Richard Cocciante et Fabienne Thibeault – Question de feeling

En 1984, Richard Cocciante est en train de préparer son nouvel album. Si le précédent, Sincérité, a été enregistré aux États-Unis avec les musiciens du groupe Toto et est sorti en quatre langues (anglais, français, italien et espagnol), seuls deux extraits en italien ont fonctionné, Sulla terra io e lei en Italie et Sincerità aux Pays-Bas. « Lorsqu’on va dans un pays aussi différent que l’Amérique on se sent encouragé à faire des choses nouvelles, à suivre une voie peut-être plus courageuse. Lorsqu’on arrive dans un pays où on n’est pas connu c’est beaucoup plus dur. On doit recommencer à convaincre. Cela apprend à être humble… », déclare le chanteur franco-italien qui a pourtant déjà réussi à classer le single When Love Has Gone Away en 41e place du Billboard en 1976.

Dans la foulée de ce développement international soutenu par sa maison de disques Virgin, Cocciante part enregistrer son nouveau disque en Angleterre, au Chipping Norton Studios, avec l’aide de Paul Buckmaster à la réalisation et aux arrangements (celui-ci a travaillé avec Elton John, David Bowie et Angelo Branduardi). Comme le précédent, le disque sera enregistré en plusieurs langues : italien, français et espagnol. Après un partenariat avec Étienne Roda-Gil, c’est cette fois à l’auteur italien Giulio Rapetti (alias Mogol), au Français Jean-Loup Dabadie et au Canadien Luc Plamondon qu’il confie les textes de ses compositions. Parmi les dix chansons sélectionnées pour l’album, il y en a une, Questione di feeling, qui appelle un duo féminin/masculin. Cocciante pense à Mina, grande chanteuse italienne qu’il admire depuis qu’il est tout petit, qui accepte immédiatement. Mais l’enregistrement s’avère compliqué. En effet, il faut trouver une tonalité commune aux deux chanteurs, ce qui ne s’avère pas évident au premier essai. Impétueuse et impatiente, Mina s’énerve vite et menace de claquer la porte. Pédagogue, Cocciante lui explique qu’elle ne peut pas réagir de façon aussi impulsive et définitive à la moindre difficulté, que ce n’est en tout cas pas comme ça qu’il a l’habitude de travailler. Il lui propose de le laisser seul une heure en studio, le temps qu’il trouve une solution à leur problème. Plutôt qu’une interprétation en force et en puissance, il demande à la chanteuse de se plonger dans une émotion plus intime et complice, et de susurrer comme lors d’une confession. Ce n’est pas son genre, rétorque-t-elle, mais Cocciante insiste et l’enregistrement se poursuit sous la direction du musicien. Le duo fonctionne enfin et Mina, désormais convaincue, est persuadée qu’ils tiennent là un tube. Elle n’a pas tort puisque le duo sort en Italie à la rentrée 1985 et grimpera jusqu’à la deuxième place des palmarès.

Pour la version française de la chanson, Question de feeling, Cocciante travaille avec Luc Plamondon. Ce dernier pense à Fabienne Thibeault, sa complice de Starmania pour qui il a déjà écrit plusieurs chansons. Au même moment, la chanteuse se trouve dans sa maison de Montréal qui vient d’être victime d’un dégât des eaux. Elle a remonté de sa cave les vinyles qui n’étaient pas trop endommagés pour les faire sécher, et elle tombe sur un disque de 1976, la bande-original du documentaire All This and World War II sur laquelle de nombreux artistes comme Elton John, Peter Gabriel, Tina Turner ou encore Richard Cocciante reprennent des chansons des Beatles. La chanteuse se dit que justement, Cocciante est un artiste dont elle admire la voix et avec qui elle aimerait travailler, mais elle ne le connaît pas. C’est précisément le moment que choisit Plamondon pour appeler son amie et lui dire qu’il est à Londres en train de travailler à l’adaptation d’un duo en français pour Cocciante et qu’ils ont pensé à elle pour lui donner la réplique. Sa réponse ne se fait pas attendre et, comme Mina avant elle, elle accepte instantanément.

Quelques jours plus tard, Fabienne s’envole pour Londres afin d’y faire connaissance avec le chanteur et poser sa voix sur ce duo qui évoque justement la rencontre de deux étrangers, histoire d’amour naissante en haut d’un gratte-ciel. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le naturel et la complicité des deux voix transparaissent sur l’enregistrement qui paraît en 45 tours en France en fin d’année 1985 en premier extrait de l’album de Cocciante, L’homme qui vole. Sans toutefois entrer au Top 50, la chanson est un joli succès radio et les deux interprètes sont bien présents en télévision pour des prestations où ils se font face, mais toujours assis (Richard Cocciante n’étant pas très grand). Si une version instrumentale occupe la face B du 45 tours, un maxi est également pressé avec un remix de 6 mn 18. Au Québec, Question de Feeling, sorti également en fin d’année, est un immense succès qui reste n°1 des palmarès pendant onze semaines !

Pour la version espagnole de son morceau, Cocciante enregistre Cuestión de feeling avec la chanteuse vénézuélienne Melissa, une version qui conserve les chœurs de Fabienne Thibeault. Devenu un classique de son répertoire, Fabienne Thibeault interprète encore aujourd’hui Question de feeling lors de ses spectacles.

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