Chanteuse des 80’s : Pauline Lafont

Parmi les très nombreuses productions qui ont envahi les disquaires dans les années 80, elles ont eu la chance elles aussi de sortir un disque ! Passant parfois très près du tube, elles sont toutefois restées confinées à un succès d’estime, même si certaines d’entre elles ont pu traverser la décennie (à l’époque, les maisons de disques étaient souvent moins frileuses à penser une carrière sur le long terme).
Certains de leurs refrains sont peut-être encore enfouis au fond de votre mémoire aujourd’hui, et nous, on garde beaucoup de tendresse pour ces chanteuses qu’on ne se lasse pas de redécouvrir et dont vous retrouverez régulièrement les portraits dans cette rubrique.

Pauline Lafont

Fille de la comédienne Bernadette Lafont et du sculpteur hongrois Diourka Medveczky, Pauline Lafont est élevée par ses grands-parents. Sa mère, c’est à l’âge de douze ans qu’elle la découvre vraiment, âge auquel on confie à Pauline un petit rôle dans un film à ses côtés et dans lequel apparaît également sa sœur aînée, Élisabeth. Le cinéma n’est pas ce qui l’attire en premier et elle se souvient, alors qu’elle ne se met à parler que tardivement, à l’âge de quatre ans, que petite fille elle adore chanter. Mais de photos en apparitions télé, c’est tout de même vers le cinéma que le chemin de Pauline commence à se dessiner. De Papy fait de la résistance de Jean-Marie Poiré (dans lequel on la voit avec une autre actrice-chanteuse, Corinne Tell) à Poulet au vinaigre de Claude Chabrol, Pauline Lafont se fait un prénom.

En 1986, c’est son rêve de chanson qui prend forme. Pauline a pour ça un producteur, Jean Lahcène, mais pas encore de compositeur. Mais le destin fait bien les choses, et la jeune femme rencontre par hasard Jacno un soir dans un restaurant. Si les deux vont bientôt vivre une histoire d’amour, tout commence par un 45 tours. Jacno lui compose une musique rétro, à l’image du rock qu’elle affectionne depuis toute petite : Elvis Presley, les Kinks, les Beatles… Pour le texte de ce qui va devenir M’oublie pas, Jacno fait appel à son ami Étienne Daho qui se souvient de cette chanson dans Étienne Daho, portraits & entretiens de Benoît Cachin : « Pauline est venue à la maison et j’ai écrit M’oublie pas avec elle. Chaque fois que j’écrivais une phrase, je lui demandais si ça lui convenait. J’aimais bien la phrase : « Ne m’oublie pas, j’ai fait un nœud à ton mouchoir bleu de Perse ».

Ce premier essai sort en 45 tours et maxi avec en face B une reprise d’un titre d’Elli & Jacno qui avait fait l’objet d’un single en 1981 : Oh là là. Pauline commencera à en faire la promotion en janvier 1987. Inévitablement, on l’interroge sur les liens entre cinéma et chanson, ce à quoi elle répond : « C’est complémentaire de jouer mais c’est un vieux rêve que je peux réaliser maintenant. » Quand à savoir s’il s’agit là d’une mode : « Ça s’est toujours fait, simplement c’est vrai que maintenant les choses sont de plus en plus ouvertes et que les gens peuvent faire des choses différentes et c’est bien », répond-elle en citant les exemples de Brigitte Bardot, Jeanne Moreau ou Arletty. Ce qui est frappant à l’époque, c’est qu’on remarque que la jeune actrice semble s’illuminer dès lors qu’elle évoque ses débuts musicaux. Elle ne manque pas de faire part de son admiration pour son auteur et son compositeur ainsi que de son envie de faire de la scène. Elle aimerait aussi avoir l’occasion de chanter dans un film : « Ah ça j’aimerais bien avec Demy, j’adore, j’adore Demy. »

Mais la promotion du disque sera de courte durée. Jacno dira plus tard qu’elle n’a pas voulu le « promotionner » du tout. Peut-être parce qu’arrive quelques semaines plus tard un film qui s’annonce important pour sa carrière : L’Été en pente douce de Gérard Krawczyk, où Pauline tient le premier rôle féminin face à Jacques Villeret et Jean-Pierre Bacri. Le film dans lequel elle tient le rôle de Lilas, jeune femme qui s’imagine en nouvelle Marilyn Monroe, est un succès du box office (près de 800 000 spectateurs) mais est ignoré du Festival de Cannes et des César. Qu’importe, le rôle est un tremplin pour sa carrière et, tout en enchaînant les tournages, elle prépare en parallèle son deuxième disque.

À son retour d’un tournage de trois mois en Chine, son frère David lui compose Privée d’épice, un « rock chinois en hommage à la Chine » dira-t-elle. Le disque paraît chez Barclay le 1er mars 1988 avec un texte candide signé par Jean-Paul Blanc (Fuis, Lawrence d’Arabie d’Annabelle). Pauline en assure la promotion télé et radio en mars et avril avec toujours un grand plaisir apparent, et avec la présence de son frère David à la batterie. À la même époque, leur sœur Elisabeth fait elle aussi la promotion de son 45 tours, Les Bonzhommes, et les deux sœurs sont parfois réunies avec leur mère Bernadette, comme dans ce Sacrée soirée du 9 mars.

En août, Pauline part se ressourcer dans la maison familiale située dans les Cévennes. Elle en parlait quelques mois plus tôt dans l’émission Le Divan d’Henri Chapier : « Il y a un endroit que j’adore, qui sont les Cévennes, où j’ai été élevée, et je me dis souvent qu’il faut que j’y ailler pour m’isoler, pour carrément couper et oublier un peu, oublier un peu la vie qu’on a parfois, qui est très superficielle ». Le 11 août, elle part seule en randonnée et ne reviendra pas. L’alerte est rapidement donnée et les médias relaient l’information deux jours plus tard. Pendant plusieurs mois les rumeurs les plus folles circuleront. Le corps de la jeune femme ne sera retrouvé que le 21 novembre et l’autopsie conclura à une chute mortelle.

Jacno dira plus tard qu’une suite était prévue à M’oublie pas : « Gainsbourg était branché sur la question car il nous aimait beaucoup, Pauline et moi. Nous étions d’accord pour un projet futur en 88-89. Bien entendu, Étienne aurait été sollicité pour cet album ». En 1989, Jacno publie l’album T’es loin, t’es près qu’il dédie à Pauline et sur lequel on trouve une chanson, La réponse est non, sur laquelle elle avait posé sa voix.

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