
Signée sur le jeune label Flarenasch depuis le tout début des années 80, Françoise Hardy a sorti deux albums réalisés par Gabriel Yared en 1981 et 1982, et a connu quelques petits succès avec les titres Tamalou, Tirez pas sur l’ambulance ou Moi vouloir toi. Si la chanteuse est toujours présente en télévision pour interpréter ses derniers titres, on l’invite surtout, et de plus en plus, pour s’exprimer sur ses activités d’astrologue et de graphologue qui lui prennent beaucoup de temps. En plus d’animer sur RMC une émission hebdomadaire sur le sujet, Françoise Hardy devient en quelque sorte « l’astrologue de service » des chaînes de télé qui n’hésitent pas à la solliciter pour étudier le thème astral d’un invité.
La chanson semble à cette époque devenue une activité secondaire pour celle qui se plaint régulièrement du manque de bons mélodistes en France. Ses activités discographiques se réduisent alors comme peau de chagrin : un seul 45 tours début 1984 (Moi vouloir toi, composé par Louis Chédid) et un duo avec Étienne Daho en 1985 sur Et si je m’en vais avant toi, chanson qu’elle avait initialement enregistrée en 1972 et qu’il lui propose de reprendre. Mais aucun album à l’horizon. Elle commence même à émettre de sérieux doutes quant à la possibilité d’en enregistrer à nouveau, d’autant plus que la collaboration avec Gabriel Yared semble avoir fait son temps : « (…) pour la simple raison que je ne peux écrire qu’à partir d’une musique et que Gabriel prétendait ne pouvoir composer qu’à partir d’un texte », explique-t-elle dans Le Désespoir des singes en 2008.
Françoise Hardy, la chanteuse, manque pourtant à son public et ses amis musiciens. Lorsque Alain Souchon lui demande lors de l’émission Pollen du 4 décembre 1985 sur FR3 pourquoi elle n’enregistre plus, elle lui répond : « Il n’y a pas de mélodistes en France. J’attends des mélodies… J’en ai trouvé une je crois d’ailleurs, je te ferai entendre ». Car en effet, par un concours de circonstances, elle vient tout juste de faire la connaissance d’un compositeur de talent : Jean-Noël Chaléat. C’est en accompagnant son fils Thomas chez le coiffeur que ce dernier lui demande lui aussi pourquoi on ne l’entend plus. La réponse est sempiternellement la même. Mais Yvan, le coiffeur, connaît justement un faiseur de mélodies extrêmement talentueux. Rendez-vous est donc pris dès le lendemain avec Jean-Noël Chaléat (qui a notamment signé Manureva, Palais royal ou Géant pour Alain Chamfort) qui débarque chez Françoise Hardy avec deux maquettes qu’il a dans ses tiroirs depuis quelque temps.
« Une mélodie intemporelle, il n’y a pas trente-six façons de la mettre en valeur. Par exemple, quand j’ai travaillé avec mon cher ami Jean-Noël Chaléat sur la réalisation de V.I.P., il m’a apporté cette chanson avec ce qu’il avait fait derrière. Elle était très éloignée de ce que je chantais à ce moment-là, mais d’un seul coup, l’ensemble m’a plu », dit-elle à la revue Schnock en 2017. Intriguée mais sans doute un peu déconcertée par ce qui lui semble loin de son univers, la chanteuse saute le pas, sans doute aidée par l’enthousiasme de son fils Thomas qui, du haut de ses 12 ans, lui intime d’enregistrer la chanson immédiatement.
Le texte de V.I.P. va venir incroyablement rapidement à Françoise Hardy : elle l’écrit en deux jours. Elle le commentera avec humour à Jacky lors de l’émission Super Platine du 16 avril 1986 : « Le refrain diabolique de Jean-Noël Chaléat ne comporte que trois notes, très séparées les unes des autres, et il fallait trouver trois lettres qui puissent se dire de cette façon sur cette mélodie-là. Alors, j’ai pensé d’abord à S.O.S., mais je savais que S.O.S. avait déjà été utilisé, il ne restait plus que V.I.P. Il y avait P.D.G. aussi mais c’était moins bien. V.I.P. c’est le fantasme de toutes les femmes, j’espère en tout cas. »
Alain Puglia, le directeur de Flarenasch, est lui aussi très enthousiaste, et l’enregistrement de V.I.P. (et de sa face B Jamais synchrones) va se faire très rapidement, en seulement une semaine au studio Guillaume Tell. « Il faut s’aligner sur l’exigence anglo-saxonne et ça n’est pas évident », dit la chanteuse à l’époque. V.I.P., avec sa modernité et sa réalisation soignée par Chaléat, replace Françoise Hardy parmi les chanteurs du moment en ce début d’année 1986. Preuve en est, les radios s’en emparent très vite et la chanson se classe 2e des diffusions périphériques début mars et 9e des FM mi-avril.
En moins de dix ans d’existence, Flarenasch est désormais un label qui compte et se retrouve à un moment crucial de son développement. En 1986, le label a lancé Images qui connaît un énorme succès avec Les Démons de minuit. Des artistes déjà confirmés comme Rose Laurens et Jean-Pierre Mader s’apprêtent à se lancer sur la scène de l’Olympia, et Françoise Hardy, icône de la chanson française, fait sa première apparition au Top 50 à la 48e place le 3 mai (mais pour une seule petite semaine).
Françoise Hardy est très présente en télévision pour promouvoir V.I.P., même si l’exercice lui est toujours aussi difficile et désagréable, notamment lorsqu’il s’agit de mimer une chanson rythmée, elle rappelle souvent qu’elle n’a pas l’aisance de ses collègues Sylvie Vartan et Sheila. Si un clip est envisagé avec « la bande d’Étienne Daho », l’outil promotionnel s’avère très coûteux et l’idée est abandonnée. Des remixes sont réalisés par ailleurs, une version longue sur un premier maxi 45 tours, deux remixes « made in London » sur un autre, et quatre remixes « italiens » sur un maxi 45 tours espagnol (une rareté !).
Sur la face B du 45 tours, on trouve le titre Jamais synchrones, autre réussite signée Jean-Noël Chaléat qui plaît beaucoup à la chanteuse et « dont le texte abordait le problème si répandu de l’absence de concordance dans un couple entre les humeurs de l’un et celles de l’autre », écrit-elle dans Chanson sur toi et nous en 2021.
Dans la foulée du succès de V.I.P., la chanteuse n’étant pas décidée à enregistrer un album, Flarenasch édite une compilation reprenant le visuel du 45 tours de V.I.P. et les titres les plus emblématiques de ses enregistrements sur le label, ainsi que deux chansons plus anciennes, le tube Message personnel et le plus confidentiel Fin d’après-midi.
En 1988, Françoise Hardy sera de retour avec l’album Décalages, qu’elle annonce comme le dernier…
Je suis surpris de lire qu’il n’y ait pas eu de vidéo-clip pour cette chanson. Je crois justement que le lien Youtube est justement le vidéo-clip. A moins qu’il ne s’agisse d’une séquence tournée au départ pour une émission de télé et qui a, ensuite été utilisée en guise de vidéo-clip, comme cela se faisait beaucoup à l’époque…
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