
En septembre 1984, Alphaville s’apprête à sortir son premier album, mais également son troisième single, Forever Young. Si, Big in Japan et Sounds Like a Melody, les deux premiers singles du trio allemand, ont été très rapidement de gros succès, Forever Young n’est pas vraiment une nouveauté, et remonte même aux origines du groupe.
Au début des années 80 à Enger, ville moyenne située à une centaine de kilomètres de Munster, Bernhard Lloyd et Frank Mertens s’initient aux joies du synthétiseur et composent ensemble quelques morceaux. Mais ils se rendent vite compte qu’il leur manque quelque chose pour faire évoluer leurs maquettes : un chanteur. Marian Gold, que Bernhard connaît déjà depuis quelques années et dont il a repéré le talent, est alors convoqué. Débarqué de Munster un week end d’octobre 1982, il écoute attentivement la musique des deux autres garçons. Soudain, il se saisit d’un crayon et commence à griffonner quelques paroles sur une composition rythmée construite à partir de programmations où un solo de trompette est déjà présent, puis se met à fredonner « Let’s dance in style, let’s dance for a while ». Immédiatement les trois garçons sentent qu’ils tiennent quelque chose de spécial. Une fois le texte écrit par Marian, ils testent ensemble le résultat. Mais au moment d’attaquer le refrain, le chanteur n’est pas sûr de lui : « Ça n’est pas vraiment du rock and roll, on est plutôt dans de la variété » s’inquiète-t-il. « Non, vas-y, continue, c’est super », l’encouragent les deux autres. Forever Young était née, et donnera même son nom au groupe pendant un certain temps, tandis que la chanson est testée lors de concerts locaux où elle est reçue avec enthousiasme.
Avec quelques maquettes sur bandes, Marian et Frank font le tour des producteurs, éditeurs et label de Berlin et reçoivent rapidement plusieurs propositions intéressantes. Ils décident de faire confiance à l’éditeur Andreas Budde qui leur permet de passer pour la première fois une quinzaine de jours au Studio 54 à Berlin en août 1983 afin d’enregistrer trois titres : Big in Japan, Seeds et Forever Young. Mais les garçons se rendent vite compte que quelque chose ne marche pas avec cette dernière chanson et qu’ils n’arrivent pas à reproduire l’énergie dance de la maquette. Budde, qui passe régulièrement écouter les enregistrements et donner un avis que les trois garçons ne sont pas toujours très heureux d’entendre, leur demande où se trouvent les synthés, les percussions et la voix sur la console. Puis, très simplement, il enlève les percussions, augmente les synthés et la voix. La chanson est là, c’est désormais une ballade. Tout le monde s’accorde pour dire qu’Alphaville tient là un tube, mais il ne sortira pourtant qu’en troisième single.
Commercialisé le 20 septembre 1984, une semaine avant l’album qui porte le même nom, Forever Young devient effectivement le troisième tube d’Alphaville d’affilée. Peut-être parce que le texte qui évoque une certaine nostalgie de l’âge d’or, dans une période incertaine où deux grandes puissances s’affrontent, résonne imperceptiblement en tout un chacun. « C’est quelque chose que je n’explique pas. Elle touche au cœur, à l’âme, à l’esprit, car elle semble parler à chaque génération. Ou bien à chaque problème du monde. Elle a ce titre formidable que j’ai piqué à Bob Dylan. Mais bon, Rod Stewart l’a fait aussi (rires) », commente Marian au Washington Times en 2017.
Le clip est tourné en Angleterre, dans le Surrey, au Holloway Sanatorium, ancien établissement pour malades mentaux qui a déjà servi de décor au clip de Total Eclipse of the Heart de Bonnie Tyler ou au Charlotte Sometimes de The Cure. Dans ce scenario apocalyptique mis en images par Brian Ward, quelques réfugiés s’échappent à travers un étrange losange lumineux. Deux montages différents en seront réalisés, montrant des plans distincts à la fin de la vidéo. « Dans l’une des ailes désertes du bâtiment, d’anciennes prescriptions médicales jonchaient le sol. Je n’ai pas pu m’empêcher d’en lire certaines et d’être pris d’un étrange sentiment, j’étais confronté à ces tragédies alors que nous-mêmes étions en train de mettre en scène la fin du monde dans la pièce d’à côté », se souvient Marian en 2003.
La pochette de l’album et du single arborent la photo d’une statue de bronze représentant un jeune homme agenouillé. Exposée sur une place d’Hambourg, elle deviendra un passage obligé pour les fans du groupe. Comme de coutume, c’est une face B inédite, Welcome to the Sun, qui est placée sur le 45 tours, tandis qu’une version dance de Forever Young, remixant l’arrangement de la maquette d’origine, est éditée en maxi 45 tours. N°4 et disque d’or en Allemagne, Forever Young est également n°1 en Suède, n°3 en Suisse et au Danemark. La France, elle, aura droit à un traitement un peu spécial, la pochette du 45 tours reprendra celle du maxi, les paroles de la chanson seront reproduites en français au dos et une version rapide exclusive à ce support sera pressée en face B. La chanson se hissera à la 13e place du Top 50 en juin 1985 et dépassera les 300 000 ventes.
Devenue un classique, Forever Young sera repris par de nombreux artistes et notamment par Laura Branigan sur son album Hold Me dès 1985.
Une chanson qui me dévaste à chaque fois que je l’écoute…pour moi la chanson la plus mélancolique avec Such a Shame de Talk Talk..Ah cette année 84 j’avais 8 ans et je me raccrochais déjà à la musique pour m’évader de la violence du foyer
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Merci beaucoup pour la petite histoire de ce morceau sublime qui me touche effectivement « au cœur, à l’âme, à l’esprit » et me donne invariablement le frisson et les yeux humides sur le final.
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J’avais le 45t avec sa « version rapide edit » en face B.
Je me rappelle encore que je l’entendais passé à la radio le matin au réveil…quelle époque !
Quel délicieux titre devenu intemporel et le final synthétique est d’une beauté infinie.
Envoutant.
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