Axel Bauer – Jessy

Après plus de 500 000 exemplaires vendus de Cargo mais une décevante 42e place pour Phantasmes, son follow-up, au Top 50, Axel Bauer se retrouve en 1985 sans maison de disques, sans argent, et avec un album à peine commencé. Mais, coup de chance, le succès de l’éphèbe rocker qui a largement dépassé nos frontières notamment grâce au clip sulfureux signé Jean-Baptiste Mondino qui s’est retrouvé diffusé sur MTV, incite les Américains et les Anglais à s’intéresser au jeune Frenchie.

C’est le label A&M qui se montre tout d’abord entreprenant et convoque Bauer à New York pour une première prise de contact avec, très vite, un contrat à la clé. Mais au même moment, à Londres, EMI surenchérit avec une proposition des plus lucratives pour pas moins de sept albums ! À Londres, le chanteur de 24 ans est reçu en grandes pompes par Dave Ambrose, le directeur artistique qui a signé notamment Duran Duran, Pet Shop Boys et Radiohead. Ambrose croit très fort au potentiel du jeune musicien français et lui offre le luxe de réfléchir à ce qu’il veut faire tout en prenant son temps.

Bauer s’installe donc à Londres, loin de l’hystérie parisienne, tout d’abord dans une maison de Narrow Street, puis dans un appartement plus central. L’anonymat a du bon, mais s’accompagne également d’une solitude pesante, et le chanteur passe le plus clair de son temps en studio pour travailler. C’est d’ailleurs aux mythiques studios Trident à Soho, qui ont vu défiler Queen, Elton John, T. Rex et Jeff Beck, qu’on l’installe et où vient le rejoindre son complice Michel Eli, producteur et co-auteur de Cargo. On leur propose même les services de Bill Brufford, batteur de Yes et Genesis, entre autres, mais Bauer s’imagine qu’on le fait marcher et ne s’attend pas du tout à voir débarquer Brufford le lendemain au studio. Pris de court, il n’a pas vraiment de morceau en stock qu’il considère à la hauteur du batteur star et le fait improviser en ayant l’air de savoir ce qu’il veut. « C’était presque trop bien, il aurait fallu reconstruire tout le morceau autour de ses parties de batterie. À la fin, je n’ai rien pu garder. Ça ne collait vraiment pas », raconte-il dépité dans son autobiographie Maintenant tu es seul en 2012.

C’est par la suite une série noire qui va s’abattre sur la production de ce premier album puisque Dave Ambrose, qui l’avait signé, quitte EMI, et se voit remplacer, comme c’est souvent le cas, par une nouvelle équipe nettement moins enthousiasmée par le projet du petit Français. Difficile dans ces conditions de garder confiance, surtout lorsque Alex Sadkin (réalisateur et mixeur en vogue de Grace Jones, Robert Palmer, Duran Duran, Thompson Twins), très intéressé par les démos d’Axel et qui accepte de prendre en charge la réalisation de l’album, est victime d’un fatal accident de voiture le 25 juillet 1987 à Nassau à seulement 38 ans. Tout est à recommencer. C’est finalement Howard Gray qui prend le relai (à son CV on compte UB40 et The Cure) avec Mark Stent au mixage, ce dernier deviendra bien vite un ingénieur star de la pop anglaise et mondiale. L’album prend forme tant bien que mal et, anecdote amusante, alors qu’Axel passe de nombreux mois en studio, on vient lui demander de remplacer au pied levé le guitariste des Pogues, trop alcoolisé pour assurer sa session d’enregistrement.

Composé de dix titres, tous signés Bauer / Eli, à l’exception d’une reprise du Sex Machine de James Brown, Les Nouveaux Seigneurs, premier album d’Axel Bauer au ton résolument rock et sombre, est dans les bacs à la rentrée 1987. Bauer y joue bien évidemment des guitares, mais également des claviers, et prend en charge la réalisation et la programmation des percussions. Sur la version CD on trouve deux bonus, une version longue anglaise de Cargo et le remix de Jessy.

En guise de mise en bouche, c’est en effet le single Jessy qui annonce le retour d’Axel Bauer. Après plus de deux ans d’absence médiatique, la pochette blanche du 45 tours ne laisse apparaître que le nom du chanteur et le titre de sa chanson, le pari est franchement risqué. Le morceau rock synthé à des parfums sensuels et andalous soulignés par le texte, « Jessy je suis Gipsy… »

« Ça faisait longtemps que j’avais envie de jouer de la guitare acoustique sur un disque, avec une ambiance acoustique et un peu espagnole. Mon père était le batteur de Django Reinhardt donc la musique gitane j’ai écouté ça toute mon enfance », dit-il au Rock Report d’Antoine de Caunes dans Les Enfants du rock à la sortie du 45 tours en mai 87. S’il offre un riff de guitare entêtant, le morceau pêche sans doute par son refrain un peu faible et rompt la magie de Cargo. Jessy bénéficie pourtant d’un certain soutien radio et les télévisions sont encore nombreuses pour recevoir le chanteur mais le grand public ne suit pas et Jessy n’entre pas au Top 50. Sur maxi 45 tours, le morceau est remixé par Claude Wagner mais ne convainc pas plus les DJ.

Si l’album Les Nouveaux Seigneurs reçoit tout de même de bonnes critiques, il ne sera pas le succès attendu et il faudra attendre 1992 et le succès d’Éteins la lumière pour voir revenir Axel Bauer au Top.

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