En 1986, Sylvie Vartan quitte sa maison de disques historique RCA. Après les succès du début des années 80 (Nicolas, Tape tape, L’amour c’est comme une cigarette…), le rythme d’un album studio par an a fini par épuiser la chanteuse et ses auteurs compositeurs. La maison de disques ne semble plus miser sur l’artiste et, après 24 ans de bons et loyaux services ainsi qu’une quarantaine d’albums, il est temps d’aller voir ailleurs. Sylvie a besoin de renouveau, d’une nouvelle équipe motivée et de s’inscrire dans l’air du temps pour s’émanciper de l’image d’une certaine variété un peu dépassée.
Elle signe chez Philips sous le label Phonogram et on lui propose immédiatement de travailler avec des auteurs-compositeurs en vogue, à savoir Romano Musumarra (en pleine gloire avec les succès de Jeanne Mas et Stéphanie) et Jean-Marie Moreau (qui signe les textes de François Feldman). Un single est lancé en 1987, Femme sous influence, réalisé par Yves Roze (Stéphanie, Kazino…) mais le succès n’est pas au rendez-vous.
Ce n’est finalement que deux ans plus tard, à l’aube des années 90, que Sylvie Vartan fait son vrai retour avec l’album Confidanses. Un disque qui mélange, comme son nom l’indique, des chansons intimes à des compositions plus entraînantes. L’album est enregistré en plusieurs sessions, en divers endroits du monde, avec des producteurs et des arrangeurs français, américains et un Allemand. Une méthode de travail à l’américaine, sans doute initiée par Tony Scotti, époux de Sylvie depuis 1984 et également producteur de films et de disques.
C’est fatal
On sollicite donc pour ce nouveau disque un producteur allemand, Michael Cretu, faiseur de tubes pour la chanteuse Sandra (et accessoirement son mari). Il signe et réalise tous les succès de la jeune chanteuse, de (I’ll Never Be) Maria Magdalena à Heaven Can Wait, en passant par Secret Land et Around my Heart, les derniers en date. Il collabore également avec Mike Oldfield et quelques groupes allemands avant de lancer le projet Enigma en 1990 qui connaîtra un énorme succès international, notamment avec son premier single, Sadeness (Part I). Pour Sylvie, il réalise deux morceaux, et non des moindres, C’est fatal et Ça va de soi, dont il est également le compositeur. Ces deux chansons sont enregistrées entre Munich et Ibiza, où Cretu possède des propriétés dans lesquelles il a installé des studios d’enregistrement où il peut développer ses expérimentations électroniques, entre synthpop, dance et new age. Pour mette en mots C’est fatal, on fait appel à Didier Barbelivien, qui signera en tout cinq des neuf textes de Confidances. Ce n’est pas un auteur totalement inconnu dans la sphère Vartan puisqu’il lui a déjà prêté sa plume pour Orient-Express et Toute une vie passe… en 1981. Mais c’est véritablement avec Confidanses que sa complicité avec la chanteuse devient évidente, donnant naissance à des textes personnels et sensibles, et il deviendra par la suite un incontournable, participant quasiment à un album sur deux. Pour C’est fatal, composition dramatique et forte, il imagine un texte assez violent, « animal », à propos d’un amour fou et destructeur. « Cette chanson est forte, elle a un son, elle m’a fait penser à Par amour par pitié, en plus sexuel, plus violent », dira Sylvie dans l’ouvrage Dans la lumière en 2008. « Tout est parti d’un mot, fatal, que j’avais en moi, et d’une rencontre avec un musicien, Michael Cretu, qui a mis en musique ce climat que j’avais en tête. Fatal parce que tout dans la vie est question de fatalités. Comme s’il y avait dans la vie quelque chose d’implacable qui vous pousserait dans une certaine direction ou vers certains êtres », confie-t-elle à la presse durant la promotion du disque. La chanson qui ouvre l’album est surprenante, faite de programmations de synthé, et annonce un retour tout sauf fade. La deuxième composition de Michael Cretu, Ça va de soi, est beaucoup plus rythmée et dansante et n’aurait pas dénotée dans le répertoire de Sandra. C’est en tout cas l’une des très bonnes surprises de l’album, une chanson dynamique sur laquelle la voix un peu traînante de Sylvie est tout à fait à son aise, soulignée par les chœurs de Michael Cretu. Le texte, qui en substance parle des signes de l’émoi amoureux, joue surtout sur les sonorités plus que sur le sens et apporte un peu de frivolité après la gravité de C’est fatal. Le texte en est signé Georges Terme (qui signe aussi Tu cours après le temps), collaborateur régulier de la chanteuse depuis 1978.
Autre producteur de Confidanses, Georges Lunghini est le père d’Elsa et le beau-frère de Marlène Jobert. Il compose en 1984 un tube pour la comédienne, Un éternel besoin d’amour, qui dépasse les 200 000 exemplaires vendus, avant de prendre en mains la carrière de sa fille. Quelque chose dans mon cœur, Jour de neige, À la même heure dans deux ans… les chansons qu’il compose et produit pour Elsa sont des tubes et on lui propose d’écrire pour Sylvie. Avec son collaborateur Raymond Donnez (par ailleurs arrangeur de Sylvie depuis les années 70), il signe quatre musiques : Il pleut sur London, Beau photographe, Bordeaux – San Francisco et Comme un homme, dont Barbelivien écrit les textes. Ces quatre titres (ainsi que Bleu Pacifique) sont enregistrés entre les Etats-Unis (où réside désormais la chanteuse) et la France, au studio Santa Monica Sound à Los Angeles, avec cette fois-ci une pléiade de musiciens (guitare, basse, batterie, percussions) qui complètent les synthés, et au studio Mega de Thierry Rogen à Paris, où se déroule également le mixage.
Il pleut sur London
Splendide ballade mélancolique, Il pleut sur London est une évocation du temps qui passe, de la nostalgie de la jeunesse à travers les réminiscences du Swinging London, des Beatles… « C’étaient les années-tourbillons, la vague yéyé, mes débuts, mon mariage, une génération où les garçons et les filles de 16-17 ans étaient devenus porte-drapeau de la première lame de fond qui soulevait les jeunes. J’ai vécu des moments fabuleux, excitants, mais sans le savoir parce que c’était mon quotidien », commente la chanteuse. Beaucoup plus rythmé, Beau photographe est à nouveau un titre qui ne s’embarrasse pas du texte mais joue plutôt sur les consonances et allitérations avec pour champ lexical l’univers de la photo (« flash ma vie, beau photographe, d’une photographie qui m’agrafe »). Bordeaux – San Francisco et son message humaniste et égalitaire offre un refrain qui a tout d’un hymne avec des percussions entraînantes qui aurait fait une fin de concert idéale. On retrouve dans les chœurs les immanquables Carole Fredericks, Becky Bell et Yvonne Jones, entre autres. Une version plus longue de la chanson, comportant un refrain supplémentaire, sera interprétée à la télévision italienne et reste aujourd’hui inédite sur disque. Après Comme un garçon, Sylvie interprète Comme un homme, mais cette fois il s’agit de l’être attendu. La composition est typique du tandem Lunghini/Donnez et n’aurait pas dépareillé sur un album d’Elsa. Ce sera l’une des quatre chansons de Confidanses à être interprétée sur scène à Sofia en 1990. Vêtue d’une longue robe noire qu’elle s’amuse à faire virevolter, Sylvie joue la femme fatale entourée de danseurs en smokings. Bleu pacifique, titre rythmé composé par Jean-Pierre Bourtayre (à qui l’on doit Parle-moi de ta vie en 1971) et mis en mots par Claude Lemesle (Le Mariage, Laisse-moi l’amour, 1976), est un clin d’œil à la Californie, terre d’accueil de la chanteuse depuis quelques années déjà.
Autre chanson de l’album, Viva est écrite par un duo de compositeurs qui, dans les années 80, se spécialise dans le R’n’B : Franne Golde et Dennis Lambert. Déjà connus de Tony Scotti, ils ont à leur palmarès des tubes pour The Temptations, Thelma Houston, Commodores ou George Benson. Pas étonnant donc que Viva sonne très « urbain », une incursion surprenante dans le répertoire de Sylvie Vartan, dont le texte adapté par Michel Mallory (parolier historique de la chanteuse), se veut moderne et décrit le stress de l’époque avec de courtes phrases faites pour coller au rythme très syncopé du morceau. L’enregistrement se fait à Encino en Californie avec aux arrangements l’Américain Claude Gaudette qui avait déjà travaillé avec Sylvie sur l’album Made in U.S.A. en 1985. Les chœurs sont assurés par les deux compositeurs en personne ainsi que par Siedah Garrett, choriste et duettiste de Michael Jackson (I Just Can’t Stop Loving You), avec qui Golde et Lambert ont l’habitude de travailler.
Pour clore l’album, une ballade que Sylvie aime beaucoup, Tu cours après le temps, est une adaptation du groupe de rock John Cafferty and the Beaver Brown Band signé chez Scotti Bros. Records depuis 1983. Le groupe a connu quelques jolis succès mais ce Just a Matter of Time est extrait de la bande originale du film Eddie And The Cruisers II: Eddie Lives, parue en 1989, la même année que Confidanses. L’adaptation du texte en français est confiée à Georges Terme et reflète à nouveau la nostalgie de la jeunesse, à l’instar d’Il pleut sur London. Le titre est réalisé par Richie Wise, vocaliste du groupe de hard rock Dust mais également réalisateur pour Kiss, du Made in U.S.A. de Sylvie et des premiers albums de David Hallyday.
L’album Confidanses est commercialisé le 16 octobre 1989 et, sur le cliché pris sur l’île Saint-Louis, Sylvie apparaît désinvolte, simple et moderne, en jean/T-shirt. C’est fatal en est le premier extrait. C’est une évidence pour ce titre fort dont le mixage de la voix met en avant l’interprétation habitée de la chanteuse. Un maxi 45 tours ainsi qu’un CD maxi servant à la promotion proposent, en plus de Tu cours après le temps (face B du 45 tours), une version longue de C’est fatal. La chanson est rallongée de 30 secondes avec un instrumental en fin de morceau prétexte à un solo de guitare électrique musclé. Cette version maxi sera également intégrée en bonus à l’édition japonaise de l’album qui sort l’année suivante. Enregistrée également en italien sous le titre È fatale (le texte est adapté par Cristiano Malgioglio avec qui Sylvie enregistrera un duo en 1991), la chanson est commercialisée chez nos voisins transalpins avec une pochette différente et la version française en face B. Toujours très populaires en Italie où elle décroche des tubes dans les années 60 (Due minuti di felicità, Come un ragazzo, Zum zum zum, Irresistibilmente…), Sylvie ira y promouvoir son nouveau 45 tours à deux reprises en février 1990 et enregistrera à la même époque une nouvelle version de Come un ragazzo pour l’émission et l’album C’era una volta il festival. Un très joli clip tourné à l’Opéra-Comique est réalisé et chorégraphié par Lydie Callier, ancienne danseuse de Sylvie dans les années 70 qui, après avoir formé le trio musical éphémère Da Capo en 1984 avec Guesch Patti, réalisera les clips de la chanteuse d’Etienne.
En avril 1990 un deuxième single est lancé, Il pleut sur London (avec Beau photographe en face B), à nouveau avec un clip de Lydie Callier. « Cette chanson, Didier Barbelivien et Georges Lunghini me l’ont proposée. Elle m’a plu immédiatement. Nous l’avons un peu modifiée, pour que j’y trouve mes accents à moi ». Interprété en concert à Sofia quelques mois plus tard, ce sera le seul titre de l’album qui aura l’honneur de figurer sur le disque de l’enregistrement live.
Avec une promotion qui bat son plein, Sylvie ne ménage pas sa peine pour défendre son nouvel album. On la voit en effet dans toutes les émissions qui comptent et pas seulement pour interpréter ses singles (Bordeaux – San Francisco, Ça va de soi, Tu cours après le temps sont présentés). Malgré cela, ni l’album, ni aucun des singles n’entrent au Top 50. Envisagé comme troisième single, Ça va de soi est finalement annulé. La chanson aurait pourtant pu présenter la facette plus dansante du disque, une chorégraphie étant créée par Lydie Callier (présentée sur quelques plateaux télé ainsi qu’au concert de Sofia) et une version longue remix réalisée. Celle-ci paraîtra cependant quelques années plus tard, en 1994, sur la compilation Femme sous influence qui reprend des titres enregistrés chez Phonogram entre 1987 et 1992 (on y trouve aussi la version longue de C’est fatal).
Malgré cet échec relatif, Confidanses reste un album important pour la Sylvie Vartan des années 80. Très aimé des fans, il lui offrira un nouveau standard scénique avec C’est fatal qui trouve désormais très régulièrement sa place au programme de ses concerts, un moment toujours attendu. Il ne faudra toutefois pas patienter longtemps avant de retrouver la chanteuse classée pour la première fois au Top 50 en février 1991, grâce à l’aide de son ami Etienne Daho…
Je ne suis loin d’être aussi client que vous semblez l’être de la Vartan des années 80 qui a l’air d’occuper une place plutôt privilégiée sur ce blog… Je ne connaissais de cet album que les 2 (très bonnes) faces A sorties en single, j’ai donc fait l’effort d’écouter 3 autres extraits qui paraissent avoir vos faveurs (mais ne seriez-vous pas sensibles à 100% de la production discographique de Sylvie ? 😉 )
« Bordeaux-San Francisco », pas super emballé mais je perçois bien ce caractère « hymnesque » en fin de concert pour fans émus de quitter leur blonde idole. Sauf qu’à mon sens, il y a un gros ratage sur les refrains avec ces « pourvu que quelqu’un s’en souvienne » et « pourvu que ça veuille dire je t’aime », je trouve que ça nuit à la fluidité de l’ensemble et perso, je serais resté dans les rimes en « o », genre « pourvu qu’on veuille te dire hello ! » et « pourvu que ça veuille dire « à bientôt ! » Mais je ne suis pas parolier… Quant à « Ça va de soi », sans vouloir vous chagriner, je ne vois pas de tube potentiel gâché et je comprends que la sortie single ait été annulée. Selon moi, c’était le flop assuré et ça reste juste une anecdotique piste d’album… Mais je ne suis pas non plus devin. Je pense en tout cas que j’aurais accroché bien davantage sur « Viva »…
Et donc, j’aime beaucoup « C’est fatal » et plus encore avec le temps, le très sensible « Il pleut sur London ». J’ai redécouvert il y a peu « Femme sous influence », je ne déteste pas…
Merci encore de nous détailler aussi précisément ces albums qui ont bidé plus ou moins injustement et ne sont restés que dans la mémoire des fans.
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Dans la discographie pléthorique de la chanteuse, les années 80 ne sont peut-être pas les plus solides mais on a en effet à coeur de la voir représenter ici même si on entend très bien vos arguments 😉
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Un album bien supérieur à tous ceux sortis dans les années 80 (à l’exception de « Bienvenue solitude » et « Made in USA »). Malheureusement, la faiblesse de certains textes gâchent vraiment l’ensemble. Si la mélodie de « Ça va de soi » aurait pu marcher, des paroles aussi creuses n’auraient jamais accroché. « Comme un homme » a une magnifique mélodie, mais pèche aussi du côté texte.
Par contre, les deux chansons sorties en single restent parmi mes préférées du répertoire de Sylvie.
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