
Sabrina Ocon, qui n’est pas encore connue sous le pseudonyme de Pauline Ester, passe son enfance à faire de la danse, une activité artistique dans laquelle elle semble s’épanouir. Mais elle fredonne aussi des airs et s’amuse à inventer des contre-chants aux mélodies qu’elle entend à la radio. Très vite, on lui fait prendre conscience de ce grain de voix spécial qui fait sa particularité. Difficile pour elle à l’époque de s’imaginer chanteuse, mais l’idée fait son chemin et c’est un peu plus tard, grâce à un jeune musicien, qu’elle fera ses premiers pas sur scène. Fredéric Loizeau est guitariste dans des groupes à Toulouse où la rencontre magique va se faire lors d’une soirée lycéenne. Sabrina et Fred créent un groupe ensemble, Sabrina Ô, et se font remarquer sur la scène locale, écumant les cabarets puis les festivals (notamment le Printemps de Bourges) avec leur répertoire rock et jazz.
Une cassette atterrit alors sur le bureau de Jean-Pierre Haie, directeur artistique chez Polydor. Il s’agit d’Il fait chaud, un titre langoureux qui va déterminer le reste de la carrière de Sabrina, qui doit absolument se trouver un nom de scène pour éviter tout amalgame avec la brune italienne qui se trémousse dans sa piscine au son de Boys durant l’été 87. C’est sur la route qui l’emmène de Toulouse à Paris que la jeune femme croise un camion sur lequel est écrit Polyester S.A. Le mot se décompose dans sa tête et devient alors Pauline Ester, le pseudonyme sous lequel elle se présentera à sa nouvelle maison de disques en arrivant à Paris.
Il fait chaud est sur les ondes à l’été 89 et bénéficie d’une bonne exposition, ratant toutefois de peu le Top 50. Les débuts de Pauline Ester sont en tout cas prometteurs mais le single suivant se fait attendre, Jean-Pierre Haie n’étant pas vraiment convaincu par les titres proposés par le duo. Puis un jour, Frédéric fredonne à Pauline le refrain de Oui, je l’adore à la guitare. La chanteuse qui espère se diriger vers un univers à la Catherine Ringer trouve que le morceau ne sonne pas vraiment comme ce qu’elle a en tête et laisse le titre de côté. Mais en désespoir de cause, après avoir épuisé leur répertoire auquel décidément le directeur artistique n’adhère pas, Pauline et Fred lui jouent Oui, je l’adore. Enchanté, il leur annonce que ce sera le prochain single de Pauline Ester. Succès du Top 50 cette fois, Oui, je l’adore est 11e début août 1990 et reçoit un disque d’argent pour plus de 200 000 ventes ainsi qu’un prix de la Sacem. Le single installe Pauline Ester dans un registre musical jazzy rétro au phrasé gouailleur caractéristique, se rapprochant de l’univers de Liane Foly, une touche d’humour et de légèreté supplémentaire.
Le 45 tours suivant, s’il a pourtant marqué les mémoires, ne connaîtra pas le même sort. Le monde est fou sort fin 1990 en pleine guerre du Golf et le texte plein d’ironie, écrit par la chanteuse sur une composition sautillante, n’est pas du goût de tout le monde et tombe plus ou moins sous le coup de la censure. Certes, il évoque la guerre et les militaires, répétant inlassablement que « le monde est fou », mais il est pourtant difficile d’imaginer que Pauline Ester ait souhaité créer la polémique autour d’un thème aussi sérieux et qui touche la France directement. « Le monde est vraiment fou. Partout, on parle de massacres, de haine, à des milliers de kilomètres autant qu’à côté de chez soi. Si la chanson semble amusante à la première écoute, c’est pour ne pas sombrer dans le pessimisme. J’ai un caractère très morose et, depuis l’enfance, je cultive le rire pour ne pas me laisser aller à la tristesse », explique-t-elle à la presse de l’époque. On y reconnaît la dérision qui fait le charme et la fraîcheur de la jeune femme mais de fait, Le monde est fou, qui connaît à son lancement de bonnes diffusions, est peu à peu retiré de certaines radios qui trouvent le thème risqué. Pourtant la maison de disques a investi dans un clip coloré réalisé par Jan Kounen, qui à l’époque réalise les vidéos d’Erasure ou d’Elmer Food Beat. « J’ai donné au clip une ambiance comique. En réalité, c’est l’histoire d’un petit prince qui essaie de se débarrasser de sa nurse en l’assassinant. A la fin, il y a une morale : si le monde continue à s’abandonner à tant de violence, il finira par disparaître, happé par son propre piège », déclare la chanteuse. Costumes et décors exotiques sont au programme de ce petit film plein d’humour où les expressions des acteurs sont délibérément exagérées, rappelant par exemple les pitreries des films muets de Chaplin. Manque de promotion oblige, le 45 tours ne rencontre pas son public, n’atteignant pas les 30 000 ventes*, et l’album, intitulé également Le monde est fou et qui sort la même année, n’intègre pas le Top.
Il faudra attendre la rentrée 1991 pour que Pauline Ester ne refasse parler d’elle avec un quatrième 45 tours, le très joli Une fenêtre ouverte qui s’offre une 33e place au Top et permet à l’album de se hisser jusqu’à la 45e place et de recevoir un disque d’or. Pauline assure à l’époque les premières parties des concerts de Patrick Bruel. Une nomination aux Victoires de la musique plus tard, elle est de retour avec un deuxième disque. Mais engendré dans la douleur de la séparation de son couple, l’ambiance n’est plus la même et seul le premier single, Peace and Love, est un peu diffusé. Pauline s’accordera alors une longue pause artistique, privilégiant sa vie de femme et de mère.
Elle revient en 2006 avec un best of comportant quelques inédits. Après avoir sollicité l’appui de Laurent Ruquier (qui produit certaines chanteuses qu’il affectionne) elle donne quelques concerts et renoue sa collaboration artistique avec Fred Loizeau. Si on a encore en mémoire aujourd’hui les tubes de Pauline Ester, c’est qu’ils ont été remis régulièrement au goût du jour par la publicité : en 2000, Le monde est fou est le thème principal du spot des gâteaux Pépito et Oui je l’adore devient en 2008 indissociable de la marque Groupama qui reprend le refrain à son compte.
* merci à Fabrice – Top France
« Sabrina Ocon, qui n’est pas encore connue sous le pseudonyme de Pauline Ester…qui doit absolument se trouver un nom de scène pour éviter tout amalgame avec la brune italienne qui se trémousse dans sa piscine au son de Boys… »
On a dû beaucoup lui faire dans sa vie mais « Sabrina », elle pouvait le conserver, en revanche, elle a bien fait de se rebaptiser « Ester »…
« Le single installe Pauline Ester dans un registre musical jazzy rétro au phrasé gouailleur caractéristique, se rapprochant de l’univers de Liane Foly, une touche d’humour et de légèreté supplémentaire. »
Ah moi, spontanément, j’aurais plus pensé à l’univers et au style de voix de Muriel Moreno avec Niagara, époque « Tchiki Boum » et « L’amour à la plage ».
J’aimais bien « Oui je l’adore » et « Une fenêtre ouverte ».
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