Interview – Ryan Paris : la Dolce vita per sempre

Été 1983, Fabio Roscioli, alias Ryan Paris, est n°1 des clubs en France avec Dolce vita, un morceau composé pour lui par Pierluigi Giombini, déjà responsable du succès de Gazebo (Master Piece, I Like Chopin). Une nouvelle vague italienne s’apprête à déferler sur l’Europe, on l’appellera italo-disco.

De son regard azuré et de sa voix de crooner, Ryan Paris charme avec un refrain aux réminiscences felliniennes et se retrouve classé n°1 aux Pays-Bas, en Espagne et en Belgique, n°2 en Autriche, Suède et Norvège, n°3 en Allemagne et en Suisse, et vend plus de 600 000 disques en France. Il séduit même les Anglais, pourtant bien moins sensibles à ces refrains made in Italie.

Quarante ans plus tard, Dolce vita est devenue un standard, et Ryan Paris sillonne toujours l’Europe où il se produit sur les plus grandes scènes, comme le 5 juillet prochain à l’Accor Arena de Paris pour le concert Dolce Vita 80.

Vous avez fait le conservatoire, enseigné la musique, et vous avez créé deux groupes de rock dans les années 70 et début 80. Comment en arrivez-vous à enregistrer Dolce vita ?

J’avais ce groupe, mon deuxième groupe, avec qui je faisais les premiers festivals rock en Italie, et mon claviériste partait pour le service militaire. Je cherchais donc à le remplacer et j’ai eu la chance de tomber sur celui qui écrira Dolce vita, qui aimait beaucoup ma voix. Je suis allé chez lui et je lui ai amené mes chansons en italien. Je chantais en anglais mais il fallait des chansons en italien pour jouer dans ces festivals. Il m’a dit : « J’aime beaucoup ta voix mais tu chantes en italien ». Je lui ai répondu que non, que je chantais aussi en anglais, et je lui ai préparé le lendemain une nouvelle chanson en anglais. Ça lui a beaucoup plu, on a travaillé dessus, il a beaucoup étudié ma voix et une dizaine de jours plus tard il m’appelle en me disant : « J’ai fait une chanson mais ce n’est pas rock, elle s’appelle Dolce vita ». Ça s’est fait comme ça.

C’était assez éloigné du rock mais ça vous plaisait ?

J’adorais ! Moi je faisais de la musique commerciale rock, j’aimais beaucoup Pink Floyd, Gentle Giant, différents styles. J’étais aussi professeur de guitare sud-américaine, j’avais beaucoup d’influences musicales différentes. J’avais aussi des racines classiques, mon grand-père était chanteur d’opéra, il a chanté avec la Callas, donc j’aime la musique et quand j’ai entendu cette chanson je l’ai trouvée très belle.

Ryan Paris - Dolce vita Pop Music Deluxe

L’enregistrement a été très rapide.

Oui, c’était très rapide, contrairement à la deuxième chanson qui était trop haute pour moi, j’ai enregistré en un après-midi. En trois heures on avait tout fait. C’était différent en ce temps-là, il fallait être très bon parce qu’il n’y avait pas de logiciels pour modifier la voix. Trois heures, c’était un temps record. Je l’ai chantée très vite, j’ai été séduit par cette chanson.

A-t-il été facile de trouver un label ?

Pierluigi Giombini qui est le compositeur, le producteur et celui qui jouait sur la chanson, est allé à Milan chez Baby Records, parce qu’il avait fait Gazebo chez eux, où on lui a refusé la chanson. Ensuite, il est allé chez Severo Lombardoni qui avait le label Discomagic et, l’histoire est amusante, il n’était pas intéressé mais à un moment sa secrétaire entre et dit : « Quelle belle chanson ! » Alors il a acheté la chanson.

Vous aviez déjà ce pseudonyme Ryan Paris ?

Je suis parti avant que la chanson ne sorte et on m’a demandé de trouver un nom, et j’ai passé tout un après-midi avec ma fiancée à chercher un nom en regardant dans un dictionnaire italien-anglais. On a fait de A à Z sans rien trouver, et puis j’ai dit que j’aimais bien le nom Ryan, je trouvais que c’était fort, je ne savais pas que c’était un nom irlandais à l’époque. Et alors ma fiancée a dit : « Ryan Berlin ». Mais moi ça ne me plaisait pas alors j’ai ajouté Paris, je trouvais que ça marchait bien. J’aime cette ville, j’ai vécu à Paris cinq ans, je devais me marier avec une Française. 

Dolce vita est un immense succès. Ça marche même en Angleterre où il y a pourtant peu de succès italo-disco. Comment l’expliquez-vous ?

C’est vrai, c’est difficile à dire. C’est une chanson qui proposait quelque chose de nouveau pour l’époque, c’est pas vraiment de l’italo-disco. C’était complètement pop. Les Anglais ont beaucoup aimé, ils trouvaient que j’avais un bon accent mid-atlantique. La mélodie était fantastique. J’ai fait Top of the Pops où j’ai vu pour la première fois les Bee Gees, Paul Young… C’est un très bon souvenir.

Vous avez été aussi acteur et on vous voit notamment dans Il était une fois en Amérique.

J’aimais beaucoup faire du théâtre quand j’étais jeune. En 1968, au lycée, on jouait des comédies. Je donnais des leçons de guitare pour gagner ma vie et puis je jouais aussi dans des films, des petits rôles. Une amie m’appelle un jour et me dit : « Viens, il y a quelque chose pour toi ». J’y suis allé, à huit heures du matin, je fumais en ce temps-là, et je demande du feu à un garçon qui était de dos. Il se retourne pour me donner du feu, c’était Robert De Niro ! Là j’ai compris que c’était un film important. J’ai fait quelques jours de tournage à Rome mais ils ont coupé beaucoup de scènes au montage parce que le film était trop long. Et toutes les scènes où je tue des gens ont été coupées. Je suis resté une bonne personne finalement. (rires)

Après Dolce vita il y aura notamment un single en français, Besoin d’amour, en 1988. C’était la première fois que vous chantiez en français ?

Oui, c’était la première fois. J’aime beaucoup le français et j’étais fiancé à une Française. Je l’ai chantée la première fois à Cannes parce que j’étais invité par Eddie Barclay, qui jouait à la pétanque, et le soir, il avait organisé un concert où j’ai chanté Besoin d’amour pour la première fois. C’est une histoire vraie cette chanson, comme presque tout ce que je chante. Je l’ai enregistrée avec Bernard Estardy à Paris, c’était très sympa. Je travaillais avec Alain Marouani qui était chez Eddie Barclay, et je suis resté en France trois ou quatre ans. Ensuite je suis parti en Hollande parce que j’étais fiancé à une Hollandaise. (rires) L’amour n’a pas de frontières.

Vous avez côtoyé beaucoup de monde dans les années 80, et notamment Jeanne Mas paraît-il. Vous l’avez connue lorsqu’elle vivait en Italie ?

C’était avant Dolce vita et avant Toute première fois, faite par Romano Musumarra qui était guitariste sur une de mes chansons. Il travaillait dans le studio où on a fait Dolce vita. Avec Jeanne on prenait des cours de danse contemporaine à côté de la prison Regina Cœli à Rome. On a fait ça pendant deux ou trois mois mais après on s’est perdus de vue.

Dolce vita fête cette année ses 40 ans. Avez-vous prévu quelque chose de spécial ?

Beaucoup de choses. Il va y avoir un LP en Espagne avec une version de Dolce vita pour l’Espagne, mais en anglais, et on prévoit aussi une sortie en Italie, en Allemagne, et avec mon agent français on va essayer de faire quelque chose en France avec de nouvelles et d’anciennes chansons. Il y a aussi beaucoup de concerts prévus. On vient de sortir en Italie un maxi vinyle, Take a Chance, qui plaît beaucoup aux radios. Je suis très content. Il y a une nouvelle version de Lady Fantasy, une chanson d’un chanteur italien des années 2000, mais il y a surtout la chanson Take a Chance. Vous savez, après Dolce vita, il y a eu Fall in Love et après beaucoup d’années de souffrance, parce que c’est difficile de réitérer ces grands succès. En 2009, j’avais une chanson qui s’appelait I Wanna Love You Once Again qui a plu à un producteur hollandais, Eddy Mi Ami, qui en a fait une magnifique version italo. Je l’ai chantée aussi en français et en espagnol et je suis reparti avec ça. On a fait plusieurs chansons avec ce producteur, parfois avec des musiques à moi, parfois avec des musiques qu’il m’envoyait. Sur cette chanson, j’ai trouvé une mélodie tout de suite, tout comme pour Take a Chance, j’avais la mélodie en cinq minutes. J’en suis très content. En novembre dernier, avec la chanteuse Valerie Flor et le rappeur Calibro 40, on a été avec Sensation of Love, une chanson que j’ai écrite et remixée en version électro par des copains allemands, numéro 1 sur iTunes Italie. C’est fantastique !

Vous continuez à travailler et à créer…

C’est très sympa, en plus j’ai aussi mon fils qui chante, je vis dans la musique, c’est fantastique. La musique c’est vraiment le langage de l’âme.

Est-ce que vous imaginiez que 40 ans après vous chanteriez encore Dolce vita sur les plus grandes scènes comme à l’Accor Arena le 5 juillet prochain ?

Non. (rires) Quand j’ai entendu cette chanson pour la première fois, j’ai bondis. J’habitais chez ma mère à l’époque, et j’ai dit à ma famille : « J’ai une chanson qui va vendre 1 million de copies ! ». Finalement elle a vendu beaucoup plus, et quarante ans après, qu’elle soit encore aussi connue, c’est magnifique. À part la période difficile, j’ai toujours continué à écrire. Depuis 2010, il y a un regain d’intérêt pour mes chansons de la part des radios italo et j’en suis très content. Mais jamais je n’aurais imaginé ça !

Propos recueillis le 7 avril 2023

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