
Avec à son actif une dizaine de méga hits disco, Donna Summer a définitivement marqué les années 70 de son empreinte grâce aux efforts conjugués de ses producteurs Giorgio Moroder et Pete Bellotte. Le trio gagnant aborde la décennie 80 sous le signe de la transition, tout d’abord par un changement de maison de disques. Donna passe en effet de chez Casablanca à Geffen en 1980, label chez qui elle est d’ailleurs la toute première artiste signée. La même année paraît l’album The Wanderer, un disque plus mature qui ose esquisser un son plus rock. Si l’album est disque d’or et engendre le tube éponyme, le label, un peu frileux quant à ce résultat en deçà de ses espérances, annulera la sortie du double disque suivant déjà enregistré (qui refera surface en 1996 sous le titre I’m a Rainbow).
Un changement de cap plus radical est envisagé par Geffen qui propose à Donna de travailler avec Quincy Jones. À la fois irritée par le refus du label de commercialiser ses derniers enregistrements et tentée par la perspective d’une collaboration avec un producteur au top de sa renommée (Quincy a déjà produit Off the Wall pour Michael Jackson, entre autres), Donna accepte le compromis. La chanteuse n’a quasiment pas travaillé avec d’autres producteurs que Moroder et Bellotte depuis huit ans et le changement n’est donc pas anodin pour elle. La collaboration Summer / Jones est annoncée à grand renfort de publicité et le fruit de leur travail est attendu avec impatience.
Enregistré avec un nombre impressionnant de musiciens de studio chevronnés, l’éponyme Donna Summer, dixième album de la star, est en bacs à l’été 1982 précédé par le tube Love Is in Control (Finger on the Trigger). Mélange de soul, de dance et de rock, le disque mêle aussi bien compositions originales que reprises. State of Independence, emprunté à Jon Anderson (chanteur de Yes) et Vangelis, sera d’ailleurs choisi comme deuxième extrait de l’album. Paru en août 1981 en 45t au Royaume-Uni, le morceau original est extrait de l’album The Friends of Mr Cairo, deuxième collaboration entre Anderson et Vangelis. Écrit et enregistré en très peu de temps à Paris, ce morceau électronique de près de huit minutes dominé par le saxophone n’aura aucun impact sur les charts mais inspirera notamment Michael Jackson ainsi que Quincy Jones qui en crée une nouvelle version pour Summer.
Si la mélodie de voix est respectée, les arrangements y sont quelque peu différents, conférant un aspect plus électronique à tendance reggae à ce morceau d’anthologie. Jamais à court d’idées géniales, Quincy Jones ajoute à la chanson une chorale modestement constituée des plus grandes stars du moment. C’est ainsi que Michael Jackson, Stevie Wonder, Lionel Richie, Dionne Warwick… répondront présent à cette séance d’enregistrement extraordinaire qui préfigure le projet We Are the World en 1985. Donna Summer posera sa voix sur State of Independence et délivrera une interprétation engagée et envoûtante pour ce morceau épique, hymne à la tolérance, à la liberté et à la spiritualité.
State of Independence est commercialisé en 1982 dans une version écourtée sur le 45t avec Love Is Just a Breath Away en face B, autre titre extrait de l’album. Sur le maxi 45t c’est la version album qui fait office de version longue. Les pochettes des singles extraits de l’album Donna Summer ont pour particularité de proposer des visuels qui déclinent la même séance photo de la star avec en arrière-plan un arc en ciel et State of Independence ne déroge donc pas à la règle.
Considéré aujourd’hui comme l’un des classiques du répertoire de l’artiste, State of Independence rate pourtant d’une place le top 40 aux États-Unis et n’atteint le top 10 en Europe qu’aux Pays-Bas, en Irlande et en Belgique. Remixé en 1990 à l’occasion de la sortie d’une compilation puis à nouveau en 1996, le morceau inspire et sera également repris ou samplé. L’album Donna Summer restera l’unique collaboration entre Quincy Jones et Donna Summer (qui lui vaudra deux nominations aux Grammy) et marquera le début d’une décennie riche en collaborations diverses.