Duran Duran – The Wild Boys

Après le succès de la tournée mondiale Sing Blue Silver et du single The Reflex remixé par Nile Rodgers en 1984, il est difficile d’imaginer que les cinq garçons de Duran Duran retournent immédiatement en studio pour enregistrer un nouvel album tant ils sont exténués. Leur maison de disques planifie alors la sortie d’un album live, leur premier, restituant l’essence de la récente tournée dont on nous avait déjà donné un aperçu avec le clip live de The Reflex, et rassemblant les tubes du groupe. On leur demande toutefois un dernier effort : une nouvelle chanson.

A l’époque John Taylor, le bassiste, est proche du réalisateur australien Russell Mulcahy (qui réalise les clips les plus spectaculaires du groupe) et passe son temps libre dans l’appartement que Mulcahy partage avec son compagnon pendant les sessions d’enregistrement et les répétitions du groupe à Sydney en 1983. Le réalisateur a en tête un long-métrage qui adapterait le livre The Wild Boys (Les Garçons sauvages – Un livre des morts) de William S. Burroughs paru en 1971, roman apocalyptique mêlant violence, drogue et pornographie homosexuelle. Particulièrement impliqué dans ce projet, l’enthousiasme du réalisateur est tel que, lors d’un dîner, John Taylor et Simon Le Bon (le chanteur du groupe) se proposent, mi-amusés mi-sérieux, d’en écrire la musique.

L’idée va faire son chemin et au moment où les membres de Duran Duran doivent se réunir pour travailler sur la nouvelle chanson à inclure à l’album live, consensus est très vite trouvé sur le choix du producteur : ce sera Nile Rodgers, à qui ils doivent l’immense succès de leur dernier single. Rodgers débarque à Londres en juillet 1984 et en deux jours les garçons ont composé deux titres dont The Wild Boys, celui qui a le plus de potentiel selon le producteur. L’enregistrement a lieu au studio Maison Rouge quelques jours plus tard puis Nile rentre à New York, la première mouture de The Wild Boys dans ses bagages, et retravaille le morceau avec son Synclavier. La consigne était claire : Duran Duran voulait une batterie très musclée sur le morceau, ce que Nile Rodgers rendra à merveille sur cette composition rock new wave qui repose sur sa rythmique et sur laquelle le producteur va apporter ce fameux groove qui fait sa renommée.

Mais au moment de la finalisation du morceau, le projet de film de Russell Mulcahy tombe à l’eau. L’occasion du tournage du clip The Wild Boys est trop belle pour passer à côté et le réalisateur décide de mettre à profit ses nombreuses recherches et idées visuelles dans la vidéo de Duran Duran. Mieux que ça, le manager du groupe rêve carrément d’un long-métrage à partir de la captation du concert d’Oakland en avril 1984. Un scénario est alors imaginé à partir du personnage du Dr. Durand Durand du film Barbarella (1968) qui avait inspiré le nom du groupe. Le méchant professeur débarque sur Terre, sidéré d’y trouver des jeunes gens qui scandent son nom avant de se rendre compte qu’il s’agit en fait d’un groupe de musiciens qu’ils acclament. Il n’aura donc de cesse de tenter de saborder le concert et de s’en prendre à nos cinq garçons sauvages. Si l’idée peut faire sourire, on note tout de même que c’est Milo O’Shea, l’acteur de Barbarella, qui reprend ici son rôle, et que Russell Mulcahy, spécialisé dans le cinéma d’épouvante et fantastique, réalisera quelques mois plus tard le film Highlander avec Christophe Lambert.

L’intrigue de ce qui va devenir Arena, le film de l’album live, est donc tournée sur le plateau 007 des studios Pinewood au Royaume-Uni à grands renforts de décors gigantesques, costumes, marionnettes monstrueuses, fumigènes, chorégraphies, effets spéciaux et la participation de la comédienne Jennifer Connelly. La séquence The Wild Boys s’y intercale au milieu dans une version d’une dizaine de minutes (la version télé sera réduite à un peu plus de quatre minutes, soit le temps de la chanson). Dans une ambiance apocalyptique censée rappeler le roman, des créatures à moitié humaines envahissent le plateau pour une cérémonie hérétique tandis que les cinq Duran Duran se font maltraiter de toute part, un supplice différent étant réservé à chacun. Le plus impressionnant étant évidemment celui de Simon Le Bon attaché à l’aile d’un moulin en action qui lui plonge la tête sous l’eau par intermittence… La presse de l’époque rapporta que l’aile du moulin resta coincée pile à ce moment-là, ce que dément Andy Taylor pour qui cela faisait partie de la mise en scène, Simon ayant été équipé d’un tuyau pour respirer. Cette débauche d’effets et de moyens pour un tournage d’une dizaine de jours coûta, dit-on, la bagatelle d’un million de livres dont environ la moitié fut prélevée des cachets des cinq musiciens par la maison de disques qui ne voulait pas assumer un tournage aussi exubérant. Le résultat fut à la hauteur et le clip remporta le Brit Award de la vidéo de l’année en 1985.

Commercialisé fin octobre 1984, quelques jours avant la sortie de l’album live Arena, The Wild Boys est couplé sur la face B du 45 tours à (I’m Looking For) Cracks In The Pavement, enregistré le 5 mars à Toronto durant la tournée, titre non présent sur l’album. Duranmania oblige, le 45 tours est édité en six pochettes différentes : un portrait de chacun des cinq musiciens extrait du clip ainsi qu’une photo de groupe. Le maxi, quant à lui, offre une version longue de huit minutes : The Wild Boys (Wilder Than Wild Boys). Curieusement, sur l’album Arena qui contient dix titres, The Wild Boys est placé à la fin de la face A, un peu comme un entracte.

Le morceau est à nouveau un énorme succès : n°1 en Allemagne et en Italie, n°2 au Royaume-Uni, aux États-Unis, aux Pays-Bas, en Belgique, en Suisse et n°13 en France au printemps 1985.

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