
Emblématique des années 80, l’italo-disco est un courant transalpin qui envahit l’Europe continentale à coup de tubes concoctés par des producteurs avisés. Ryan Paris, P. Lion, Righeira, Valerie Dore en sont quelques illustres représentants et, entre 1985 et 1988 (de l’apogée au déclin du mouvement), Den Harrow va s’imposer avec une poignée de tubes efficaces.
Véritable projet de producteurs, Den Harrow est imaginé par Roberto Turatti et Miki Chieregato qui ont déjà œuvré ensemble au lancement de Stylóo, Jock Hattle, Joe Yellow ou Albert One. Den Harrow va naître en 1983 de leur rencontre avec Stefano Zandri, jeune garçon sportif et bien fait qui travaille comme mannequin et aspire à évoluer dans le domaine artistique. C’est naturellement qu’une collaboration se met en place avec Chieregato et Turatti qui cherchent à promouvoir leurs productions musicales. La plastique de Stefano Zandri est un atout de taille mais le jeune homme ne sait pas chanter. Ce n’est pas un problème pour l’équipe qui engage un vocaliste pour enregistrer les morceaux du projet Den Harrow, un jeu de mot avec l’italien denaro (argent).
Chuck Rolando, du groupe Passengers, sera la voix de Den Harrow sur To Meet Me et A Taste of Love, les deux premiers 45t qui sortent sans succès. Pour Mad Desire, le troisième 45t, on fait appel à Silver Pozzoli (qui décrochera par la suite un tube avec Around My Dream) mais son accent anglais n’est pas suffisamment convaincant. On bâtit en effet la légende Den Harrow sur une biographie imaginaire dans laquelle le chanteur est américain, histoire d’ajouter un peu plus de rêve et de glamour.
Ce n’est qu’à l’arrivée du troisième vocaliste, Tom Hooker (qui lui est vraiment américain), que Den Harrow décolle enfin. Débarqué très jeune en Europe, Tom Hooker a sorti quelques 45t en Italie dès 1980 mais sans réel succès. En 1985, son contrat est racheté par Freddy Naggiar, millionnaire fondateur du label Baby Records qui vient également de signer Den Harrow. Naggiar impose donc Hooker comme la nouvelle voix du projet ainsi que comme parolier des nouveaux morceaux.
En 1985 sort Future Brain, quatrième single de Den Harrow. Morceau typique de l’italo-disco qui sévit alors sur l’Europe, on y retrouve également le croisement des thèmes favoris du mouvement : l’amour et la technologie. Le clip vidéo qui illustre la chanson reprendra d’ailleurs ce thème futuriste et l’on y voit Den Harrow joué au docteur Frankenstein avec une patiente plus ou moins docile. De son côté Stefano Zandri en assure la promo, choisissant ses costumes, perfectionnant des chorégraphies saccadées, et n’ayant pas peur d’exhiber sa plastique (il termine souvent ses prestations torse nu).
La combinaison de l’image et de la voix s’avère cette fois suffisamment convaincante pour propulser Future Brain dans les charts européens : n°6 en Suisse, n°12 en Italie et n°17 en France où il atterrit également dans le top 5 des diffusions en discothèques et dépasse les 150 000 ventes. Plusieurs remixes accompagnent bien sûr la sortie du titre : une version longue, la version Another Mix (en face A ou B du 45t selon les pays), l’Authorized Remix (ou European Mix)… répartis sur les différents maxis 45t.
Les singles qui suivent sont à nouveau des succès (Bad Boy, Charleston, Catch the Fox…) qui finissent toutefois par s’estomper avec la fin de la décennie. Et si le stratagème Den Harrow est victime de quelques rumeurs, il ne sera dévoilé officiellement qu’en 2010 à l’initiative de Tom Hooker. La révélation donnera lieu à un échange public sur Facebook à base de vidéos postées sur Youtube dans lesquelles Tom Hooker et Stefano Zandri se répondent et s’apostrophent par messages interposés, campant chacun sur ses positions. Zandri admettra finalement en 2012 qu’il ne chantait pas sur ses morceaux.
Depuis, Zandri a pris des cours de chant, réenregistré ses tubes et poursuit sa carrière sous le nom de Den Harrow. Tom Hooker lui, après quelques succès en Italie simultanément à Den Harrow, sortira sa propre version de Future Brain en 2012 et lancera, en collaboration avec Miki Chieregato, un projet parodique intitulé Tam Harrow.
En 2021, le documentaire Dons of Disco revient sur le phénomène Den Harrow. Égos blessés, ressentiment, colère et tristesse, 35 ans après, on se rend compte que les deux protagonistes n’ont toujours pas avalé la pilule…
Bande-annonce de Dons of Disco :