
Alors que les dernières séances en studio du groupe ABBA n’ont donné naissance qu’à quelques morceaux inclus en 1982 à une compilation qui mettra un terme à dix années de succès, Agnetha, Björn, Benny et Anni-Frid ne se laissent pas abattre pour autant et profitent de leur liberté retrouvée pour se mettre au travail chacun de leur côté. Frida est la première à dégainer le tube I Know There’s Something Going On produit par Phil Collins tandis que Björn et Benny planchent avec Tim Rice sur la comédie musicale Chess (voir One Night in Bangkok) dont l’album sortira en 1984. Agnetha n’est pas en reste et, si elle profite de son temps libre pour s’occuper de ses deux enfants (issus de son mariage avec Björn), son premier album en anglais est également sur les rails.
À l’instar de Frida, Agnetha fait appel à un producteur de renom qui connaît bien le marché international et notamment américain. Mike Chapman est en effet responsable de nombreux tubes pour Suzi Quatro et Blondie et va prendre à cœur sa collaboration avec Agnetha, demandant à sa maison de disques Polar les meilleurs musiciens suédois, de préférence ceux avec lesquels la chanteuse a déjà travaillé afin qu’elle ne se retrouve pas entourée d’étrangers. Il lui offrira même le plaisir d’inviter le groupe Smokie qu’elle affectionne pour enregistrer des chœurs sur le disque.
Il faudra près de huit mois pour trouver les chansons du premier album solo en anglais d’Agnetha après un tri drastique des nombreuses maquettes reçues par la maison de disques. Pour elle, l’important est d’avoir des morceaux aux mélodies fortes et positives. Pas question d’évoquer des histoires d’amours déçues comme l’a fait Frida par exemple. Et même si elle se déclare ravie du succès de son ex-collègue, Agnetha ne souhaite pas s’éloigner trop radicalement de ce qu’elle a pu faire avec ABBA. Elle apprécie cependant son indépendance, lassée des sessions de travail avec le groupe où l’on ne l’appelait que pour poser sa voix sur des morceaux déjà achevés. Cette fois-ci la jeune femme de 33 ans présente son propre projet et s’implique jusqu’à l’écriture et la composition d’un morceau, Man, un privilège qu’on ne lui avait pas per-mis jusqu’à présent.
Sachant très bien qu’elle est attendue au tournant et que l’on comparera inévitablement son album à celui de Frida sorti quelques mois plus tôt, Agnetha publie en premier extrait de son nouveau disque le surprenant The Heat Is On aux ambiances tropicales. La chanson déjà enregistrée par l’Australienne Noosha Fox était passée inaperçue en 1979. Mais en 1983 les arrangements de Mike Chapman et la popularité d’Agnetha offrent une tout autre exposition au single qui fait forte impression en Europe, aidé par une vidéo à l’atmosphère langoureuse et moite réalisée par Erik Irion Nanne et tournée dans un bain public de Stockholm. Dans les bacs au printemps, The Heat Is On est n°1 en Suède et en Norvège, n°2 en Belgique, n°5 aux Pays-Bas, n°20 en Allemagne et n°35 au Royaume-Uni. Une place d’honneur est réservée à Man en face B du 45t et un remix de près de 8 minutes est réalisé pour le maxi 45t de The Heat Is On. La même année, Karen Cheryl en publiera une version française adaptée par Claude Lemesle et Humbert Ibach intitulée Vive les hommes et qui paraît en 45t.
La promotion du single et de l’album Wrap Your Arms Around Me s’avère plutôt longue et compliquée puisqu’Agnetha, traumatisée par une mauvaise expérience en avion durant la période ABBA, refuse de se déplacer par voie des airs et voyage donc… en bus. De fait, plus impliquée dans sa vie de famille, la chanteuse ne souhaite plus faire du succès sa priorité. Il faut dire qu’avec ABBA elle en a déjà bien profité.
À la même période elle apparaît à l’affiche d’un film suédois, Raskenstam, une expérience qu’elle ne renouvellera plus. Deux autres 45t seront extraits de l’album : Wrap Your Arms Around Me, autre hit européen (repris l’année suivante par Sylvie Vartan en Des heures de désir puis en V.O. sur l’album Made in USA), et Can’t Shake Loose qui marque le succès d’Agnetha aux États-Unis où le single se classe 29e du Billboard. L’album, quant à lui, connaît un joli parcours, surtout en Suède et en Norvège où il est n°1, et se vend à plus d’un million d’exemplaires, devenant ainsi l’album le plus vendu d’un des membres d’ABBA en solo.
Après deux autres albums en anglais dans les années 80, Agnetha n’opère son retour musical qu’en 2004 avec un album de reprises remarqué, puis en 2013 avec A qui lui vaut plusieurs disques d’or en Europe et en Australie.