
1984 est une année charnière dans la carrière de Mory Kanté. Le jeune musicien guinéen débarque en France avec comme bagage des années de pratique et de succès en Afrique ainsi qu’un premier album solo enregistré trois ans plus tôt à Los Angeles. Issu d’une longue lignée d’artistes, Mory Kanté s’empare très vite de ses influences traditionnelles pour les mélanger à la technologie et aux courants modernes des musiques occidentales. Véritable carrefour des musiques du monde, il sait que Paris est l’endroit qui lui permettra de connaître un nouvel essor et il loue pendant quelques semaines une petite chambre à des amis dans cette cité où il est encore un inconnu. Mais la solitude lui pèse et il rentre vite à Abidjan, sa ville de résidence, où il fait la connaissance d’Aboudou Lassissi, producteur et directeur du label Sacodis, qui lui finance un disque de quatre titres intitulé À Paris. Parmi les quatre morceaux enregistrés au Studio Caroline, Kanté crée Yé ké yé ké, composition inspirée d’un air mandingue chanté traditionnellement pendant la moisson du millet. Quasi simultanément à la sortie de ce premier enregistrement parisien, il donne un concert à la Mutualité qui lui permet de rencontrer Philippe Constantin, fraîchement nommé à la direction du label Barclay où il va lancer de nombreuses carrières.
Mory Kanté signe chez Barclay qui diffuse une version rallongée et réarrangée de l’album À Paris dans laquelle, sous l’impulsion de Constantin, Yé ké yé ké se pare d’une rythmique funk plus percutante en ouverture de la face A. Les critiques sont bonnes mais le succès prend son temps. En 1986 paraît l’album 10 Cola Nuts qui décroche une nomination aux Victoires de la musique. La même année, il est invité par son ami Jacques Higelin lors de ses concerts à Bercy.
L’album suivant pousse encore plus loin la fusion de la musique world et de la pop avec aux manettes le producteur anglais Nick Patrick (Bashung, Heaven 17, Carte de séjour…). Akwaba Beach (du nom d’une plage sénégalaise où il s’est souvent rendu pour méditer) qui sort en 1987, est pour Mory Kanté l’album de la consécration. Yé ké yé ké, devenu l’un des classiques du musicien, y est inclus une nouvelle fois dans une version plus courte, plus contemporaine, plus électronique et avec des chœurs plus travaillés.
Devant l’engouement suscité par le morceau, celui-ci est rapidement commercialisé en 45t, maxi 45t et CD maxi en France mais également dans toute l’Europe. Le succès de Yé ké yé ké en 1988, quatre ans après son premier enregistrement, est aussi surprenant que fulgurant. N°1 en Espagne, aux Pays-Bas et en Belgique, n°2 en Suisse et en Allemagne, n°5 en France (plus de 270 000 ventes), le titre résonne même jusqu’aux États-Unis grâce à ses nombreux remixes. Les versions réalisées par Martyn Young permettent à Yé ké yé ké de devenir un succès de discothèques en France, si bien que deux maxis différents verront le jour. Le premier contiendra le remix original (appelé aussi « French Remix »), ainsi que la version live de 1984 (sur le CD maxi uniquement) et l’autre le remix acid house de Martyn Young. On trouvera même un CD vidéo 4 titres contenant le clip de la chanson.
Deux autres singles seront extraits de l’album Akwaba Beach : Tama et Deni, mais seul le premier connaîtra un succès très relatif en Allemagne. L’engouement pour Yé ké yé ké est néanmoins suffisant pour porter l’album qui décroche la première place des ventes en Suisse. En France il est récompensé d’un disque d’or pour 100 000 ventes ainsi que de la Victoire de la musique de l’album francophone (comprendre album de musique du monde produit en France).
En 1991 Mory Kanté connaîtra un nouveau succès dans les clubs français avec son titre Bankiero. Mais c’est encore une fois Yé ké yé ké qui inspire les DJs qui s’en emparent inlassablement. En 1994 Barclay sort un remix par Hardfloor qui fonctionne bien en Angleterre, tout comme les versions 96 par Klubbheads et Greatski.
En tout, les ventes de Yé ké yé ké sont estimées à plus d’un million, ce qui en fait l’un des morceaux africains les plus populaires au monde.
Excellent morceau !
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En 1988, les ventes de 45 trs s’effondraient chaque mois d’avantage. Je me souviens les découvrir dans les bureaux du Snep et me lamenter auprès de son attachée de presse de l’époque, la très sympa Marie-Christine Fonteny. Cela semblait inexorable.
Cependant les maisons de disques continuaient à remplir généreusement les rayons des disquaires, ce qui provoquait beaucoup de retours ensuite.
Face à cette situation, je poussais le Snep à revoir le seuil du disque d’or qui était alors à 500,000 (facturations grossistes avant retours).
Il a été abaissé à 400,000 à la rentrée 1988 mais c’était encore trop haut selon moi.
Lorsque j’ai élaboré le projet du livre « 40 ans de Tubes » avec les dirigeants du Snep (Hervé Rony et Patricia Sarrant), j’ai dû les convaincre d’établir les seuils en fonction du marché annuel.
On était passé en 1985 de 60 millions de formats court vendus (45 trs + maxis) à 43 millions en 1988…
Nous avons donc fixé ensemble le seuil à 270,000 pour l’année 1988.
270,000 ventes nettes (mise en place moins les retours).
Pour « Yéké yéké » :
1988 S01 : 247,056
1988 S02 : 34,457
1989 S01 : -8,304
= 273,209 Disque d’Or !!
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