
En seulement quelques années, Bananarama a conquis la planète avec une série de tubes, notamment grâce à son deuxième album en 1984 qui lui assure des top 10 des deux côtés de l’Atlantique avec Cruel Summer et Robert De Niro’s Waiting. Avec leurs producteurs Jolley & Swain, les trois filles sont de retour en studio dès l’année suivante pour plancher sur ce qui va devenir leur troisième album, True Confessions.
Trois titres sont d’abord enregistrés dont un qui va servir de single presque immédiatement, Do Not Disturb. Mais les scores du morceau sont assez décevants. Plusieurs autres sessions de travail viennent ensuite compléter un album qui se fait naturellement plus sérieux et en fin d’année un premier master est pressé mais le résultat ne convainc ni les trois chanteuses ni leur maison de disques. Il manque clairement un tube à l’album et Sara, Keren et Siobhan vont alors se tourner vers une nouvelle équipe de production pour essayer de sauver leur disque.
« C’est en 1986 que nous avons entendu à la radio une chanson qui allait encore une fois changer notre direction musicale. You Spin Me Round (Like a Record) de Dead or Alive était une merveille de Hi-NRG et on adorait ça. Il nous fallait trouver qui était responsable de ce moment de pop génial, et immédiatement ! », racontent Sara et Keren dans leurs mémoires Really Saying Something parues en 2020. Comme elles l’avaient déjà fait avec Jolley & Swain après avoir entendu Body Talk d’Imagination, les « Nanas » se mettent à traquer les producteurs du morceau. À l’époque, Mike Stock, Matt Aitken et Pete Waterman ont déjà signé quelques tubes (pour Hazell Dean, Princess et bien sûr Dead or Alive), mais ce n’est pas encore la fameuse « usine à tubes » qui s’apprête à redéfinir le son de la pop britannique de la deuxième moitié des années 80.
Depuis les débuts du groupe, et avant la sortie de son premier 45 tours, Bananarama a intégré à son répertoire le tube Venus du groupe hollandais Shocking Blue, très gros succès initialement paru en 1969. Au moment de l’enregistrement des chansons du nouvel album, les filles avaient proposé à Jolley & Swain de produire leur version du morceau mais ceux-ci avaient refusé. C’est donc au moment de collaborer avec Stock, Aitken et Waterman qu’elles reviennent à la charge mais le trio de producteurs n’est pas très emballé par l’idée, pas plus que la maison de disques. En position de force avec plusieurs tubes à leur actif, les filles ne lâchent pas le morceau et Venus devient alors la première collaboration Bananarama / SAW.
En charge du mixage de la chanson, Phil Harding se rappelle dans son livre PWL from the Factory Floor la genèse du titre. « Comme c’était la première fois qu’ils travaillaient ensemble, Siobhan, la porte-parole du groupe, avait bien entendu quelques réticences à vraiment faire part des idées du groupe quant au son qu’elles désiraient. (…) Elle est passée voir comment se déroulait le mixage (chose rare pour un artiste pop à l’époque et encore aujourd’hui) et en était clairement mécontente. Matt Aitken et moi lui avons alors demandé ce qui n’allait pas et, après maints efforts de diplomatie et avoir tourné autour du pot un moment, elle nous a répondu : « On voulait que ça sonne comme Dead or Alive ». Là on s’est regardé et on lui a dit : « Pourquoi ne pas l’avoir dit plus tôt Siobhan ? Laisse-nous faire et reviens demain ». Après son départ, on a levé les yeux au ciel. On savait exactement ce qu’on avait à faire ». En effet, le savoir-faire de l’ingénieur et du producteur est déjà rompu à l’exercice et, douze heures plus tard, le nouveau mix, augmenté notamment de samples tirés de You Spin me Round, est déjà prêt à conquérir les charts. Pour les curieux, le mix original sera pressé par erreur en face B du 45 tours picture de More Than Physical, et également inclus à la réédition de l’album en 2013.

Hymne à la féminité, Venus, désormais paré de son arrangement Hi-NRG flamboyant, s’offre un vidéo-clip outrageusement drôle et sexy qui, outre d’adapter littéralement les paroles de la chanson (« Une déesse sur la cime d’une montagne, Brûlante comme une flamme argentée, Sommet de beauté et d’amour, Vénus était son nom »), offre à voir une multitude de facettes de la femme moderne, qu’elle soit muse ou dominatrice, sous la direction du réalisateur Peter Care. Travestissement et bonne humeur sont au programme et la chanson ne tarde pas à rencontrer le succès qui n’était attendu que par les trois chanteuses.
Venus est n°1 aux États-Unis et n°8 en Angleterre (égalant ainsi les classements de la version originale), tandis qu’en France le disque est 4e du Top 50 en septembre 1986, dépassant les 300 000 ventes. Avec sa pléiade de remixes répartis sur pas moins de trois maxi 45 tours différents, c’est évidemment un tube de discothèques (n°1 en France et aux États-Unis). En face B du 45 tours on trouve un inédit, White Train, fruit d’une collaboration avec d’autres producteurs, Phil Bishop et Patrick Seymour.