Catherine Lara – Nuit magique

Longtemps cantonnée à un registre classique, grâce à sa maîtrise incontestée du violon, Catherine Lara va, au début des années 70, mettre son talent au service d’une variété racée qui glisse petit à petit vers un rock énergique qui fera sa réputation, notamment sur scène où elle s’affirme dans des spectacles éclectiques et grandioses. 

La musicienne-chanteuse draine un public fidèle en sortant quasiment un album par an depuis son tout premier en 1972 sans toutefois vraiment toucher le grand public. C’est pourtant avec une chanson écrite en cinq minutes qu’elle décroche son premier tube, La Rockeuse de diamant en 1983. Un succès qui l’emmène jusqu’au Zénith de Paris en 1985 où elle engage un claviériste chilien exilé en Suisse : Sébastien Santa Maria. L’entente avec le jeune musicien, nouveau venu dans son équipe, est totale, et leur collaboration va donner naissance au prochain album de Catherine, Au milieu de nulle part, qui sort la même année. 

Santa Maria y joue un rôle prépondérant puisqu’il compose et arrange l’intégralité des morceaux avec la complicité de la chanteuse qui confie à nouveau ses textes au Québécois Luc Plamondon. Catherine Lara s’est toujours entourée de grands auteurs : Boris Bergman, Claude Engel, Étienne Roda-Gil, Daniel Boublil, Pierre Grosz, Elisabeth Anaïs… et l’entente avec Plamondon est de plus en plus évidente au fil des albums. 

Sous l’influence de Santa Maria, l’enregistrement d’Au milieu de nulle part se déroule au studio Prisme à Lausanne en juillet et août 1985. Et de la même manière qu’est arrivée à l’improviste La Rockeuse de diamant, Nuit magique va surgir alors que le disque est terminé. 

Lara a enregistré huit morceaux pour son album mais, alors que tout le monde est en train de ranger ses affaires pour quitter le studio, elle est attirée par le piano qui trône dans un coin de la pièce et s’y installe pour jouer la mélodie qui vient de lui passer par la tête. « L’album Au milieu de nulle part était tout juste bouclé et l’on se met à jouer un air en donnant du « Oh yeah… ». Le timing était proprement scandaleux : cinq ou six minutes pour un slow ? Inenvisageable, même dans les années quatre-vingt », se souvient la musicienne. La base de Nuit magique était née, n’attendant plus que le texte de Plamondon qui n’aura pas de mal à s’y greffer quelques jours plus tard, fraîchement débarqué du Canada. « Oh yeah me fait penser à OK », lui dit Luc. Catherine enchaîne : « – Et si on imaginait une chanson sur ces nuits après lesquelles on est persuadé que l’amour va durer pour l’éternité alors que tout s’arrête au matin ? – On peut… On l’appellerait comme cette boîte, au Canada, où l’on passait nos soirées : Nuit magique. »

Pourtant, Catherine rechigne à interpréter un slow, elle qui est plus habituée aux morceaux musclés, et ce n’est que de justesse que Nuit magique se retrouve sur l’album Au milieu de nulle part, galette à la pochette blanche au milieu de laquelle flotte un petit violon noir.

Le titre éponyme, qu’elle affectionne particulièrement, en est le premier extrait mais ne récolte, comme bien souvent, qu’un succès d’estime. Sur insistance de Gérard Melet, son directeur artistique, Nuit magique sort tout de même en deuxième single au printemps 1986 (dans une version plus courte) et cette fois l’alchimie opère. « Je trouvais la chanson sympa, sans pour autant vouloir me la traîner toute ma vie. J’avais peur qu’elle ne me corresponde pas, avec son étiquette de tube annoncé, écrit Catherine Lara. Il m’est arrivé de rêver pareille destinée pour d’autres chansons, moins connues, mais qui ont compté tout autant à mes yeux. » Pourtant, ce slow façon new wave colle parfaitement à l’air du temps et le texte ambigu de Plamondon distille suffisamment de mystère et de magie pour interpeller. Lara fait sa première entrée au Top 50 à la 34e place au mois de juin avec Nuit magique couplé à Au milieu de nulle part à qui l’on donne une deuxième chance en face B. 

Les bons résultats du 45 tours permettent de trouver des sponsors pour tourner un clip à gros budget. Il sera réalisé par Fina Torres (réalisatrice vénézuélienne récompensée à Cannes et dont le film Oriana a fait craquer Catherine) à Bruxelles au mois de juillet. Arpentant les hauts lieux de la prostitution bruxelloise, Catherine Lara y joue le rôle d’une femme qui succombe, le temps d’une nuit, aux charmes d’un beau garçon interprété par Pierre-Loup Rajot (qu’on verra notamment dans la série R.I.S Police scientifique). 

La diffusion du clip est un succès, Nuit magique grimpe jusqu’à la 13e place et se maintient dans le top jusqu’à début novembre, décrochant au passage un disque d’argent.

Dans la foulée, l’album est réédité avec à la place du violon sur la pochette un portrait de la chanteuse rappelant judicieusement celle du 45 tours, et il est renommé Nuit magique, atteignant ainsi la barre fatidique des 100 000 exemplaires du disque d’or. Catherine enchaîne sur un Olympia dont les critiques se font un écho très favorable et remporte la Victoire de la musique de l’interprète féminine de l’année, devant Jeanne Mas et Catherine Ringer, tandis que Nuit magique est nommée meilleure chanson. 

L’année suivante, l’album À travers les autres est lancé avec Encore une fois en premier extrait, une tentative ratée de réitérer le succès de Nuit magique qui reste le morceau le plus populaire de la chanteuse. La chanson a notamment été reprise par Les Enfoirés, remixée par le DJ israélien Offer Nissim et revisitée par Catherine Lara elle-même dans son album Au cœur de l’âme yiddish en 2012.

Citations extraites de Entre émoi et moi de Catherine Lara, paru chez Michel Lafon en 2011.

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