
Chanteuse, actrice, scénariste, animatrice radio, auteure, Caroline Grimm est une artiste complète qui s’investit dans tout ce qu’elle entreprend avec une sensibilité à fleur de peau. Elle se lance dans la musique en 1984 et se retrouve deux ans plus tard classée au Top 50 avec le tube La Vie sans toi. Désormais tournée vers l’écriture, elle a publié son cinquième roman Ma double vie avec Chagall en 2021.
Commençons par évoquer votre carrière musicale qui débute en 1984 par un duo avec Patrick Loiseau, L’amour c’est ça 1. Comment s’est faite cette rencontre ?
La rencontre avec Patrick Loiseau a eu lieu par l’intermédiaire de Pierre-Alain Simon, pressenti pour être mon producteur (parce qu’il était tombé sous le charme de ma voix) et proche ami de Patrick Loiseau, ou plutôt de Dave. J’écrivais des poèmes depuis mes sept ans, je voulais écrire des paroles de chanson et je ne pensais pas du tout chanter à cause de ma voix cassée pour laquelle j’étais beaucoup moquée.
L’originalité de votre voix est ce timbre sensuel et cassé qui deviendra votre particularité et qui va vous porter chance. En prenez vous rapidement conscience ?
L’histoire de ma voix est incroyable ! Je ne suis pas née avec cette voix. La légende familiale disait que je m’étais littéralement cassé la voix à force de hurler bébé par caprices, puis jusqu’à l’âge de douze ans à force de me bagarrer avec mon frère d’un an plus jeune. Ma mère a couru tous les orthophonistes et les ORL pour soigner cette voix de « crécelle »… Jusqu’au plus illustre d’entre eux, le Pr. Frèche qui diagnostiqua des nodules et un resserrement des cordes vocales. Il était très à la pointe et après m’avoir envoyé, en vain, faire des cures thermales au Mont-Dore, il a proposé de m’opérer d’un coup de laser. J’ai refusé, entre-temps j’étais devenue une ado et je m’étais attachée à cette particularité, cette voix très cassée. Et en effet, elle est devenue ma chance !
Pourquoi ce changement de nom et prénom entre vos premiers disques où vous passez de Sarah Grimaldi à Caroline Grimm ?
L’histoire de mon pseudo est savoureuse. Mon vrai nom est Caroline Lederman, comme Paul Lederman, le fameux producteur de Claude François, Coluche et Thierry Le Luron. Je sais qu’il a une fille de mon âge. Je n’ai aucun lien de parenté avec lui et je ne veux pas que les gens du métier pensent que je suis sa fille ! Donc exit mon vrai nom ! Après je pense au nom de ma mère Grimaldi mais Caroline Grimaldi est un nom qui risque aussi de prêter à confusion et de m’attirer des ennuis. Alors j’opte pour mon deuxième prénom Sarah. Qui ne dure que le temps du disque avec Patrick Loiseau car je réalise que je ne m’habituerai pas à ce qu’on m’appelle Sarah. Le succès du disque a été assez confidentiel et entre-temps j’ai pu récupérer mon vrai prénom et m’inventer un nom, inspiré de celui de ma mère et beau comme un conte de fées : Caroline Grimm.
Comment est arrivé le titre La Vie sans toi qui sort début 1986 et grimpe jusqu’à la 28e place du Top 50 ?
Pierre-Alain Simon, producteur de Pierre Bachelet et de Marc Lavoine, m’a fait écouter un jour La Vie sans toi, musique de Brigitte Terrasse et paroles de Michèle Enouf. J’ai tout de suite eu envie de la chanter. Les mots traduisaient (mieux que je n’aurais su le faire à l’époque) mes états d’âme et la période que je traversais.
Pourquoi Marc Lavoine, qui à l’époque écrivait beaucoup pour les autres, ne vous a rien proposé ?
J’aurais adoré que Marc Lavoine écrive pour moi mais à l’époque il formait équipe avec Fabrice Aboulker, très talentueux compositeur, et ils étaient déjà très occupés par tous les tubes qu’ils créaient. Ce que je regrette surtout, c’est de ne pas avoir chanté en duo avec lui ! Je suis fan de tous ses duos.
Comment vivez-vous le succès de La Vie sans toi ?
Ça a été une période magique. Ma chanson est restée un an au Top 50. Cela m’a donné une visibilité formidable. En même temps, je ne réalisais pas du tout ce qui m’arrivait. Quand quelqu’un fonçait sur moi dans la rue pour me demander un autographe, j’avais tendance à me retourner pour voir à qui il s’adressait ! Je trouvais les émissions de variété aussi stressantes (des millions de personnes vous regardaient) qu’amusantes. Et je faisais les choses avec engagement. En revanche, je ne me suis jamais vraiment sentie légitime comme chanteuse. Sans tomber dans la psychanalyse, parce que c’est un problème que je rencontrerai plusieurs fois (sauf dans l’écriture où je me sens miraculeusement à ma place), il faut reconnaître que je chantais un peu faux, même si pour certains cela faisait aussi partie de mon charme.



Entre 1986 et 1993 vous sortez cinq singles dont le merveilleux Mazel Tov en 1990. Est-ce un titre autobiographique ?
Mazel Tov est évidemment une chanson qui a une forte résonance biographique. C’est un titre pour lequel je me suis beaucoup battue, je voulais vraiment l’enregistrer. Didier Barbelivien a fini (oui, j’ai dû attendre très longtemps mais ça valait le coup) par livrer une très jolie mélodie cousue sur les paroles. La chanson a démarré sur les chapeaux de roue, elle est entrée directement dans les playlists d’Europe 1, RTL, NRJ, quand la guerre du Golfe a été déclarée et avec elle des menaces, des prudences, bref, le titre a été retiré de toutes les antennes. J’ai juste eu le temps d’écrire et de réaliser un clip que je ne retrouve plus et qui n’est pas celui qu’on voit sur internet…
En 1986 vous exprimez l’envie d’un album, projet avorté. En avez-vous le regret ?
Quand on fait une chanson et qu’elle connaît un tel retentissement, évidemment on a envie de continuer et de faire comme les autres et de passer à un album et de faire de la scène, etc. Mais il faut vraiment être prête en soi (et je ne l’étais pas) et faire les bonnes rencontres, souvent cela va ensemble. À l’époque, je n’osais même pas écrire mes propres textes, j’étais plus employée pour mes talents de comédienne. C’était le monde à l’envers mais les gens autour de moi ne pouvaient pas le savoir, c’était trop leur demander. L’autorisation ne devait pas venir d’eux mais de moi, question de maturité.
Vous signez chez Emi en 1993 avec un dernier single. Comment s’est passée cette dernière partie musicale ? D’autres titres étaient prévus ?
Il n’y a que Jean-Jacques Souplet et Gilbert Ohayon qui m’ont donné ma chance en tant qu’interprète et auteure quand j’ai signé directement avec EMI mais on a eu du mal à se mettre d’accord sur le choix des musiques… Et mon projet d’album est resté un projet. J’ai fini par laisser de côté la chanson pour me rapprocher des films, mon autre passion avec la littérature. J’ai commencé à travailler dans le cinéma et j’ai démarré une émission de radio sur France-Inter, La Nuit Caroline, où je lisais à l’antenne des textes de la grande tradition littéraire érotique. J’étais productrice et animatrice de l’émission pendant une heure et demie tous les soirs de l’été à l’antenne en remplacement de Macha Béranger. J’ai adoré cette expérience. Je mettais en son des fantasmes, des songes, je faisais rêver des gens par le pouvoir des mots et de la voix uniquement. Je faisais du cinéma à la radio ! La dernière année, la direction de France-Inter m’a demandé d’écrire mes propres textes. C’est devenu le recueil de nouvelles La Nuit Caroline et cela a été mon premier pas dans l’édition. Aujourd’hui Ma double vie avec Chagall est mon cinquième roman et j’y suis particulièrement attachée car Chagall est un peintre, un poète, dont la fréquentation fait du bien, Chagall est un enchanteur. À chaque fois que je publiais un roman, je me disais le prochain sera Ma double vie avec Chagall mais j’ai mis du temps à trouver l’angle du roman et à l’assumer.


Aimeriez-vous revenir à la musique ? Avez-vous un nouveau roman en prévision ?
Je ne me vois pas refaire de la musique, je ne sais toujours pas jouer d’un instrument et je chante toujours un peu faux. En revanche, j’adore lire à voix haute, j’aime le son de ma voix enregistrée, j’aime être une comédienne pour le micro et je suis pleine d’envies et d’idées qui tournent autour des podcasts et des livres à enregistrer. À bon entendeur…
1. Duo réédité dans le coffret Dave & Patrick Loiseau : Noces d’or – 50 ans de chansons en 2021 chez Marianne Mélodie.
Retrouvez Caroline Grimm sur son site www.carolinegrimm.com
Propos recueillis par Eric Bokhobza le 27 juin 2022
Coincidence : il y a quelques jours, j’ai envoyé à mail à Marianne Mélodie pour savoir s’il était possible qu’ils éditent une compilation regroupant les quelques titres de Caroline (12 je crois) . Pas encore reçu de réponse mais j’espère qu’ils y pensent… Aucun de ses titres n’est présent sur les compilations estampillées 80’s ou 90’s et c’est dommage… Cela ferait de jolies raretés sur compilations.
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