Issu de la scène musicale de Liverpool, le groupe Frankie Goes To Hollywood mené tambour battant par son leader Holly Johnson (qui a déjà sorti deux 45 tours sous son nom) va marquer la première moitié des années 80 avec une série de tubes produits par Trevor Horn sur son tout jeune label ZTT. Une marque de fabrique synonyme de pop music dansante et sophistiquée qui mise sur la multiplication des supports et des versions, mais aussi sur l’image et la publicité, notamment en appuyant sur le côté sulfureux du jeune groupe (qui est l’une de ses toutes premières signatures) et l’homosexualité affichée de deux de ses cinq membres.
Petit tour d’horizon de la carrière aussi fulgurante qu’éphémère d’un groupe culte en trois incontournables.
Relax (1983)
Actif depuis 1980, le groupe Frankie Goes To Hollywood enregistre en 1982 les démos de leurs titres Relax et Two Tribes avec les quelques pounds amassés par leur manager. Explicitement sexuel et tapageur, Relax est refusé par toutes les maisons de disques mais l’émission télé The Tube s’intéresse à ce jeune groupe et va diffuser en février 1983 une performance qui met en scène le chanteur Holly Johnson et ses musiciens interprétant la première version de Relax. Ce n’est que quelques mois plus tard, après avoir entendu Relax à la BBC, que Trevor Horn contacte les Frankie pour leur proposer un contrat sur son nouveau label ZTT. Le producteur va passer trois mois en studio à refaire le morceau, jetant à la poubelle plusieurs versions et remplaçant les parties jouées par les musiciens du groupe (pas encore à l’aise avec la cadence métronomique des instruments électroniques) par des programmations et des musiciens plus chevronnés avant d’arriver à ce parfait mélange de new wave et de Hi-NRG qui donne irrémédiablement envie de danser. Relax est le premier 45 tours à sortir chez ZTT le 24 octobre 1983 mais n’obtient pas immédiatement le succès escompté. Paul Morley (journaliste et co-fondateur du label) axe la communication sur le côté sexuel de Relax (qui évoque sans détour l’éjaculation), mettant en avant sur la pochette un « suck it » qui n’est en fait jamais prononcé dans la chanson, et commandant un clip à Bernard Rose dont l’action se déroule dans un club gay SM. Entre temps, le groupe est à nouveau invité à se produire à The Tube, puis à Top of the Pops, mais le parfum de scandale contraint la BBC à stopper la diffusion de Relax, ce qui n’empêche pas le single (et bien au contraire) de grimper à la première place des charts fin janvier 1984 et de s’y accrocher pendant cinq semaines ! Les ventes au Royaume-Uni dépasseront les deux millions et la France ne sera pas en reste avec 600 000 copies écoulées et un n°1 dans les discothèques.
Two Tribes (1984)
Trevor Horn voulait que Slave to the Rhythm soit le follow-up de Relax mais la chanson ne convenait manifestement pas au groupe et sera offerte à Grace Jones l’année suivante. Frankie enchaîne alors sur Two Tribes qui, après l’homo-érotisme de Relax, s’attaque à la politique et à la guerre froide, à nouveau une thématique forte (la troisième sera la religion avec The Power of Love). Mettant en opposition les deux « tribus » (Etats-Unis et Russie), notamment dans la composition du morceau (les influences funk américaine et classique russe sont revendiquées), à une période où la menace nucléaire est à son apogée, Two Tribes est encore une fois accompagné d’un clip choc signé Godley & Creme dans lequel les représentants des deux nations s’affrontent lors d’un combat de boxe. Les membres du groupe posent en G.I. sur les affiches publicitaires du single dont la pochette s’inspire de l’imagerie soviétique, mais outre une communication choc qui fonctionne, Two Tribes est avant tout une excellente production Trevor Horn qui, après une introduction très pompeuse, offre un mélange sophistiqué de High-NRG et de cordes classiques avec des inserts de discours de Fidel Castro ou d’Adolf Hitler dit par un acteur anglais, ainsi qu’une parodie de Ronald Reagan. Two Tribes est un succès immédiat qui s’installe dès sa première semaine en tête des charts anglais et y reste neuf semaines, dépassant 1,5 millions de ventes. En France, le succès sera moindre et le single se contente d’une 48e place au Top 50 avec un peu plus de 80 000 ventes.
Rage Hard (1986)
Après trois singles n°1, un n°2, et une tournée mondiale, il est temps pour FGTH de se mettre au travail sur un deuxième album. Un tournant jamais très évident à aborder, la peur de l’échec étant proportionnelle à la ferveur qui a propulsé le groupe au sommet. « Si ça ne marche pas, ça ne marche pas. J’ai déjà été au chômage, je ne veux pas m’y retrouver à nouveau mais je sais que la vie n’est pas forcément qu’une success-story (…), tout peut t’être retiré à n’importe quel moment », déclare Holly Johnson à Melody Maker à la sortie du premier extrait du deuxième album du groupe en 1986. Un disque dans lequel ils s’impliquent désormais nettement plus et qui prend un virage rock, sous la houlette cette fois du producteur Stephen Lipson (assistant de Tevor Horn), avec le souci d’un message plus personnel et plus honnête, quitte à ce que Frankie y perde un peu de sa superbe, mais sans doute aussi plus prétentieux. FGTH semble vouloir s’affranchir d’un son commercial imposé par un producteur dominant et Holly Johnson présente Rage Hard comme « une incantation contre la mort et l’ennui ». La critique sera sévère et si Rage Hard pointe à la 4e place, ce ne sera que pour cinq semaines de classements dans le Top 50 anglais. N°1 en Allemagne, le single est 32e en France avec plus de 100 000 ventes. Liverpool, le deuxième 33 tours de FGTH sera aussi le dernier, et Holly Johnson reviendra en solo, et avec succès, avec Blast en 1989, un n°1 au Royaume-Uni.