Tina Turner – What’s Love Got To Do With It

L’entrée dans la décennie 80 s’annonce compliquée pour Tina Turner. La chanteuse, qui a connu ses premiers succès avec son époux Ike dans les années 60, fait désormais cavalier seul, séparée d’un mari violent qui la laisse ruinée et endettée. Contrainte à se produire dans de petites salles, elle sort quatre albums qui n’ont aucun succès. En 1980, elle rencontre Roger Davies, manager d’Olivia Newton-John qui va rapidement prendre les rênes de sa carrière. Ensemble, ils remodèlent son tour de chant en un show plus rock, et c’est un pari que va faire Capitol Records en signant la chanteuse pour un single, une reprise d’Al Green, Let’s Stay Together, qui paraît en novembre 1983. La chanson marche étonnement bien dans toute l’Europe, et même aux États-Unis, et Capitol s’empresse de revoir le contrat de la chanteuse, lui offrant trois albums mais lui réclamant le premier très vite. Private Dancer sera enregistré en deux mois à Londres et, après un score moyen réalisé par une reprise du Help! des Beatles, le nouvel album est réellement introduit par un titre original : What’s Love Got To Do With It.

Lorsque la chanson arrive aux oreilles de Roger Davies, elle a déjà été refusée par Cliff Richard et Donna Summer ainsi que par la maison de disques de Phyllis Hyman, jusqu’à ce que le groupe Bucks Fizz en enregistre une version qui ne sera finalement pas commercialisée puisque, entre-temps, Tina Turner vient d’en sortir sa propre interprétation, assez proche de la maquette originale. Pourtant, la chanson qui prône l’amour charnel sans attache (car « qui a besoin d’un cœur quand ce dernier peut être brisé ? »), écrite par Terry Britten et Graham Lyle, n’avait pas vraiment les faveurs de la chanteuse. On dit même qu’elle détestait la chanson, notamment car elle ne s’identifiait pas au personnage. Pourtant, sur l’insistance de son manager, ami des auteurs, elle accepte de l’enregistrer. L’album Private Dancer sera confié aux soins de huit réalisateurs différents et c’est Terry Britten qui est en charge de What’s Love Got to Do With It, Show Some Respect et I Can’t Stand the Rain. Il fait appel à l’ingénieur du son anglais John Hudson à qui il demande de travailler sur les trois morceaux en très peu de temps puisqu’ils n’ont que quelques week ends à disposition entre les sessions que Hudson assure pour le groupe Ultravox.

Convaincu que c’est I Can’t Stand the Rain qui sera choisi comme single, mais aussi parce que Tina n’aime pas What’s Love, c’est par cette dernière qu’on va commencer les enregistrements afin de s’échauffer. Mais la chanteuse en livre une interprétation assourdissante et survoltée, comme elle en a l’habitude lorsqu’elle chante en concert, et la technique a du mal à suivre. On lui demande de donner un peu moins de voix mais elle semble ne pas comprendre ce qu’on attend d’elle. Terry Britten, qui chantait sur la maquette, vient même avec elle en cabine pour lui montrer comment interpréter la chanson et lui suggère de la lui chanter dans l’oreille, comme s’il était seul face à elle. Les voix seront en boîte en seulement quelques heures et quelques prises et, au final, le résultat contentera tout le monde, même la chanteuse qui prouve ainsi qu’elle est capable d’interpréter une chanson alors que celle-ci la touche pas personnellement.

Mais le premier mix de What’s Love, réalisé en toute liberté et avec de plus en plus de ferveur par John Hudson, n’est pas du goût de Terry Britten et il faut tout recommencer. Britten lui fait écouter la cassette d’un premier mix très épuré (celui sur lequel Tina avait enregistré) et lui dit que c’est ce résultat qu’il attend. Hudson se remet donc au travail, retirant une grande partie de ce qui avait été ajouté au morceau après l’enregistrement des voix de la chanteuse (des cordes, des chœurs…) et jusqu’à ce qu’ils soient tous les deux convaincus qu’ils tiennent là un hit ! Ce qui, évidemment, ne manque pas d’arriver puisque What’s Love est choisi comme nouveau single en même temps que la sortie de l’album au printemps 1984 et signe ainsi le grand come-back de Tina Turner, alors âgée de 45 ans. Elle fait même sa grande entrée dans l’ère MTV avec un clip où elle apparaît très sexy dans les rues de New York, chevelure proéminente.

What’s Love atteint la première place du Billboard aux États-Unis, la 3e place au Royaume-Uni et se classe en France à la 21e place du Top 50, totalisant plus de 200 000 ventes.

Le 45 tours bénéficie d’une face B inédite pour l’Amérique (Rock And Roll Widow) et d’une autre pour l’Europe (Don’t Rush the Good Things) tandis que le maxi, avec sa version longue de What’s Love, enchante les discothèques où c’est également un succès.

Devenu l’un des standards de Tina Turner, What’s Love raffle trois Grammy Awards en 1985 (meilleure chanson, meilleur enregistrement et meilleure performance vocale pop) et l’album Private Dancer engendrera d’autres succès.

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