
Lorsque sort Every Time You Go Away en 1985, Paul Young est loin d’être un inconnu puisqu’il a conquis l’Europe depuis déjà deux ans, quelques mois seulement après s’être lancé en solo. L’Anglais de 29 ans a déjà une solide expérience de groupes, notamment avec Q-Tips dont il est la voix principale sur les deux albums qui sortent en 1980 et 1982, mais sans succès. Signé chez Columbia en 1982, Young enregistre deux 45 tours, désormais sous son seul nom, dans l’indifférence générale. Mais soudain, son troisième essai, une reprise du Wherever I Lay My Hat (That’s My Home) de Marvin Gaye, décolle et s’installe trois semaines en tête des ventes britanniques à l’été 1983.
Paul Young aime toutes sortes de musiques mais notamment la soul et ses grands classiques, d’Aretha Franklin à Otis Redding, qui vont bien à son timbre de voix et dont il reprend des morceaux avec un plaisir non dissimulé. « Amateur de covers et autres adaptations, Paul joue avec succès au spéléologue de la musique noire. Au fil de ses albums il nous exhibe des introuvables de Marvin Gaye comme Wherever I Lay My Hat ou le SYSLJFM de Joe Tex », écrit Gérard Bar-David dans Best en juin 1985.
Et en effet, plutôt que ses compositions originales, ce sont surtout ses reprises qui trustent les charts. En France, c’est avec Come Back and Stay (une reprise adoucie d’un morceau plutôt rock de Jack Lee) qu’il s’impose en 1984 en écoulant plus de 500 000 singles. Mais les cordes vocales épuisées par une intense tournée la même année, il est contraint au repos durant plusieurs mois alors que son album No Parlez continue de décrocher de nombreuses certifications un peu partout. Il participe tout de même au single caritatif Do They Know It’s Christmas?, dont il a l’honneur d’interpréter les premières notes, tout en préparent son deuxième album, The Secret of Association. Ce deuxième opus, plus sombre, contient lui aussi son lot de reprises, en fait toute la face A. Si I’m Gonna Tear Your Playhouse Down et Everything Must Change, les deux premiers extraits, vont bien marcher au Royaume-Uni, c’est véritablement le troisième single, Every Time You Go Away, qui deviendra le tube de l’album et permettra à Young de percer aux États-Unis.
Reprise d’un morceau d’album du duo américain Hall & Oates, la chanson était jusqu’à présent passée plutôt inaperçue. Daryl Hall validera la nouvelle version et dira à Music Connection : « Je n’avais jamais pensé à cette chanson autrement jusqu’à ce que Paul Young s’en empare. C’était juste une sorte de chanson soul/gospel ; c’était tout ce que j’avais en tête. J’ai été très surpris d’entendre ce qu’ils en ont fait parce qu’ils en ont gardé l’essence mais en la rendant plus commerciale, ils en ont fait une chanson pop ».
Le morceau ne faisait pourtant pas initialement partie des titres retenus pour l’album de Young. « J’ai failli passer à côté de la chanson parce que je m’engageais dans quelque chose de plus sombre (plus sombre que mon premier album) pour constituer ce disque. Mais quand on a rassemblé ce qu’on avait, mon manager a suggéré qu’on allège un peu tout ça ! Donc on a repris les cassettes qu’on avait mis de côté […] en fait des morceaux suggérés par une secrétaire intérimaire qui était fan de Q-Tips ! », explique Young au blog Kickin’ it Old School en 2011.
Every Time You Go Away est donc largement retravaillé par les musiciens de Young, et notamment son claviériste Ian Kewley qui écrit le motif de synthé et le thème joué par le sitar tandis que le bassiste Pino Palladino ajoute indéniablement du caractère au morceau qui doit aussi beaucoup à ses chœurs et ses arrangements vocaux.
Tube évident de l’album que les fans du chanteur avaient déjà repéré en espérant une sortie en single, Every Time est dans les bacs anglais fin mars 1985. Pour le clip, on fait appel au réalisateur Nick Morris qui va mélanger des plans de concerts avec d’autres plus candides enregistrés en studio. « Paul Young, je l’avais déjà vu plein de fois quand j’étais étudiant et qu’il jouait dans les boîtes et les facs. Je savais qu’il était très bon en live, très rock, toujours en sueur, et c’était ça que je voulais filmer. C’est pour ça qu’on a utilisé le slow motion et les images backstage », explique le réalisateur lors d’une interview à Songfacts en 2015. En plus du clip, la chanson bénéficie d’une promotion de choix puisque Young est invité au concert mythique du Live Aid retransmis en direct dans le monde entier en juillet 1985, où il donne une interprétation inspirée et rallongée de son dernier single. Avec son mix plus court en 45 tours et bien évidemment sa version longue en maxi, Every Time You Go Away atteint la première place du Billboard aux États-Unis, la 4e des charts anglais et la 16e du Top 50 en France où le disque reste classé 20 semaines et dépasse les 200 000 ventes.
Si Daryl Hall et Paul Young interpréteront le morceau une fois en duo en 1985, le compositeur original déclarera à plusieurs occasions qu’il s’agit d’une des meilleures reprises de son répertoire. Young, lui, dira qu’elle est probablement la seule chanson qu’il ne se lasse pas de jouer en live tant elle permet d’interactions avec le public et de modulations, lui procurant toujours beaucoup de plaisir.