Après le succès de son seule en scène Françoise par Sagan (nommé aux Molières 2018), Caroline Loeb poursuit l’aventure autour de la créatrice de Bonjour tristesse et revient en chanteuse avec Chiche !, un spectacle musical à partir de son superbe album Comme Sagan. Un format cabaret où l’on retrouve la gouaille et la liberté de ton de Caroline Loeb, entre confidences, émotion et humour, de la mélancolie de Sagan aux années 80 de la Loeb…
Après votre spectacle Françoise par Sagan qu’est-ce qui vous a donné envie de poursuivre cette aventure en chanson ?
En fait c’est Sagan qui m’a donnée l’idée de revenir à la chanson parce qu’il s’est passé quelque chose de très fort autant avec le public qu’avec la critique sur ce spectacle et je me suis vraiment identifiée à elle, ça a été une rencontre très forte. Et c’est un copain qui m’a envoyé un coffret CD avec des chansons de Sagan, je ne savais pas du tout qu’elle avait écrit des chansons et j’étais un peu surprise, j’ai mis un peu de temps à l’ouvrir et quand j’ai finalement écouté les chansons ça a percuté : « Bon sang mais c’est bien sûr, pourquoi pas un album autour de Sagan ! » L’album, comme le spectacle, parle autant d’elle que de moi, c’est vraiment des choses intimes et personnelles que j’avais envie d’exprimer. C’est vraiment Sagan qui m’a redonnée envie de faire la chanteuse.
Vous aviez un peu perdu cette envie de chanson ?
Non, moi je ne perds jamais l’envie de chanson, et puis comme je fais beaucoup de mises en scène de spectacles musicaux je suis toujours dans la chanson d’une manière ou d’une autre, mais je ne pensais pas refaire un album. Le contexte est tellement compliqué, je ne me voyais pas me lancer là-dedans, et tout d’un coup ça m’est apparu comme une évidence autour de Sagan. Et puis j’ai rencontré Jean-Louis Piérot qui travaille avec Etienne Daho depuis trente ans, Etienne est venu voir le spectacle qu’il a beaucoup aimé et Jean-Louis Piérot est venu aussi et il a été très touché. Travailler pour lui c’était important parce que c’est quelqu’un qui a un talent fou, qui a une sensibilité magnifique. En fait ça a été très facile, très évident de faire cet album.
Vous pensiez déjà à la scène quand vous avez enregistré l’album ?
Non, pas particulièrement, mais je savais que de toute façon le meilleur moyen, pour ne pas dire le seul, de défendre les chansons ce serait la scène. Et ça tombe bien, la scène j’aime bien ça ! (rires) Là où il a fallu que je réfléchisse un peu c’était pour trouver ce que j’allais raconter autour des chansons. Sagan, je lui dois plusieurs fières chandelles : d’abord le succès du spectacle avec les interviews, l’envie de chanter, et puis enfin le nouveau spectacle. Chiche ! c’est l’occasion de raconter mes histoires à moi, mes histoires des années 80, mes histoires d’enfance. Elle m’a ouvert plusieurs portes vraiment importantes.
Comment vous est venue l’idée dans ce spectacle de mêler ces chansons à vos années 80 ?
Ce que je voulais c’était faire entendre à quel point ces chansons résonnaient chez moi en parlant de ce que j’ai traversé, des choses un peu punks, des années 80, de l’enfance… Beaucoup de gens sont sortis du spectacle Chiche ! en me disant : « On ne sait plus si c’est toi ou si c’est elle ». C’est à la fois elle et à la fois moi. Ce qui m’intéressait c’est qu’on n’entende pas ces chansons uniquement comme des chansons autour de Sagan parce qu’en fait ça parle de choses très intimes. Le texte d’elle qui est sublime et que j’ai fait mettre en musique, Maisons louées, c’est quelque chose qui peut résonner en chacun de nous, sur le temps qui passe, sur la solitude, la mélancolie… Moi je suis très touchée par sa mélancolie, ça me correspond vraiment. J’ai demandé à Pascal Mary de m’écrire une chanson d’après cette phrase qui est dans les interviews et que j’adore : « Si on est un tant soit peu sensible, on est écorché partout et tout le temps », et quand il m’a envoyée À tout l’on s’écorche c’était l’un des plus beaux cadeaux que j’ai reçu ces dernières années. Je pense que ça peut parler à tout le monde, d’être écorché par la beauté, par la laideur, par la solitude… Pourtant la seule crainte que j’avais c’est que ça n’intéresse pas les gens, que ça ne les touche pas, et en fait je suis très surprise à quel point ça touche des gens très différents, des vieux, des jeunes… une dame comme ça très bourgeoise a pleuré pendant le spectacle, elle était très très émue… Ça rejoint finalement ce que je pense depuis longtemps : plus on est personnel, plus on est proche de choses vraiment importantes pour soi, et plus on a de chances de toucher les gens. C’est pas en essayant de faire grand public qu’on arrive à quoi que ce soit, c’est vraiment en essayant d’être le plus sincère et le plus proche de choses essentielles.
Vous êtes accompagnée de formidable musiciens sur scène qui sont aussi vos complices, comment avez-vous rencontré Stéphane Corbin qui est à la direction musicale ?
Je l’ai rencontré grâce à Stéphane Baquet, qui est l’un des directeurs du théâtre de la Luna à Avignon où je joue depuis quelques années, et quand je cherchais des musiciens il m’a orienté vers Stéphane Corbin qui jouait là aussi. Donc c’est parti de quelque chose d’un peu pratique mais en même temps il connaissait bien le talent de Stéphane. Les trois musiciens sont venus voir le Sagan, ça leur a plu et après ça a été très facile de travailler avec eux, très évident, on s’entend très bien. Ils sont effectivement très complices et on s’amuse beaucoup, avant, pendant et après. Avec eux je me sens vraiment libre et c’est un plaisir fou.
C’est une récréation pour vous de ne plus être seule en scène avec ce spectacle ?
Tout à fait. C’est vrai que le spectacle Sagan que j’adore c’est un peu comme être au couvent, c’est très précis, sur la corde. S’il se passe quoi que ce soit dans la salle je ne peux rien dire parce que c’est Sagan, donc elle ne va pas dire : « Éteignez vos portables », alors que là comme c’est cabaret, music-hall, je fais ce que je veux ! Et je ne maîtrise pas d’ailleurs donc je peux parler aux autres, je peux vanner. Effectivement c’est une super récré, je m’amuse comme une folle. Ça correspond à quelque chose que j’aime profondément, le cabaret. Une de mes premières idoles c’est Yvette Guilbert mais après c’est Bette Midler quand même, cette façon de passer d’une blague un peu trash à tout à coup quelque chose qui vous fait chialer, moi j’adore ça. Cette liberté qu’on a dans le music-hall, c’est formidable !
La mise en scène est de Stephan Druet, vous vous connaissiez ?
On se connaissait d’Avignon, parce que j’y suis tous les ans depuis les dix dernières années. Il y a trois quatre ans il était avec Sebastian Galeota sur un spectacle qui s’appelait Evita et on se croisait tout le temps ! Quand l’album est sorti, je lui ai envoyé les chansons, il a adoré et il m’a dit : « Je te mets en scène » mais il m’a fait une proposition qui ne correspondait pas du tout à ce que je voulais, alors je lui ai répondu : « Non écoute, Alex Lutz a dit qu’il allait me mettre en scène… » Et puis en fait Alex Lutz n’était plus du tout joignable, plus du tout disponible, et de fil en aiguille j’ai travaillé avec Stéphane et c’est vrai que c’est une rencontre assez rare, c’est un type que j’adore, qui est intelligent, drôle, généreux, on s’amuse beaucoup, on est très complices et je suis vraiment très heureuse de travailler avec lui.
Vous ne pouviez pas évoquer vos années 80 sans faire un clin d’oeil à C’est la ouate, et vous dites d’ailleurs dans le spectacle : « Je ne suis pas connue comme chanteuse, je suis connue comme chanson ». Est-ce que vous souffrez encore de ça ou bien vous avez fait la paix avec C’est la ouate ?
Le problème n’est pas mon rapport avec C’est la ouate, le problème c’est les autres (rires). Moi j’aime beaucoup C’est la ouate, je suis toujours très contente de la chanter, je suis plutôt fière de cet OVNI qui traverse les décennies, donc tout va bien, je n’ai aucun problème avec C’est la ouate. Mon seul souci c’est que les gens décollent un peu de ce tube pour voir que je continue à créer et à faire plein de choses. C’est un travail de longue haleine parce que la chanson a beaucoup marqué, les gens m’ont énormément identifiée à cette chanson, de manière assez délirante d’ailleurs. Mais ça bouge quand même depuis toutes ces années, il y a quand même beaucoup de gens maintenant qui ont vu mes derniers spectacles et qui savent que je fais autre chose. Mais c’est vrai que revenir en chanteuse c’est mon pari le plus fou parce que maintenant j’ai réussi à me faire une place au théâtre… Et c’est pour ça que dans le spectacle j’ai voulu tout de suite attaquer le truc très frontalement en disant que jamais je n’avais pensé que j’allais revenir en chanteuse, les gens rigolent et ça permet de passer à autre chose. Paradoxalement, la chanson c’est la chose pour laquelle je suis la plus connue et en même temps c’est uniquement ramené à un titre, c’est assez spécial à vivre. Dans le spectacle je chante les douze chansons de l’album Comme Sagan plus Crime parfait, je fais un petit bout de C’est la ouate parce que je raconte les galas, et puis les gens sont contents que je la chante… mais je ne la chante pas comme ça, c’est tout un contexte avec beaucoup de distance et d’humour.
Vous pensez que le public attend ça ?
Je ne sais pas s’il l’attend mais ils sont contents. Vous savez, on dit toujours que les gens attendent le tube, mais moi aussi ! Moi aussi quand j’ai adoré un titre de quelqu’un il peut me chanter toutes ses nouvelles chansons, bon je suis très contente, mais j’attends le titre que j’ai adoré. On est tous pareils, on est comme des gamins, on veut le tube quoi ! Donc là je frustre un peu parce que je fais un couplet-un refrain mais j’en donne un peu quand même (rires).
Est-ce que ce spectacle va se poursuivre après le mois de janvier ?
Je l’espère, je devrais reprendre quelques dates en février, mars, avril, je vais le jouer à Lyon le 26 janvier, j’espère avoir quelques dates de tournée. C’est le tout début de l’aventure…
Propos recueillis le 13 décembre 2019.
Chiche !, à voir à L’Archipel à Paris les 30 et 31 décembre à 21 h, les 2 et 3 janvier 2020 à 21 h et le samedi 4 janvier à 16 h et 21 h.
À la Comédie Odéon de Lyon, le 26 janvier 2020 à 17 h.