over Here, un inédit, qui a les faveurs de la « B side ».
Échec commercial, Sweetheart ne décroche qu’une 29e place dans les classements belges mais fait toutefois un joli parcours dans les discothèques françaises où il fait partie des 20 meilleures diffusions à l’hiver 81/82. L’album Dangerous Acquaintances est, quant à lui, un succès dans les pays nordiques, au Canada, en Nouvelle-Zélande, mais également en France où il obtient un disque d’or. Un joli score qui offre une belle visibilité à la chanteuse qui va retrouver son ami Serge Gainsbourg pour les besoins d’un numéro de l’émission Les Enfants du rock. Après lui avoir offert un morceau pour le film musical Anna en 1967, Gainsbourg va en effet mettre en images deux chansons du nouvel album de Faithfull : Sweetheart et Intrigue. Le tournage a lieu à Londres et les images du making of laissent apparaître une belle complicité entre les deux artistes. À un Gainsbourg qui veut la faire jouer nonchalamment avec sa fourrure, Faithfull lui rétorque moqueuse et en français : « Je ne suis pas Brigitte Bardot ! » Par la suite, la chanteuse n’aura de cesse de vanter les qualités de son ami et participera en 2006 à l’album hommage Monsieur Gainsbourg Revisited.
Après des années 80 et 90 au succès plus confidentiel, Marianne Faithfull revient dès les années 2000 avec des collaborations prestigieuses (Beck, Daho, PJ Harvey, Nick Cave…) qui lui valent à nouveau des critiques élogieuses.