L’Italien Raffaele Riefoli se passionne pour la musique dès son plus jeune âge et c’est en s’installant à Londres, au début des années 80, qu’il affute ses premières armes en formant le groupe Cafè Caracas. De retour en Italie, après avoir accumulé les expériences, il écrit avec Steve Piccolo son premier single en anglais, Self Control. Le producteur Giancarlo Bigazzi (déjà auteur de nombreux hits italiens) se greffe peu de temps après au duo et il faudra alors presque un an de longues sessions de travail entre les trois garçons pour que la chanson prenne sa forme définitive. Raffaele fait ensuite le tour de tous les gros labels italiens qui refusent le titre. C’est finalement en France chez Carrère, la maison de disque créée par le producteur de Sheila, Claude Carrère, que Self Control va prendre son envol et connaître un destin peu banal.
Simultanément, Jack White, producteur allemand qui se développe depuis peu sur le marché international, cherche de nouveaux titres pour le troisième album de sa petite protégée américaine, Laura Branigan. La devise du producteur étant que si une chanson marche dans un pays elle doit avoir le potentiel de marcher partout ailleurs, il a déjà fait enregistrer à Laura, avec succès, des reprises de chansons européennes adaptées en anglais. Ainsi, Gloria d’Umberto Tozzi est devenu un n°2 aux Etats-Unis pour Branigan en 1982, tout comme Solitaire (adaptation de la Française Martine Clémenceau) qui se classe 7e au Billboard en 1983.
Self Control entre les mains de Jack White peu de temps avant que Raf (du nom de scène choisi par Raffaele) n’en sorte sa propre version. Le producteur qui sent immédiatement le potentiel de la chanson la fait réarranger par Harold Faltermeyer, collaborateur de Giorgio Moroder, et Robbie Buchanan. Si la version originale est à tendance italo disco-new wave, la production américaine va transformer Self Control en hymne langoureux, sensuel et électronique à la rythmique plus marquée. La composition originale est une belle réussite et les deux versions ont chacune leur potentiel.
Jack White, dur en affaires, négocie avec Raf qui accepte de sortir sa version juste après celle de Laura Branigan. Avec un succès prédominant pour la version Branigan qui bénéficie d’un clip sulfureux signé William Friedkin (French Connection, L’Exorciste…), Self Control version Raf ne démérite pas et devient un tube dans plusieurs pays d’Europe. Il décroche la première place en Italie, où il est le 3e 45t le plus vendu de l’année, ainsi qu’en Suisse où il déloge Branigan du sommet qu’elle réinvestira dès la semaine suivante. Tube de l’été 84, Self Control est 2e en Allemagne (où Branigan a décroché la 1ère place), 7e en Autriche, 6e en Espagne et 40e en France (dans la toute première publication officielle du top 50 alors que le titre est en fin d’exploitation). Chez nous ce sont plus de 400 000 exemplaires du 45t qui trouveront preneurs alors que la version Branigan compte 200 000 exemplaires de plus, soit plus d’un million de ventes pour les deux versions confondues.
Le 45t de Raf propose la chanson en deux parties, la face A comportant la version du tube qu’on peut entendre à la radio alors que sur la face B un mix intégrant un rap est proposé. Les deux versions mixées ensemble forment la version longue du titre disponible sur le maxi 45t qui est accompagné de l’inédit Running Away. En France, un macaron est apposé sur la pochette du disque indiquant qu’il s’agit de la version originale (en opposition à celle de Branigan qui est donc une reprise) et en Allemagne Raf est rebaptisé Raff afin de ne pas faire référence à la Rote Armee Fraktion, organisation terroriste d’extrême gauche.
Un clip rudimentaire est tourné montrant le jeune musicien interprétant son morceau dans un décor aux couleurs psychédéliques et où apparaissent par moment des choristes dédoublées.
Raf sort dans la foulée son premier album éponyme de 9 titres en anglais qui ressort en 1987, agrémenté de deux nouvelles compositions, alors que le musicien représente son pays à l’Eurovision en duo avec Umberto Tozzi sur Gente di mare. La chanson termine 3e du concours, signant ainsi un nouveau succès européen pour Raf.
Mais il change de registre dès l’album suivant en troquant l’anglais contre sa langue maternelle et la new wave pour une variété pop-rock italienne plus conventionnelle. Le succès est au rendez-vous en Italie où ses albums ratent rarement le top 10. Son dernier album, Sono io, est paru en juin 2015.
Comme tout grand tube, Self Control a eu droit à son lot de reprises plus ou moins heureuses, on peut citer notamment la version en espagnol de Ricky Martin en 1993, celle en français par Sheila en 1999 ou encore la version dance du groupe danois Infernal en 2006.
Merci pour l’histoire de ce tube. Ce n’est que bien plus tard que j’ai appris que cette chanson de Laura Branigan que j’entendais à la radio était une reprise… Je n’ai d’ailleurs jamais entendu la version originale à cette époque à la radio ! Je ne pensais donc pas que le 45t de Raf se fut vendu si bien. Mais tant mieux, car c’est quand même culotté de lui demander, lui le créateur de la chanson, de sortir son disque après la reprise !
Par ailleurs, c’est grâce à vos articles que j’ai découvert Martine Clemenceau (chanteuse originale de « Solitaire » qui a été repris également par Laura Branigan), et que j’adore depuis ses titres « Cosmonaute » et « Trop fragile ». Parfois, je me demande comment j’ai pu passer à côté de chansons de ce genre… La faute certainement à des passages radio très rares.
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