Bibie – Tout doucement

Née au Ghana, Béatrice Adjorkor Anyankor est fille de diplomate et passe son enfance et son adolescence à voyager. La jeune femme se passionne pour la musique, surtout le chant, et remporte un télé-crochet avant de s’envoler pour Londres où elle se joint au groupe ghanéen Boombaya à qui on vient d’offrir l’opportunité d’y enregistrer un disque. 

Après quelques années passées en Angleterre, elle est de retour au Ghana où elle accompagne de nombreux artistes en studio (notamment Alpha Blondy). Sa rencontre avec le public francophone, elle la doit au fruit du hasard. Alors qu’elle se produit au bar d’un grand hôtel, un certain Guy Gluck, directeur de West African Music, vient régulièrement l’écouter. Celui qui deviendra son mari en 1985 repart avec Bibie à Paris et, bien qu’elle ne parle pas encore français, il décide de lui faire tenter sa chance.

Celle-ci va lui être offerte par Jean-Paul Dréau, auteur-compositeur et chanteur qui a notamment écrit Le Coup de soleil pour Richard Cocciante, a travaillé avec Polnareff, Elton John ou Nicoletta. Dréau a justement en stock une chanson dont il n’a pas encore trouvé l’interprète, comme il nous le raconte : « J’étais à Montréal. Je travaillais avec Fabienne Thibeault sur un projet et cette chanson je l’ai écrite pour elle. Mais à ce moment-là elle n’avait pas envie de chanson d’amour, de ce genre d’histoire, alors j’ai gardé la chanson comme ça et je suis rentré à Paris. J’ai un ami qui était directeur de West African Music, qui était le fiancé de Bibie à l’époque, qui est arrivé à Paris, est entré dans mon bureau chez Chappell et m’a demandé : « Tu n’as pas une chanson ? J’ai une artiste qui est formidable ! » Bibie est arrivée dans mon bureau et elle m’a chanté Le Coup de soleil, si je me souviens bien. Elle la connaissait par cœur alors qu’elle était anglophone. Et moi elle m’a touché. Elle m’a eu par sa gentillesse. J’ai eu tout de suite envie de faire quelque chose avec elle. Parce que je suis assez difficile. Pour moi ce qui compte c’est la personnalité et la voix. C’est rare que je travaille avec des gens que je ne connais pas. »

Jean-Paul Dréau prend alors sur lui de faire enregistrer une maquette à Bibie : « C’était au début de ma carrière de producteur et de réalisateur et je n’arrivais pas à mixer avec son accent, je n’arrivais pas à trouver la solution. Alors j’ai demandé à Bernard Estardy de faire le mix. C’est donc la maquette qui a été réarrangée par Bernard Estardy, il n’y a pas eu de production de disque définitive à l’époque. Bernard pour moi c’était un maître, j’avais déjà fait beaucoup de choses avec lui et je savais que c’était le meilleur, probablement un des meilleurs au monde. Il m’a dit : « Laisse-moi tout ça et je vois ce qui se passe ». Je n’ai même pas voulu m’imposer dans son travail. C’est lui qui a géré ce que j’avais fait avec les musiciens pour arriver à la version définitive. »

Mais la petite équipe se heurte alors à un problème de taille : personne ne veut de la chanson. « Je ne trouvais pas de maison de disques alors que j’avais eu de gros succès à l’époque, entre Elton John, Cocciante… J’ai finalement réussi à négocier avec Max Amphoux et Jean-Paul Malek et je suis allé voir Alain Lévy chez CBS qui m’a dit : « Écoute j’adore ce truc, je le sors ». Ça s’est passé comme ça. Je suis allé en radio porter le single et le lendemain matin on avait rendez-vous dans une grosse émission sur Europe 1 et c’est devenu le succès qu’on connaît. »

La chanson qu’il a écrite s’appelle Tout simplement, tout doucement, mais le titre en sera finalement raccourci, probablement sur le conseil de ses éditeurs : « J’écrivais en fonction de ce que je pensais, pas en fonction de ce que voulaient les gens qui m’entouraient. Mais j’avais extrêmement confiance en Max Amphoux et en Gérard Davoust. »

Cette chanson, Bibie va se l’approprier, et conquérir le public de sa voix chaude, douce et puissante à la fois. L’histoire d’un amour qui touche à sa fin va directement toucher le cœur des auditeurs grâce aux mots de Jean-Paul Dréau. « Ce qui s’est passé avec cette chanson c’est de dont rêve n’importe quel auteur-compositeur dans sa vie puisqu’au départ personne n’en voulait. »

Un succès qui n’est pas dû à la participation de Bibie à un télé-crochet comme on a pu l’entendre parfois : « On a eu un succès immédiat dès que le 45 tours est allé en radio. Tout de suite on a fait toutes les émissions de radio et de télé. » Le single qui sort avec Tam Tam Man en face B, et dont les premiers pressages font apparaître une erreur sur le nom de l’interprète renommée Bibi, fait son entrée au Top 50 le 20 avril 1985 et va y rester 23 semaines, atteignant la 2e place pendant trois semaines non consécutives (derrière USA For Africa avec We Are the World puis Chanteurs sans frontières avec Éthiopie) et frôlant le million d’exemplaires vendus en France. Mais le succès se propage également à l’Europe et la chanson entre en rotations en Belgique, en Suisse, au Danemark… Elle se classe notamment 23e de l’airplay européen et 20e de l’Euro Hot 100, le classement des meilleures ventes européennes. Bibie enregistrera Tout doucement en anglais (Breaking My Heart) pour une distribution au Royaume-Uni, en Europe et en Afrique du Sud.

L’année suivante, c’est Vito Pallavicini qui adapte la chanson en italien pour Dalida qui la reprend sous le titre de Semplicemente così. Jean-Paul Dréau en garde un bon souvenir : « Superbe ! D’autant que c’était Vito Pallavicini. Moi j’avais pas mal travaillé avec l’Italie et Vito était un immense auteur donc j’étais ravi. Et puis Dalida, par principe j’étais très heureux puisque c’était une icône. »

Dréau va poursuivre sa collaboration avec Bibie : « Bibie est un petit bonbon, c’était facile de travailler avec elle, même quand j’ai fait l’album après. J’ai écrit des chansons spécialement pour elle. Je l’ai dirigée parce que j’adore diriger les voix depuis le début. Bibie j’étais presque amoureux d’elle, pour travailler avec elle il faut avoir un sentiment amoureux parce que c’est une fille pleine de tendresse. »

De l’album qui sort en 1986 sera tiré un autre tube, J’veux pas le savoir, qui grimpe jusqu’à la 6e place du Top.

« C’est un succès formidable parce que c’est un vrai succès d’artiste, Bibie a emporté tout le monde. Je me souviens qu’à l’époque quand je me promenais avec elle sur les Champs-Élysées, tout le monde sautait sur elle. Elle a laissé sur les gens une empreinte incroyable. J’en suis encore surpris aujourd’hui. Elle a véhiculé énormément de sympathie autour d’elle. Il y a encore des gens aujourd’hui qui m’écrivent pour me dire que c’est leur chanson, c’est la chanson de leurs enfants et j’en suis très heureux. C’est le bonheur des chansons populaires. Quand les gens s’identifient à mes chansons ça me touche beaucoup, ça me rend très heureux et j’en suis très fier. »

Tout doucement poursuivra sa route et on retrouvera notamment la chanson dans le film Chouchou en 2003, dans le spectacle des Enfoirés en 2010 ou dans l’album Ex-fan des 80’s volume 2 de Mathieu Rosaz en 2021.

Propos recueillis le 27 juin 2022.

2 commentaires

  1. Un titre sublime tout comme sa version anglaise (et leur versions longues…) Une carrière un peu « gâchée » au bout de quelques années ( je n’ai jamais compris pourquoi une compilation « Regards » a été publiée si tôt en 1988, pas idéal pour essayer de redynamiser sa carrière à l’époque) . Je me suis toujours demander si elle était à l’aise avec le fait d’être aussi présente dans les médias en si peu d’années. Son album de 2003 a été si peu médiatisé malgré l’émission « Retour gagnant » sur TF1. Incompréhensible et franchement dommage…

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