Martine Clémenceau – Solitaire

Toute petite déjà, Martine Clémenceau n’a qu’une passion, la musique, et qu’une idée en tête, chanter. Si la radio lui permet d’écouter à loisir les tubes du moment, son premier contact avec un instrument se fait avec le piano qui trône chez sa voisine. À peine majeure, elle débarque à Paris, déjà repérée pour ses talents d’interprète, mais le chemin est long et périlleux. Elle signe pourtant chez Barclay à la fin des années 60 pour un contrat de sept ans. On croit manifestement en elle mais les bonnes chansons n’arrivent pas et les deux titres composés pour elle par Jean Renard seront finalement donnés à d’autres. Le 2 octobre 1970, enfin, elle est à l’affiche de la comédie musicale Je fus cet enfant-là de Jack Arel sur un livret de Frank Gérald. Cette « farce musicale en sept tableaux », mise en scène par Yan Brian et produite par Pierre Cardin, est éreintée par la critique et ne tiendra pas longtemps. C’est pourtant pour la toute jeune chanteuse l’occasion d’enregistrer l’album du spectacle et de se faire repérer avec le titre Quand ce jour arrive.

Les 45 tours s’enchaînent alors tout au long de ces années 70 où l’on cherche pour Martine les compositeurs et paroliers idéaux. Elle s’envole pour le Japon en 1971 où elle remporte le concours du festival Yamaha Music avec Un jour l’amour composé par André Popp et dont elle enregistre également une version en japonais. Deux ans plus tard, elle représente la France à l’Eurovision avec Sans toi, un début de notoriété mais une décevante 15e place. Côté scène, si elle a fait les premières parties de Michel Sardou et de Julien Clerc, c’est Claude François qui l’engage comme choriste en 1976. L’entente et la complicité des deux artistes est telle qu’ils enregistrent un duo, Quelquefois. Mais, quelques mois plus tard, le chanteur lui préférera sa nouvelle compagne Kathalyn Jones pour C’est comme ça que l’on s’est aimé.

Désormais débarrassée de son contrat chez Barclay, Martine Clémenceau enregistre pour les disques Flèche une adaptation du deuxième single de Bonnie Tyler, Lost in France, qui devient Toute seule en France mais restera dans les cartons. Si elle compose depuis déjà quelque temps, l’année 1979 va lui permettre de s’exprimer enfin par elle-même et elle signe chez Polydor chez qui elle sort un album dont elle est auteure de toutes les paroles et de toutes les musiques. Au programme de ce disque ambitieux enregistré en Angleterre avec la crème des musiciens, un morceau d’anthologie de plus de dix minutes, Ma confession, épopée lyrique, symphonique, rock et disco.

Les années 80 vont offrir à la chanteuse son plus gros succès, le « tournant de sa vie » comme elle se plaît à l’écrire, avec un deuxième album chez Polydor qui contient une chanson qui va connaître un destin extraordinaire : Solitaire. Martine a de nouveau écrit et composé les dix chansons de ce nouvel opus (à l’exception d’Envies, née d’une improvisation en studio avec ses musiciens). Avec l’aide de Bernard Estardy et Thomas Noton, elle est désormais à la réalisation et enregistre cette composition qui repose sur les synthétiseurs et ce texte qui prône la réclusion et l’isolement, un retour à la nature et à des valeurs plus humanistes, à l’abri de la technologie envahissante et du nucléaire. Un exercice qui permet aussi à la chanteuse de prouver ses talents de vocaliste, notamment sur cette dernière note sur laquelle vient se fondre le saxo de Michel Gaucher. Solitaire est le premier extrait idéal pour le nouveau 33 tours de Martine Clémenceau et se voit commercialiser fin 1981. Le 16 janvier 1982, elle est invitée à interpréter sa chanson lors du tout premier numéro de Champs-Élysées et délivre à cette occasion une prestation en direct impeccable. Les radios vont ensuite s’emparer de Solitaire qui devient un top 30 sur RTL et RMC au mois de mai et un top 5 au Québec durant l’été. Martine enregistre la chanson en anglais (All Alone, texte adapté par Thomas Noton), une version que l’on retrouve sur une compilation allemande.

La même année, la chanteuse américaine Laura Branigan est en Europe pour la promotion de son tube Gloria et, lors d’une émission belge dont elle est l’invitée, elle entend pour la première fois Martine Clémenceau chanter Solitaire. L’Américaine a un coup de foudre immédiat pour le titre et demande à son producteur Jack White de s’enquérir des droits. Branigan s’apprête à enregistrer son deuxième album, le temps presse, et il faut trouver un texte anglais qui collerait à la chanson. Le producteur vient justement d’engager dans son équipe une jeune auteure prometteuse, Diane Warren, à qui il confie la chanson. Elle rendra sa copie dès le lendemain. Conservant le titre original, elle s’inspire de la réussite, ce jeu de carte qui en anglais porte le nom de solitaire, afin d’en faire une métaphore filée sur le thème d’une peine de cœur. Robbie Buchanan se charge du nouvel arrangement et de la réalisation du morceau qui gagne en intensité et en efficacité. Là encore, Solitaire devient le premier extrait de l’album de Branigan en mars 1983 et un énorme succès outre-Atlantique avec une 7e place au Billboard.

Entre-temps, c’est la chanteuse italienne Milva qui a enregistré Solitaire en allemand ainsi que sept autres compositions de Martine Clémenceau pour son album Immer Mehr. La même année, Séverine (gagnante de l’Eurovision en 1971 avec Un banc, un arbre, une rue), produite par Jack White, enregistre la version allemande sur la bande de la version Branigan. « Moi, je n’imagine même pas, ni n’envisage ce qui va arriver. Il y aura plus de quinze versions chantées, instrumentales (Paul Mauriat) dans le monde et il en sera vendu plus de deux millions et demi de copies », commente Martine Clémenceau. Mais si elle continue d’enregistrer jusqu’à la moitié des années 80, Martine Clémenceau ne réitère pas l’exploit de Solitaire. Elle se consacre aux autres dans les années 90 (Herbert Léonard, Dave…) et la SACEM lui remet le prix René Jeanne en 2004.

3 commentaires

  1. Elle ne réitère pas le succès de « Solitaire », et pourtant je trouve « Cosmonaute » et « Trop fragile » plus efficaces et percutants. Bon, je ne les ai pas connus à l’époque de leur sortie (pas de diffusion radio ?), mais assez récemment grâce à topmoumoutte 😉
    Sinon, question : lors de son contrat de 7 ans avec Barclay, période pendant laquelle MC n’a pas eu de succès, était-elle rémunérée quand même ? Comment cela se passait-il à l’époque quand un artiste avait un contrat (surtout si long) ?

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  2. Est-ce qu’un jour une intégrale Barclay/Polydor sera éditée. Cette chanteuse a fait trois albums magnifiques et impossible de les trouver ni en téléchargement ni en CD
    Bien dommage !

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