
En 1986, Marie-Claire Buzy a sorti depuis déjà quelques mois son troisième album, I Love You Lulu, chez CBS, mais les résultats commerciaux ne sont pas ceux qu’escomptaient la maison de disques. Malgré la complicité de Serge Gainsbourg qui a réalisé la photo du disque et mixé un titre, le 33 tours n’offre pas de nouveau tube à la chanteuse sur les deux singles extraits : I Love You Lulu et Gainsbarre. Suite à un remaniement de direction chez CBS, Buzy ne se sent plus défendue et ressort de cette mésaventure sonnée et déçue. Les secours ne vont pourtant pas tarder à se présenter sous la forme d’un coup de téléphone providentiel. Le manager et éditeur Bertrand Le Page, qui signe coup sur coup deux tubes de l’été 1986 pour ses protégées Mylène Farmer (avec Libertine) et Jakie Quartz (avec Vivre ailleurs), que Buzy a déjà eu l’occasion de croiser, tient absolument à lui faire écouter quelque chose. En secret, il a demandé à son collaborateur le compositeur Gérard Anfosso (avec qui il a travaillé pour Valérie Mairesse, Jakie Quartz et F.R. David) de composer une nouvelle musique sur un texte de Buzy présent sur son dernier album : 89. Une chanson sensuelle écrite après un séjour à Bangkok où, souhaitant simplement acheter des cigarettes, elle s’était laissée entraîner dans les bas-fonds de la cité des anges pour faire l’expérience du massage local, une expérience… bien plus intime que ce qu’elle n’imaginait.
Dans sa première mouture arrangée par Buzy et Claude Sacre et réalisée par Manfred Kovacic, la chanson rythmée aux couplets parlés offrait des sonorités orientales, un solo de saxo et un refrain plus rock duquel s’échappait le gimmick « Body body physical, sex and rock and roll ». La version imaginée par Anfosso, elle, est beaucoup plus pop et immédiate, accroche l’oreille dès les percussions introductives, sans pour autant renier l’esprit du texte et conservant même des guitares, chères à la chanteuse, tandis que le saxo devient un gimmick en lui-même. La transformation est radicale, mais la chanteuse a l’intelligence d’en reconnaître l’efficacité : « J’ai hésité, tout mon entourage me disait qu’il ne fallait pas la chanter, ils disaient qu’elle était trop variété pour moi. Moi je ne la trouvais pas variété, je la trouvais très catch, très pop », nous confiait la chanteuse en 2019 à la sortie de son album Cheval fou. Une production qu’elle n’hésitera pas à rapprocher du son anglo-saxon de l’époque.
Mais CBS n’aime pas la chanson, renommée Body Physical. Alors, Bertrand Le Page, qui a désormais pris Buzy sous son aile, obtient à ce qu’on lui rende son contrat et trouve un producteur pour Body Physical, un directeur de restaurant parisien (exactement comme il l’avait déjà fait pour Jakie Quartz dont le producteur était gérant d’un bar à Marseille) qui s’occupe déjà de Jean-Luc Lahaye.
L’entente entre Buzy et Anfosso n’est pas évidente, et les séances au studio du Palais des congrès dirigées d’une main de fer par ce dernier sont éprouvantes, mais le résultat est là et, ensemble, ils signent également la face B, le très joli Je ; I Remember à la rythmique entêtante et hypnotique. En distribution chez Phonogram, le 45 tours est dans les bacs en fin d’année 1986 et commence à recevoir de bonnes rotations en radio. Relookée pour l’occasion, la jeune chanteuse entame un véritable marathon promotionnel dont l’effet sur les ventes de son disque se fera ressentir très vite. Festival de Cannes, Festival d’Avoriaz, Tokyo Music Festival… Buzy est partout ! Il faut bien sûr penser à un clip pour amener la chanson encore plus loin et Bertrand Le Page recrute le jeune réalisateur Jean-Paul Seaulieu qui refuse de partir tourner en Thaïlande où Buzy avait pourtant fait des repérages. Le décor qu’elle avait imaginé, en accord avec le texte de Body Physical, sera construit en région parisienne et le tournage aura lieu lors d’une nuit glaciale mais pour un résultat très convaincant.

Véritable carton en discothèques où il se classe deuxième des diffusions en avril, Body Physical fait son entrée au Top 50 début mars et atteint trois semaines plus tard la 19e place. Le disque est également un succès au Québec et il se classe 77e des ventes en Europe. Une version longue ainsi qu’une version instrumentale seront pressées sur le maxi 45 tours français tandis que sur celui réservé au marché européen (à la pochette différente) Je ; I Remember remplace l’instrumental.
La collaboration avec Gérard Anfosso va se poursuivre sur un deuxième 45 tours, Baby Boum, que Buzy souhaite plus rock et plus proche de son univers. Mais son producteur, Gérard Pédron, tombe malade et rend leurs contrats à ses artistes, empêchant la chanteuse de poursuivre sur un album. L’année suivante, elle signe chez Flarenasch où elle sort l’album Rebel.
En 2006, le single Body Physical apparaît sur les plateformes dans sa version originale avec en deuxième piste une nouvelle version réenregistrée.