Duo franco-belge de producteurs visionnaires, Daniel Vangarde et Jean Kluger ont lancé avec succès le groupe disco Ottawan à la fin des années 70. Mais quelques années auparavant, Vangarde, de son vrai nom Daniel Bangalter, découvre les Antilles, ses musiques et rythmes festifs. Convaincu du potentiel de ces chansons méconnues en métropole, et contre l’avis de la profession, il se met à la recherche de musiciens pour produire un album de musique antillaise. C’est à Paris qu’il va faire la connaissance d’Arthur Apatout, guitariste guadeloupéen. Autour de lui, il va rassembler d’autres musiciens, tous dénichés à Paris : les Martiniquais Clémence Bringtown et Julien Tarquin, le Guadeloupéen Guy Bevert et le Guyanais José Sébéloué. Ensemble ils seront La Compagnie créole qui enregistre un premier disque de reprises en 1976 en distribution chez Carrère. Les débuts sont timides et seul le 45t Ba moin en ti bo, standard guadeloupéen, se fait remarquer.
En stand-by discographique les années suivantes, la Compagnie créole bénéficie du succès d’Ottawan du début des années 80 qui permet à Vangarde de produire un deuxième album du groupe, toujours en créole. Mais le succès se fait attendre, si bien qu’on promet à l’auditeur au dos de la pochette du disque que s’il aime la Compagnie créole, elle viendra animer ses fêtes, soirées privées, mariages et autres anniversaires !
En 1982, Kluger et Vangarde ont composé le joyeux titre C’est bon pour le moral que tous les artistes pour lesquels ils écrivent habituellement ont refusé. Ils décident alors de faire enregistrer la chanson à la Compagnie qui va troquer le créole pour le français à cette occasion. La chanson n’emballe pas vraiment les membres du groupe de prime abord mais, avec un arrangement adéquat, ils se laissent finalement convaincre de l’enregistrer.
A contre-courant total de la pop et de la new wave qui cartonne à l’époque (et même si dans un autre genre Les Forbans signent le plus gros succès de l’année 83), C’est bon pour le moral devient le premier tube de La Compagnie créole et s’écoule à plus de 400 000 exemplaires. Vive le douanier Rousseau !, le 45t suivant, connaît le même parcours et un troisième album sort dans la foulée alors que La Compagnie est recrutée pour accompagner Patrick Sébastien en tournée. Le 20 mars 1983, Vive le douanier Rousseau est en lice pour représenter la France au concours Eurovision de la chanson et, parmi 14 candidats, la Compagnie termine avec déception en deuxième place de la sélection nationale derrière Guy Bonnet avec Vivre. La France terminera 8e du concours remporté cette année-là par la Française Corinne Hermès qui représente le Luxembourg.
Inspiré par une carte postale qu’il a reçue de son petit neveu en vacances à la montagne, Jean Kluger a l’idée d’une chanson qui parlerait de Noël aux Antilles. Bons baisers de Fort de France, avec son refrain de fête ensoleillé, permet à la Compagnie d’envahir les plateaux télé et les émissions spéciales Noël.
Commercialisé en fin d’année 1984, Bon baisers de Fort de France fait son entrée au top 50 la semaine de Noël, atteint la 24e place en janvier et restera classé jusqu’en mars. Ce sera la première chanson originale évoquant Noël ainsi que le premier tube de Noël du Top 50 (Tino Rossi, dont le Petit papa Noël ressort tous les ans, n’avait pointé qu’à la 47e place la semaine précédente). Devenu l’un des rares classiques français contemporains pour les fêtes, Bons baisers sera repris en 2008 sur l’album Noël avec la Compagnie créole et de nouveau extrait en single. Il fera même mieux que l’original en arrivant 18e des ventes de disques la semaine de Noël.
Considéré comme un groupe de bal et un peu dénigré en France, la Compagnie créole connaît un très gros succès populaire au Québec où des artistes de la jeune génération ont enregistré un album hommage au groupe en 2010. Ariane Moffatt, Misteur Valaire ou Radio Radio y revisitent La Machine à danser, Le Bal masqué ou Vive le douanier Rousseau.